Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mongols

Ensemble ethnique éparpillé sur de vastes steppes s’étirant des abords de la Caspienne jusqu’au nord de la Mandchourie, en passant par le seul État mongol indépendant, la République populaire de Mongolie, où domine, à 76 p. 100, l’ethnie khalkha.


Le peuple mongol

Du point de vue anthropologique, les Mongols participent tous plus ou moins du type dit « mongoloïde » : plutôt brachycéphale, de corps assez trapu, doté d’un système pileux peu développé, mais à grosse section, au repli prononcé de la paupière supérieure sur des yeux parfois clairs (comme en Afghānistān ou dans le nord-ouest de la Mongolie), au teint très clair, voire blanc chez les Kalmouks, les Bouriates, les Mongols de l’Ouest, beaucoup plus foncé chez les populations de Mongolie chinoise ou du sud de la République populaire de Mongolie.

Les variantes que l’on peut observer d’un bout à l’autre du monde mongol ne portent pas une atteinte profonde à l’homogénéité de l’ensemble. L’incompréhension entre les ethnies des points extrêmes de la chaîne est compensée par une intercompréhension de proche en proche. Les territoires occupés ont en commun d’être constitués en majorité de steppes plus ou moins montagneuses, favorables surtout à l’élevage. Les modes d’organisation sont, dans leurs grandes lignes, assimilables, de même que la littérature orale (forme et contenu), les grandes options religieuses, etc., mais ce qui suit se rapporte principalement aux Mongols de Mongolie propre.

Le pastoralisme nomade est l’économie d’élection des Mongols. Il est partout complexe, s’appliquant conjointement à plusieurs espèces dont les proportions varient selon les régions (en République populaire de Mongolie, en 1965 : 684 700 chameaux, 2 432 000 chevaux, 2 093 000 bovins, 13 838 000 ovins, 4 786 300 chèvres), et extensif, nécessitant des déplacements de fréquence et de longueur variables (jusqu’à 20 pendant les mauvaises années avec gel précoce ou sécheresse d’été ; de 2 ou 3 km en région de khangai, steppe montagneuse du Centre-Ouest, à une centaine de kilomètres en région de Gobi). Il avait jusqu’à une époque récente les principales caractéristiques d’une économie naturelle. Le processus de sédentarisation relative réalisée par étapes et combinée avec la production de fourrages et la construction d’abris n’en est qu’à ses débuts. Deux activités accessoires — l’une, traditionnelle, la chasse, aux rongeurs surtout, l’autre, nouvelle, l’agriculture (dans les régions septentrionales) — ne mettent guère en cause, les agglomérations mises à part, la symbiose entre troupeau et communauté humaine.


Culture matérielle

La nécessité de mobilité entraîne une grande réduction de l’attirail technologique. Très fonctionnelle se révèle l’habitation traditionnelle, la yourte (en mongol ger), tente ronde en feutre sur châssis pliant de bois, par sa protection contre les chaleurs d’été et la froidure hivernale, par l’organisation de l’espace intérieur (quatre ou cinq personnes y vivent en moyenne), par sa simplicité de montage (30 minutes) et de transport (trois ou quatre chameaux suffisent au transport de la yourte, de tout l’outillage indispensable à l’élevage et aux activités dérivées de celui-ci ainsi que des provisions de nourriture). L’alimentation est à base de produits d’élevage, viandes et laitages, utilisés sous de nombreux aspects et élaborés le plus souvent sous un volume réduit permettant transport et conservation.


Organisation sociale

Expression sociale des principes régissant la vie pastorale — qu’elle fonde d’ailleurs —, l’organisation actuelle est le résultat d’une longue désagrégation du régime clanique qui réglait autrefois les rapports socio-politiques, la répartition des territoires et des groupes y nomadisant ainsi que les déplacements saisonniers.

En tant que mode de groupement effectif, le clan a commencé à disparaître au xviie s. ; il a été remplacé alors par une organisation administrativo-militaire encouragée par la dynastie mandchoue Qing (Ts’ing) de Chine. Les noms de clans, et plus encore le souvenir même de l’appartenance à un clan, se sont de ce fait effacés, sauf dans les familles nobles ou de chamanes. Kalmouks et Bouriates les ont mieux conservés. Le régime actuel ne s’appuie pas sur les rapports agnatiques. Mais l’organisation familiale continue de mettre fortement en jeu le principe d’« os » (élément provenant du père, par opposition à la « chair », héritée de la mère), qui trouve son expression dans la préférence accordée à la filiation patrilinéaire. Autour d’elle s’ordonnent résidence (ou plutôt aire de nomadisme), héritage, succession, mariages, la séniorité fondant l’autorité et la hiérarchie.

Le groupe parental, töröl, équivalant en gros à un lignage et définissant les limites de l’exogamie, regroupe les parents issus d’un même ancêtre en ligne paternelle sur cinq, sept ou neuf générations (que l’on appelle « articulations », üie, comptées sur les jointures osseuses sur tout le long de la main et du bras, à partir de la phalange terminale). En fait font partie du töröl les parents patrilatéraux avec lesquels on peut retracer la filiation et dont les noms sont connus. Le töröl inclut aussi (mais avec des variantes) les plus proches parents maternels, non pas tant sur le plan résidence que sur le plan exogamie.

Mais l’unité minimale est l’aïl, ce mot désignant à la fois le contenant et le contenu : dans la steppe, une ou plusieurs yourtes suivant la main-d’œuvre disponible dans la famille (en ville l’appartement), et d’autre part la famille nucléaire augmentée de parents isolés, ou les familles étroitement apparentées (un père et ses fils, un aîné et ses cadets, etc.). Le modèle n’est donc ni la famille nucléaire ni la famille étendue ; mais il répond à une sorte d’équilibre optimal entre la main-d’œuvre requise par les soins à donner au bétail, l’étendue des pâturages, l’effectif du cheptel lui-même et les impératifs du pastoralisme nomade. Ces groupes de yourtes sont intégrés, par l’intermédiaire de brigades, dans les somon, ou sum, à la fois centres administratifs et coopératives de production, ce qui évoque l’organisation en cercles concentriques définie autrefois par le clan.