Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mongols (suite)

C’est donc le töröl qui définit l’exogamie : celui qui en fait partie est un conjoint prohibé. L’ancien mariage préférentiel avec la cousine croisée matrilatérale ne se pratique plus, mais les cas ne sont pas rares de mariages entre enfants de sœurs (bül), ce que confirme la terminologie (gerbülekh, « se marier »). La diachronie permet de suivre l’éloignement graduel des conjoints préférentiels, qui restent néanmoins des matrilatéraux le plus souvent. De toute façon, on cherche à se marier loin, pour augmenter au maximum les effets surtout économiques de la relation d’alliance. Et la coutume interdit à la jeune mariée de retourner chez ses propres parents pendant la ou les premières années. De nombreuses complaintes chantent la nostalgie et la tristesse que celle-ci éprouve, d’autant plus que c’est à elle qu’incombent les tâches domestiques les plus lourdes et que ses rapports avec ses beaux-parents sont extrêmement contraignants : la jeune mariée doit en effet observer de nombreux interdits de langage, des interdits vestimentaires et aussi de comportement. C’est qu’il lui faut contrebalancer la « dot » (süi, équivalent du kalym des Turcs d’Asie centrale, composé essentiellement de bétail), dot qu’a payée la famille de son mari à la sienne. En compensation, la famille du mari attend la continuation de la lignée et une contribution économique par son travail : d’où la pratique du lévirat, historiquement attestée jusqu’à une époque récente (remariage de la veuve avec un cadet réel ou classificatoire de son mari) et correspondant au désir de conserver cette promesse double de compensation. L’obligation du lévirat décroît avec la mise au monde de fils. La nécessité d’une main-d’œuvre féminine doit être mise en rapport avec la distribution des tâches : pour l’homme, soin du gros bétail et tâches extérieures requérant habileté physique ; pour la femme, traite et soin du menu bétail, travaux ménagers (couture et cuisine) ; les activités saisonnières ou occasionnelles, comme la préparation du feutre, des cuirs et des peaux, etc., sont partagées entre les deux époux. L’entraînement respectif commence dès l’âge de neuf ou dix ans. La répartition se trouve reflétée dans les souhaits formulés à l’égard du garçon (abondance, bonheur, longévité, car celui-ci doit assurer la continuité familiale) et de la fille (beauté, sagesse pour illustrer la réputation lointaine de ses parents). La situation particulièrement difficile de la belle-fille soulève, maintenant que la société traditionnelle n’impose plus ses contraintes, une réaction collective : au néo-patrilocat coutumier succède une tendance à vivre au moins quelques années après le mariage chez les parents de la fille.

Une certaine forme de matrilocat correspond à une ancienne pratique de « stage » du garçon chez les parents de la fille, institutionnalisée aujourd’hui dans certaines régions de la République populaire de Mongolie (Centre-Gobi par exemple). Ce stage, effectué avant ou après le mariage, répond soit à la pauvreté de la famille du garçon, qui ne peut fournir une dot (le garçon paie par son travail), soit à l’absence de fils dans la famille de la fille (le garçon devient alors assurance de progéniture).

Les rapports familiaux et sociaux sont très hiérarchisés — personne n’y a son égal —, de même que dans la yourte, cadre de jeu de ces relations, on ne peut s’asseoir qu’au sud ou au nord d’un autre, mais pas à son niveau. Les facteurs décisifs d’autorité et de supériorité hiérarchique sont : séniorité, masculinité, distance, respectabilité due à des talents personnels (habileté physique ou orale surtout).


Culture non matérielle

L’écologie et le mode de vie se reflètent inévitablement dans la conception de la vie mongole : valorisation de la mobilité, de l’espace, association des notions d’étendue plate et de calme ; valorisation de l’hospitalité, qui reste la cérémonie traditionnelle majeure conservée aujourd’hui. L’hospitalité est dans le contexte nomade une obligation mutuelle et est affectée d’un haut degré de convention. C’est qu’elle fournit le cadre de beaucoup d’échanges sociaux, du déroulement de la plupart des cérémonies du cycle de vie, de quelques cérémonies religieuses et parareligieuses privées (effectivement, les divinités étant localisées, les offrandes s’effectuent sur le modèle de l’hospitalité, revenant à régaler les hôtes surnaturels).


Cycle de vie

À la naissance, seules l’attribution du nom et la purification de l’enfant et de sa mère donnent l’occasion aux parents proches de se réunir. Mais c’est la première coupe des cheveux (à trois ou quatre ans, correspondant à l’acquisition de la parole, marque distinctive essentielle d’avec le monde animal) qui donne lieu à l’introduction de l’enfant dans la société humaine et à sa véritable présentation à toute la parenté et au voisinage.

Le mariage — qui couronne l’acquisition de toutes les caractéristiques de l’adulte (capacité de travail permettant une autosubsistance au moins relative, acquisition d’une yourte, d’une femme) — est la cérémonie qui a le plus d’ampleur à tous égards. Les fêtes d’âge, sortes de jubilés auxquels un homme a droit aujourd’hui dès ses cinquante ans et susceptibles d’être réitérés, expriment l’acquisition définitive de la notoriété, venant renforcer la séniorité. Leur ampleur dépend des qualités individuelles.

L’assistance aux funérailles est une quasi-obligation pour la parenté élargie. Celles-ci ne sont pas suivies d’un culte quelconque, si ce n’est d’une prohibition de retour aux lieux funéraires.

Parmi les cérémonies saisonnières, le Tsagān Sar (mois blanc, le premier de l’année lunaire, occasion d’échanges, de visites, de salutations, de cadeaux, de renouement des relations) rivalise d’ampleur avec son parallèle estival, le nādam (occasion de grands rassemblements en cette période d’abondance, reprenant certains éléments de l’ancienne fête de la première traite des juments et s’ordonnant autour des compétitions des trois jeux masculins : tir à l’arc, course hippique, lutte, qui constituent les manifestations traditionnelles de l’actuelle fête nationale, dénommée nādam). Alors que le nādam est une fête collective, le Tsagān Sar met avant tout en jeu une série de relations bilatérales.

Les fêtes d’automne sont de moindre ampleur : en liaison avec la fabrication du feutre, la provision d’aliments pour l’hiver, le départ des oiseaux migrateurs. La fin d’année voit se dérouler le culte du feu (élément au symbolisme faste et multiple : foyer, continuation de la lignée, épanouissement, propreté et pureté).