Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mizoguchi Kenji (suite)

Certains critiques occidentaux ont cherché à le comparer à son compatriote Kurosawa. Confrontation assez vaine, tant le caractère et l’art des deux réalisateurs sont opposés. Au réalisme nerveux et volontiers pessimiste de Kurosawa, à son lyrisme vigoureux et expressif, Mizoguchi répond par un art essentiellement lumineux, où le raffinement tient lieu à la fois d’éthique et d’esthétique.

J.-L. P.

 Vê-Hô, Kenji Mizoguchi (Éd. universitaires, 1964). / M. Mesnil, Mizoguchi Kenji (Seghers, 1965 ; nouv. éd., 1971). / A. Iwasaki, « Mizoguchi », dans Anthologie du cinéma (C. I. B., 1967).

mobilier

Ensemble des objets mobiles concourant à l’aménagement d’une habitation, spécialement les sièges, les tables et les meubles de rangement.


Survoler l’évolution du mobilier, c’est résumer l’histoire des usages de la vie civile et des modes intellectuelles. Il y eut d’abord des meubles strictement utilitaires, qui bientôt revêtirent un caractère d’art. Il adviendra même que le décor primera la forme. En tout état de cause, jusqu’aux temps modernes, le meuble, qui n’était pas seulement fonctionnel, s’adressait aux privilégiés de la société.

Le monde antique a créé des couches et des sièges, aux piétements d’ivoire ou de bronze. La belle table cartibulum romaine est un monument de marbre, immeuble par nature. La Renaissance, en Italie, puis dans toute l’Europe, en imitera le type en bois de chêne ou de noyer. Rome a toutefois façonné des sièges de bronze, les subsellia, réservés aux tribuns de la plèbe. Ce seront là les modèles des premiers sièges du haut Moyen Âge : on n’en connaît l’existence que par les enluminures carolingiennes. Le fauldesteuil carolingien se caractérisait par l’étirement de ses pieds : il lui fallait, en effet, porter le chef assis au niveau des têtes des guerriers assemblés debout. Le modèle comporte un court dossier et deux accotoirs.

Désormais, ces indices distingueront les sièges destinés à tout dépositaire de l’autorité. La chayère médiévale, puis la chaise à haut dossier, puis la chaise à bras seront toujours le siège des maîtres. La chaise à dos, l’escabeau, le tabouret, le ployant marqueront les degrés inférieurs de la hiérarchie sociale. Cette manifestation de l’autorité ne s’est assouplie qu’au xviiie s. : les sièges longs, canapés, sofas, duchesses, inventés pour la commodité, non prévus par le code des bonnes manières et par conséquent dépourvus de signification hiérarchique, seront alors, observe Voltaire, « occupés par les dames sans causer d’embarras pour la société ».

Durant les temps féodaux, le morcellement des fiefs oblige les barons à de fréquents déplacements. Chacun emporte avec soi, dans des coffres massifs bardés de fer, ses chartes, ses « hardes » et son orfèvrerie, ne laissant sur place que des bois sans valeur. Le lit lui-même n’est qu’un châssis à fond de planches sur lequel on jette une paillasse et des couvertures. Faut-il en inférer que l’art du huchier de cette époque était primitif ? Les enluminures, au contraire, dépeignent des meubles de qualité ; ceux-ci se faisaient pour les abbayes, respectées par les gens de guerre. Tel est le scriptional, fût de bois tourné ou sculpté portant un pupitre sur lequel se pose la liasse de parchemin que le clerc déchiffre ou copie. Un autre meuble de cette haute époque est le lectrin (dont est issu le lutrin d’église du xviie s.), consistant en un caisson posé au sol, dans lequel s’implante un pied en pas de vis qui supporte le pupitre.

La disparition irrémédiable d’une immense documentation tend à nous donner du savoir technique des artisans de ces temps lointains, en Occident, un portrait singulièrement minoratif : il est évident que les charpentiers « de la grande cognée », qui construisaient les navires et les toitures à bardeaux imbriqués représentés par la tenture dite « de la reine Mathilde », possédaient une expérience déjà très étendue. Leurs confrères de la « petite cognée » — qui, en France, deviendront menuisiers à la fin du xive s. — produisaient au xiie s. les armoires de Bayeux et d’Aubazines, en Corrèze, qui sont des meubles d’exécution soignée. Grâce à la fulgurante expansion des ateliers laïques du milieu du xiie s., les huchiers se font artistes, comme le montrent tels bancs d’églises norvégiens à décor d’entrelacs, en attendant les stalles moulurées et ornées de figures de la France gothique. L’Allemagne, la Hongrie, l’Italie participent à cette évolution, de multiples échanges entre pays concourant à la formation des styles régionaux. On distingue par des traits caractéristiques un meuble allemand de ses analogues italiens ou français. Le principe, qui est l’appropriation à l’emploi, est le même, mais l’interprétation est différente.

Au début du xve s., le mobilier européen s’enrichit brusquement de modèles inédits. Le lit cesse d’être une simple couche au-dessus de laquelle se tendaient des courtines. Il devient un ample caisson qui se loge dans un angle de la salle, une boiserie pleine revêtant les deux parois du dièdre. Les deux côtés opposés se ferment par des rideaux que sépare un pilier cornier sculpté. Le coffre perd sa rusticité pour devenir un meuble élégamment sculpté qui sert à ranger le linge, mais dont le couvercle sert de siège. L’Italie, toutefois, fait du coffre de mariage un meuble isolé, monté sur quatre griffes. Le buffet apparaît : il se compose d’une table d’applique à fond plein, aux supports implantés dans un soubassement massif, et du caisson, d’abord à deux vantaux, puis à dispositif plus compliqué et en même temps plus orné. Dans ce meuble fermant se rangeaient des objets de luxe qu’on exposait en des occasions solennelles, sur un agencement de tréteaux portant des tablettes, le dressoir. Il s’est fait, toutefois, quelques rares dressoirs fixes, et les vaisseliers des provinces françaises en perpétuent la formule.