Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Milan (suite)

C’est ensuite le domaine de la « périphérie » milanaise (14 574 ha ; 900 000 hab.), où d’énormes quartiers d’allure monotone se mêlent à des zones industrielles et entourent de vieux noyaux villageois. Vers le nord, c’est une grande banlieue chaotique qui se soude aux communes contiguës pour former la conurbation. Vers l’est, où alternent quartiers populaires et quartiers industriels, la présence de l’aéroport freine l’extension. Vers le sud, encore rural, de grandes opérations immobilières sont menées. Enfin, le front urbain progresse à l’ouest. Autour du quartier de San Siro (stade, hippodrome), des « grands ensembles » surgissent.

De nombreux problèmes naissent de cette progression : engorgement de la circulation (malgré la construction d’un métro), pollution de l’air et de l’eau, spéculation foncière intense. Les différents plans d’urbanisme ont échoué. Un plan intercommunal milanais (le PIM) a été conçu, mais sa réalisation est lente.

E. D.


L’histoire de Milan


La ville antique

Fondée par les Étrusques entre l’Olona et le Lambro, Melpum est rebaptisée Mediolanum (ville du milieu du pays) par les Gaulois Insubres. Les Romains la conquièrent en 222 av. J.-C. et lui donnent un plan rectangulaire ; dotée du droit latin en 89 av. J.-C., elle est la principale cité de la région de Transpadane. Milan devient un grand centre commercial au ier s. apr. J.-C. grâce à la convergence en son site des voies alpestres. Fortifiée au iie s. pour faire face aux premières invasions, sauvée de celle des Alamans par Gallien en 261, érigée alors en colonia Gallieniana Augusta Felix Mediolanum, menacée pourtant par les Juthunges en 270, Milan est en fait la capitale de l’Occident romain lorsque les deux Augustes, Maximien et Dioclétien, y font célébrer, en 290, le rite de l’adoratio. Résidence fréquente de Maximien, dotée d’un palais, d’un quartier administratif et d’une garnison englobés dans une muraille de trois kilomètres de pourtour, Milan est dès lors le siège du préfet du prétoire et du vicaire du diocèse d’Italie. Elle est occupée en 312 par Constantin, qui y proclame avec Licinius en février 313 la liberté de croire, que ce dernier fait appliquer en Orient par un mandatum (et non par un edictum). Les empereurs y résident fréquemment au ive s. Mais la ville est surtout marquée par la présence du consulaire de Ligurie, qui devient évêque de la ville de 374 à 397 : saint Ambroise*. Celui-ci élimine les ariens de la ville, où il fait ériger de nombreuses églises.


Le temps des épreuves (ve-viiie s.)

Menacée par les Wisigoths d’Alaric en 402, décapitalisée peu après par Stilicon (et Honorius) au profit de Ravenne, siège de la garnison barbare qui met fin en 476 à l’empire d’Occident au profit de son chef Odoacre, Milan est pillée par les Huns en 452. Elle est reconstruite par Eusèbe, évêque de Milan de 449 à 462, mais elle est occupée par Théodoric en 490. Ralliée aux Impériaux en 538 et détruite de ce fait par les Ostrogoths en 539, puis par les Lombards en 569, privée alors de son évêque, réfugié à Gênes, et de la Cour, qui s’établit à Monza, Milan s’efface derrière Pavie pendant quatre siècles.


Le temps des archevêques

Milan est au viie s. résidence d’un duc lombard, puis au viiie d’un comte carolingien. Elle est dotée de nouveau par Charlemagne d’un archevêque et enrichie par les souverains qui résident à Pavie. Elle devient au ixe s. la capitale de fait d’une vaste principauté ecclésiastique englobant tout le nord-ouest de la plaine du Pô ainsi que les hautes vallées alpestres du Tessin, par où passe la route commerciale du nord empruntée avec profit par les negociatores milanais depuis la fin des invasions hongroises. L’archevêque, qui concède à partir de 983 les « pievi » (paroisses) à la petite noblesse de son diocèse, coule la société milanaise dans un cadre féodal à trois niveaux : celui des vieilles familles féodales dont sont issus évêques et abbés ; celui des petits chevaliers ruraux ou urbains promus capitanei par l’Église, qui leur inféode dîmes et tonlieux ; celui enfin des monnayeurs, des hommes de loi (juges, notaires, avocats), des marchands et des artisans, qui afferment les curtes des établissements ecclésiastiques qui leur prêtent de l’argent.

L’archevêque Aribert d’Intimiano (1018-1045) couronne dans sa ville Conrad II roi d’Italie en 1026 et assiste, premier après le pape, au couronnement impérial de ce même souverain à Rome, en mars 1027 ; il prétend faire de l’Église de Milan une autre Rome : « altera Roma ». Aribert reconstitue sa richesse par d’habiles investissements, restaure son prestige en combattant par le bûcher l’hérésie manichéenne, dont nicolaïsme et simonie favorisent la diffusion, assujettit le comte et le vicomte à son autorité et transforme sa curie en un véritable gouvernement doté de dix services dirigés chacun par un magister. Mis au ban de l’Empire à l’instigation des vavasseurs, qui obtiennent alors de Conrad II en mai 1037 la publication de la Constitutio de Feudis reconnaissant enfin l’hérédité de leurs fiefs, Aribert ne peut empêcher ni la fusion de ces vavasseurs avec les capitanei, ni la révolte en 1040 des cives, qui l’ont soutenu en 1037 contre l’empereur et qui acquièrent leur liberté en 1045 lorsque Milan prend enfin conscience d’elle-même face à l’empereur. Éliminant clercs simoniques et nicolaïtes, les réformateurs milanais (patarins, c’est-à-dire loqueteux) contraignent en effet le candidat de l’empereur à l’archiépiscopat, Guido da Velate (1045-1071), à se retirer et récusent ses successeurs jusqu’à ce que l’un d’eux, Anselmo de Rho, accepte en 1088 d’être réintégré après soumission préalable par Urbain II, qui contrôle désormais le parti de la Réforme.


La Commune de Milan

Mais l’essor d’un important commerce local (huile de Ligurie, bois des Alpes, sel de l’Adriatique) et international (épices et soieries d’Orient, tissus de laine de Flandre et de France) provoque une expansion accélérée du crédit gagé sur des biens immobiliers et par là même la naissance d’une classe d’hommes d’affaires d’où sont issus sans doute les consules et primores civitatis ; l’apparition de ces derniers dans un acte de 1081 marque la naissance de la Commune de Milan. Formé au plus tard en 1117 de 18 membres (17 nobles et un monétaire), le consulat impose dès lors à l’archevêque le pouvoir de cette commune qui s’attache aussitôt à éliminer par la force la concurrence économique de ses rivales : Crémone et Lodi entre 1107 et 1111, Côme le 27 août 1127.