Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Milan (suite)

Une telle politique expansionniste suscite l’hostilité des autres villes lombardes et facilite l’intervention de Frédéric Ier Barberousse, qui occupe Milan en 1158 et ne reconnaît officiellement son consulat que contre la prestation d’un serment de fidélité et l’acceptation de la présence d’un podestat impérial dont l’éviction par le peuple en 1159 provoque le retour de l’empereur.

La ville, rasée au terme d’un long siège en 1162, privée des emblèmes du « carroccio » et soumise à l’autorité d’un podestat impérial, se joint à la ligue que les villes lombardes forment contre l’empereur (mars 1167). Les Milanais rentrent enfin dans leur ville, qu’ils reconstruisent aussitôt, élargissant leur ligue aux villes de Vénétie, favorisant la création de la place stratégique d’Alexandria en 1168 ; ils brisent le 29 mai 1176 à Legnano la contre-offensive de l’empereur, qui leur accorde en fait son alliance et la maîtrise du contado par la paix de Constance de 1183.

Les Milanais entreprennent dès 1168 la rédaction des coutumes de la ville, source du Liber consuetudinum Mediolani de 1216. Ils assument de nouveau leur prospérité non seulement grâce à l’essor de leur commerce international, mais aussi grâce à celui de leur industrie : métallurgie (armes, outils, fers à chevaux, etc.) ; textiles (soie, coton, futaine, laine et draps fabriqués surtout par les umiliati, héritiers des patarins). Peuplée vers 1200 de 90 000 habitants au sein desquels monétaires et marchands, unis dans la consorteria della Motta, veulent s’arroger les pouvoirs royaux détenus par les nobles, tandis que la masse des populares (artisans) s’unit depuis 1198 en une credenza di Sant’Ambrogio, Milan doit admettre à plusieurs reprises entre 1186 et 1214 la substitution au régime consulaire d’un régime de podestatie qui devient définitif en 1214 lors de la promulgation de nouveaux statuts sous la triple pression du pape, de Frédéric II et des villes lombardes adverses.

Un moment apaisée par la défaite que lui inflige cet empereur à Cortenuova en 1237, la lutte entre les nobles et les cives se poursuit pendant tout le xiiie s. La construction entre 1236 et 1237 du « Stiebende Brücke » (le pont « écumant »), qui dégage la voie du Saint-Gothard, la frappe en 1253 d’un ambrogino d’or (3,50 g à 24 carats) témoignent de la réussite économique de ces derniers, mais n’empêchent pas la « credenza » d’imposer finalement par la force le régime de la seigneurie au profit des chefs du parti populaire : les Della Torre (ou Torriani).


Le régime de la seigneurie (1259-1535)

Ayant vaincu en 1259 les nobles milanais alliés à Ezzelino da Romano (1194-1259), Martino Della Torre confie le capitanat général sur la ville et le district de Milan au marquis Oberto Pallavicino († 1269), qui inaugure une politique d’expansion territoriale (1260-1264) que promeuvent Martino Della Torre (1257-1263), puis son frère Filippo (1263-1265) et enfin, de 1265 à 1277, son cousin Napoleone († 1278), également parés du titre de perpetuus dominus populi mediolanensis, auquel ce dernier ajoute celui de vicaire impérial en 1273. Cumulant les seigneuries de nombreuses villes italiennes, ces hommes font de Milan le centre d’une principauté territoriale de fait, bientôt appelée le Milanais. Cependant les Della Torre s’opposent en 1262 à l’entrée dans la ville du nouvel archevêque de Milan, Otton Visconti (1207-1295), guelfe mais noble ; vaincus à Desio en 1277, ils sont éliminés d’abord temporairement (1277-1302), puis définitivement en 1311 par le petit-neveu de ce prélat, Mathieu (Matteo) Visconti (1250-1322), tour à tour capitaine du peuple (1287), vicaire impérial (1311) et seigneur général de Milan (1317). Célébrée en 1288 par Bonvesin da la Riva (v. 1240 - v. 1315), auteur du De magnalibus urbis Mediolani, Milan est dès lors la riche capitale d’une vaste principauté, érigée en duché en 1395 et régie par les Visconti* jusqu’en 1447, puis par les Sforza* (1450-1535) après le bref intermède de la République ambrosienne. Milan, qui est devenue de ce fait une ville de cour, connaît alors un grand essor économique. Ajoutant à partir de 1340 la soierie à la draperie, la ville est, en effet, un centre textile de première importance au moment où se développent à la fin du xive s. ses industries de l’armement (bombardes, armures, etc.), qui contribuent à faire d’elle un grand centre bancaire, ainsi qu’en témoigne l’établissement par les Médicis de l’une de leurs filiales (1452-1478).

L’une des villes les plus peuplées de l’Occident (entre 100 000 et 150 000 habitants au minimum au xive s. et quelque 200 000 habitants au xve s.), Milan ouvre en 1386 le chantier du Dôme, qui attire maîtres d’œuvre et ouvriers de tous pays.


Déclin et renouveau (1535-1859)

Occupée par les Fiançais de 1499 à 1513 et de 1515 à 1525, puis par les Espagnols, contre lesquels ses habitants se révoltent en 1526, restituée momentanément à François II Sforza en 1529, la ville, ruinée et dépeuplée, est tour à tour espagnole (1535-1706), puis autrichienne (1706-1733 et 1736-1796) et sarde (1733-1736). Elle ne maintient son rayonnement international que grâce à ses archevêques saint Charles Borromée (1564-1584) et Frédéric Borromée (1595-1631), qui y font appliquer les réformes tridentines et qui la dotent d’une bibliothèque dite « Ambrosienne » (1609) et d’une pinacothèque (1618). La ville est, de plus, victime au xviie s. de l’émigration des travailleurs de la soie vers la campagne. Elle reprend quelque activité au xviiie s., grâce au despotisme éclairé des Habsbourg de Vienne et grâce à l’essor de l’industrie du coton. Accueillante aux révolutionnaires français, elle devient tour à tour capitale de la république Cisalpine en 1797, de la République italienne en 1802, du royaume d’Italie en 1805 et du royaume lombard-vénitien en 1815.

Milan manifeste son hostilité à la politique de Metternich, lors de la journée des cigares, le 3 janvier 1848 ; elle expulse les Autrichiens au terme de cinq journées de bataille (18-22 mars). Réoccupée le 6 août par Joseph Radetzky (1766-1858), elle est incorporée au royaume de Sardaigne en 1859, puis au royaume d’Italie en 1861.

P. T.