Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mécanique ondulatoire ou mécanique quantique (suite)

Calcul des fonctions d’onde ; équation de Schrödinger

Comment calculer la fonction d’onde d’un système physique et son évolution au cours du temps ? C’est Schrödinger qui a apporté la réponse à cette question. Sans justifier les règles qu’il a trouvées, disons que, guidé par le principe de correspondance, il a cherché à prolonger la mécanique classique. Celle-ci, dans ses équations les plus générales, utilise la fonction de Hamilton H, qui est une fonction à la fois des coordonnées x, y, z et des quantités de mouvement px, py, pz des particules concernées. On démontre que la valeur prise par la fonction H au cours de l’évolution d’un système reste constante ; cette valeur est égale à l’énergie totale du système. Dans le cas particulièrement simple où le système se réduit à une seule particule de masse m soumise à une force qui dérive d’une énergie potentielle V (x, y, z) [c’est-à-dire que ], on calcule la fonction de Hamilton :

À partir de la fonction de Hamilton classique H, on fabrique l’opérateur hamiltonien ℋ en substituant simplement aux grandeurs px, py et pz les opérateurs correspondants
Dans le cas d’une seule particule, on obtient l’opérateur
(On reconnaît à l’intérieur de la parenthèse l’opérateur laplacien.) L’évolution au cours du temps des systèmes physiques dépend de l’opérateur hamiltonien ; elle est déterminée par l’équation de Schrödinger dépendant du temps :

De manière très générale, l’opérateur ℋ lui-même ne dépend pas du temps, c’est-à-dire que toute fonction dépendant exclusivement du temps est fonction propre de ℋ. Cela fait que, parmi les solutions possibles de cette équation aux dérivées partielles, on trouve la catégorie particulièrement importante des solutions stationnaires. Par analogie avec les ondes stationnaires de la théorie des ondes, qui varient sinusoïdalement au cours du temps avec une amplitude constante indépendante du temps mais variable d’un point à l’autre, les fonctions d’onde stationnaires sont définies par la formule :

dans laquelle la fonction Ψ (xyz) est indépendante du temps ; on l’appelle fonction d’onde indépendante du temps, ou encore amplitude de probabilité, par analogie avec l’amplitude d’une onde sinusoïdale classique. On montre que toute solution Ψ de l’équation peut s’exprimer comme une somme de solutions stationnaires ; on peut donc se limiter à chercher les solutions stationnaires. Pour cela, on substitue Ψ · eiωt à ψ (xyzt) dans l’équation de Schrödinger dépendant du temps ; on peut alors éliminer la fonction eiωt, et, en posant ħω = E, on obtient l’équation de Schrödinger indépendante du temps :

On prendra garde que les deux membres de cette équation sont très différents puisque ℋ est un opérateur, tandis que E est un nombre. Cette équation signifie que la fonction Ψ doit être une fonction propre de l’opérateur ℋ ; les états stationnaires du système physique étudié sont les états propres de l’opérateur hamiltonien. Et les valeurs propres correspondantes E représentent les valeurs de l’énergie du système dans chacun de ces états.

Avec la plupart des systèmes physiques étudiés, on ne connaît pas de solution mathématique rigoureuse à ce problème de recherche de fonctions propres ; et il faut utiliser des méthodes approchées. La méthode la plus employée est une méthode par approximations successives appelée méthode des perturbations. Mais le grand succès de Schrödinger fut de trouver une solution rigoureuse dans le cas de l’atome d’hydrogène, particulièrement simple, parce qu’il ne contient qu’un seul électron : on étudie le mouvement d’une seule particule, et l’équation de Schrödinger indépendante du temps s’écrit alors de manière plus détaillée :

L’électron est soumis à l’attraction électrostatique du noyau, que l’on choisit comme origine ; c’est-à-dire que son énergie potentielle est celle de la loi coulombienne :

(où C est une constante). Parmi l’ensemble des solutions mathématiques de cette équation, on ne peut donner de signification physique qu’à celles dont le module Ψ · Ψ* tend vers zéro assez rapidement quand x, y, z deviennent infiniment grands. (Dans le cas contraire, il serait impossible de les normer et donc de définir une probabilité ; cf. plus haut.) Il est alors possible de calculer effectivement les solutions physiquement satisfaisantes Ψnlm, que l’on peut numéroter à l’aide de trois nombres entiers n, l, m, appelés nombres quantiques* (n est quelconque, mais les valeurs possibles de l et m sont limitées par les conditions : ). On montre simultanément que la constante E figurant dans l’équation ne peut prendre que certaines valeurs particulières dépendant du nombre quantique n :

Les valeurs propres de l’opérateur hamiltonien que l’on a ainsi calculées sont exactement égales aux valeurs d’énergie déterminées expérimentalement à partir des mesures spectroscopiques sur l’atome d’hydrogène.

On remarque qu’à chaque valeur du nombre quantique n correspondent plusieurs fonctions d’onde (différant par les autres nombres quantiques l et m), mais une seule valeur de l’énergie. C’est-à-dire que plusieurs fonctions propres distinctes correspondent à la même valeur propre E de l’opérateur hamiltonien ; on caractérise cette situation en disant que le niveau d’énergie E est « dégénéré » ; le nombre de fonctions propres distinctes (c’est-à-dire d’états physiques différents) correspondant à la même valeur de E s’appelle l’« ordre de dégénérescence du niveau d’énergie E.

Il n’est pas possible dans ce cadre de donner une idée plus détaillée du formalisme de calcul matriciel développé par Heisenberg et Dirac, et dont l’utilisation par les physiciens est devenue journalière. Nous terminerons en revenant sur les problèmes de signification expérimentale de la mécanique quantique.


Interprétation de la mécanique quantique

Remarquons d’abord que la mécanique quantique s’est édifiée dans la mesure où l’on a renoncé à calculer des grandeurs dont la mesure expérimentale se révèle impossible, comme par exemple la position ou la vitesse d’un électron à l’intérieur d’un atome. Mais pour respecter jusqu’au bout la logique de la théorie, on doit aller un peu plus loin : de telles notions, auxquelles il manque tout support expérimental, doivent être considérées comme n’ayant aucun sens, en dépit de leur apparente évidence. Sur ce point, il n’est pas inutile de faire une comparaison avec la théorie de la relativité : l’analyse précise des conditions réelles de mesure de temps montre qu’il est impossible de définir expérimentalement une simultanéité absolue qui soit la même pour tous les observateurs ; Einstein* en a conclu que les notions classiques de simultanéité absolue et de temps absolu n’ont aucun sens, et cela l’a conduit à poser en principe la relativité du temps et de l’espace.