Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Antoine (saint) (suite)

Les admirateurs d’Antoine trouvent aussi le chemin du mont al-Qulzum : des philosophes grecs seraient venus le voir, des ariens aussi, tandis que les disciples s’agglomèrent de nouveau autour de l’ermitage. C’est l’origine du couvent de saint Antoine, ou Dayr Mār Antoniôs. Grâce à son isolement, ce couvent a échappé aux troubles de la conquête arabe ; à proximité, on montre toujours la caverne du saint.

D’illustres disciples se forment en ces lieux, tel saint Macaire ; saint Hilarion sera moine à Pispir. Antoine enseigne surtout l’art de lutter contre les démons : le démon de midi, le démon du dégoût et du doute, le démon qui se revêt d’apparences humaines et se manifeste sous forme de rêves lascifs.

Antoine a pour ami le célèbre Athanase*, son biographe, dont il prend la défense contre ses adversaires ; il le rencontre à Alexandrie, où il revient, en 354 ou 355, combattre les ariens. Il meurt peu après, probablement en 356.

Saint Antoine et l’hagiographie

Saint Jérôme signale l’existence de sept lettres de saint Antoine, rédigées en copte. La règle dite « de saint Antoine » lui est postérieure. La source classique d’où provient la quasi-totalité de ce que nous savons de lui est la Vie d’Antoine par Athanase, qui aurait été écrite vers 360 et qui eut un succès prodigieux. Le malheur est que son historicité, admise par beaucoup, est fréquemment contestée. Elle rapporte un nombre élevé de miracles accomplis par le saint, de prodiges, de luttes épiques contre les démons, toutes choses qui rendent la critique ardue. Il demeure difficile de faire la part de l’histoire et celle des intentions édifiantes, car Antoine est devenu l’un des saints exemplaires du monachisme. Au xie s. fut fondé l’ordre de Saint-Antoine (frères antonins), soumis à la règle de saint Augustin et réuni à l’ordre de Malte en 1777.

R. H.

➙ Monachisme.

 B. Lavaud, Antoine le Grand, père des moines (Libr. universelle de France, 1947). / L. Bouyer, Vie de saint Antoine (Éd. de Fontenelle, 1950). / H. Queffelec, Saint Antoine du désert (Hachette, 1950).

Antonello da Messina

Peintre italien (Messine v. 1430 - id. v. 1479).


Antonello di Giovanni, dit da Messina, n’appartient pas seulement à l’école sicilienne, dont il est la principale figure ; sa forte personnalité le classe en effet parmi les plus grands maîtres de la Renaissance. Une longue tradition lui attribue l’honneur d’avoir introduit en Italie la technique flamande de la peinture à l’huile, qu’il aurait apprise lors d’un hypothétique voyage aux Pays-Bas. Son vrai mérite est d’avoir assimilé l’esthétique et le métier des maîtres flamands. Il put s’y initier lors de sa formation à Naples, soit devant leurs ouvrages alors nombreux dans les collections de la couronne d’Aragon, soit à travers l’enseignement de Colantonio, un maître local (actif entre 1445 et 1465) marqué par leur influence. Mais Naples était aussi un foyer d’art méditerranéen. Ces deux pôles d’inspiration contribuent à définir le style d’Antonello. L’influence flamande fait comprendre son goût de l’observation attentive, voire méticuleuse, et aussi la finesse de son métier, la beauté de sa matière dense et éclatante comme un émail, la richesse de son coloris. Le tempérament méditerranéen du peintre se révèle, en revanche, dans son sens de la forme, son goût pour les volumes d’une pureté presque géométrique, sa science de la perspective rationnelle.

Jusqu’en 1474, Antonello semble avoir partagé son activité entre Naples, la Sicile orientale et Reggio di Calabria. Les tableaux datés de cette période se signalent souvent par un éclairage assez cru, qui donne une acuité particulière à la définition des volumes. On peut citer : le Christ bénissant (Salvator Mundi) de la National Gallery de Londres, peint en 1465 ; entre 1465 et 1470 environ, le Saint Jérôme pénitent, de Reggio di Calabria, où l’influence flamande est prépondérante ; en 1470, l’Ecce Homo (Metropolitan Museum de New York), à rapprocher du Christ à la colonne (Plaisance), qui date de 1473. De cette même année, le polyptyque peint pour San Gregorio de Messine et exposé aujourd’hui, très ruiné, au musée de la même ville : au panneau principal, la Vierge à l’Enfant ; aux volets, saint Grégoire, saint Benoît et les deux figures de l’Annonciation. Plus personnelle est l’Annonciation, peinte en 1474 pour S. Maria dell’Annunziata à Palazzolo Acreide, aujourd’hui à la pinacothèque de Syracuse, mais également endommagée ; de la même époque, la Vierge de l’Annonciation à mi-corps (Palerme, variante à Munich), remarquable par le réalisme du pupitre et du livre, mais aussi par la simplification géométrique des volumes, la densité plastique de la figure, l’efficacité du raccourci des mains.

C’est entre 1474 et 1476 qu’eut lieu le voyage d’Antonello à Venise, épisode capital dans sa carrière et dans l’histoire artistique de cette ville. Il n’est pas facile de déterminer s’il a subi l’influence des maîtres de Vénétie, les Vivarini, Mantegna*, Giovanni Bellini*, ou si au contraire il leur a apporté le fruit de son expérience. Quoi qu’il en soit, les ouvrages vénitiens d’Antonello reflètent des préoccupations nouvelles : une plus grande attention à l’enveloppe aérienne, un éclairage plus délicat, un modelé plus subtil, une palette encore plus raffinée ; d’autre part, une application plus systématique de la perspective. La Pala di San Cassiano (fragments au Kunsthistorisches Museum de Vienne), fixait un type de composition souvent repris dans l’école vénitienne : la « conversation sacrée » groupant des figures de saints et de saintes autour de la Vierge à l’Enfant. On peut en rapprocher la Vierge à l’Enfant à mi-corps de la National Gallery de Washington. Le Saint Sébastien de Dresde, figure imposante et d’une grande efficacité plastique, rend hommage, par sa mise en perspective, à Mantegna. Cependant, l’influence flamande reste visible dans le Saint Jérôme à l’étude (National Gallery de Londres), inventaire méticuleux d’animaux et d’objets dans le cadre d’une architecture en trompe l’œil, dans la Pietà (Venise, musée Correr), et plus encore dans le Calvaire du musée d’Anvers.