Compositeur français (Montaud, près de Saint-Étienne, 1842 - Paris 1912).
Fils d’un maître de forges, Jules Massenet fut de bonne heure initié à la musique par sa mère. À neuf ans, il entrait au Conservatoire. Il y obtint en 1859 un premier prix de piano et en 1863 le premier grand prix de Rome. Avant d’être encouragé par Henri Reber et par Ambroise Thomas — son maître véritable —, il s’était violemment opposé à François Bazin, son professeur d’harmonie. Il devait — ô ironie ! — succéder à ce dernier non seulement à l’Institut, mais au Conservatoire pour y enseigner la composition de 1878 à 1896. Alfred Bruneau, Gustave Charpentier, Ernest Chausson, Georges Enesco, Reynaldo Hahn, Charles Koechlin, Henri Rabaud, Florent Schmitt allaient compter parmi ses élèves.
En 1867, Massenet se voit commander pour l’Exposition universelle un lever de rideau : la Grand’Tante. À la même époque, ses premières mélodies connaissent dans les salons les plus enviables succès. Après 1871, Massenet est applaudi au concert. Il réussit dans la suite descriptive (Scènes pittoresques, 1874) comme dans l’ouverture dramatique (Phèdre, 1873) ou dans l’oratorio (Marie-Magdeleine, 1873). Son premier opéra, Don César de Bazan (1872), avait déjà fait de lui un redoutable rival de Bizet. Celui-ci disparu, Massenet va prendre la première place dans l’actualité lyrique. Après le foudroyant succès du Roi de Lahore (1877), il s’oriente définitivement, sinon exclusivement, vers la scène. Manon (1884), le Cid (1885), Esclarmonde (1889) réaliseront les plus fabuleuses recettes. Mais Hérodiade (1881) et Werther (1892) ne seront aussi bien accueillis qu’après avoir paru sur une scène étrangère. D’ailleurs, à partir de 1902 — année du Jongleur de Notre-Dame —, presque tous les ouvrages de Massenet seront joués d’abord à Monte-Carlo. Ils se suivront au rythme d’un par an, mais leur succès ira déclinant. Don Quichotte (1910) fera exception, pour avoir été magistralement servi par Chaliapine et par Vanni Marcoux.
Dès ses premières pièces vocales — souvent groupées en « poèmes » (Poème du souvenir), qui inaugurent le cycle dans le lied français —, Massenet renonçait à la mélodie carrée et symétrique chère à Gounod. Il optait pour un discours continu, inspiré de Wagner et habilement partagé entre la voix et la partie instrumentale. Signée cette fois par un véritable pianiste, celle-ci introduisait en France les procédés d’écriture de Schumann. Serviteur aussi zélé de l’orchestre que de la voix, Massenet réalisera après Gounod une nouvelle étape dans la reconquête d’une déclamation adaptée au génie de la langue française. Cette démarche était d’un mélodiste également doué, mais aussi d’un polyphoniste plus savant, d’un orchestrateur plus éprouvé. Comment s’étonner alors que Massenet ait fait école par-delà ses élèves, notamment auprès de Fauré et du jeune Debussy ? Avec un mélange à la fois si personnel et si détestable de délicatesse et de vulgarité, ce musicien de la femme et de l’amour cultiva une sentimentalité un peu facile, mais qui correspondait bien au goût de la bourgeoisie de son temps. Celle-ci fit son idole du chantre de Manon et de Thaïs. Mais, tôt ou tard, Massenet devait être prisonnier de son désir de plaire avant tout. À mesure que les courants naturalistes et symbolistes s’imposaient, il passait à l’arrière-plan.
F. R.
➙ Livret / Mélodie / Opéra / Opéra-comique.
L. Schneider, Massenet, l’homme, le musicien (Carteret, 1907) ; Massenet, 1842-1912 (Fasquelle, 1926). / J. Massenet, Mes souvenirs (P. Laffitte, 1912). / R. Brancour, Massenet (Alcan, 1922 ; 2e éd., 1931). / A. Bruneau, Massenet (Delagrave, 1935). / A. Coquis, Jules Massenet (Seghers, 1965).