Homme d’État tchécoslovaque (Hodonín 1850 - château de Lány, près de Prague, 1937).
Avant 1914
D’origine très modeste, il doit, à quatorze ans, interrompre ses études ; il travaille comme apprenti serrurier, puis comme forgeron. En donnant des leçons, il réussit à reprendre ses études au lycée de Brno, puis à l’université de Vienne, où il devient docteur en philosophie en 1876.
En 1878, il épouse une Américaine d’origine française, Charlotte Garrigue. En 1881, il soutient sa thèse sur le suicide ; plus sociologue et moraliste que métaphysicien, il est plus attiré par le pragmatisme des Anglo-Saxons que par la philosophie allemande.
En 1882, lorsque s’ouvre à Prague une université de langue tchèque, il vient y enseigner la philosophie.
Esprit cosmopolite, épris des causes justes, il veut lutter contre le provincialisme intellectuel de Prague. En 1899, il prend la défense du Juif Leopold Hilsner, accusé de meurtre rituel. En 1909-10, il fait acquitter, lors du procès de Zagreb, des étudiants croates accusés à tort de trahison et il confond leur accusateur, Heinrich Friedjung (1851-1920), qui a produit des documents falsifiés.
En politique intérieure, il collabore avec le mouvement des Jeunes-Tchèques de Karel Kramář (1860-1937) et le représente en 1891 au Parlement. Mais, dès 1893, il démissionne et prend ses distances avec ses anciens amis. Il est un nationaliste tchèque dans la tradition de František Palacký (1798-1876). En 1898, dans son livre la Question sociale, il se déclare favorable à un socialisme différent du marxisme.
En 1900, il fonde un nouveau parti, le parti réaliste. Par son journal Čas (le Temps), il exerce une forte influence sur l’intelligentsia tchèque, mais il reste sans grande audience dans les masses. À partir de 1905, il participe, avec le parti social-démocrate, aux grandes manifestations populaires en faveur du suffrage universel. En 1907, lors des premières élections au nouveau mode de scrutin, il est élu député réaliste de Moravie avec l’appui des voix socialistes. Son parti n’a que deux élus, et, après 1911, Masaryk en est le seul représentant au Parlement de Vienne.
Avec les premières crises balkaniques, il devient de plus en plus hostile à la politique du gouvernement de Vienne. Ce libéral réformiste découvre la nécessité de changements par la violence. Il écrit en 1908, dans la Question tchèque : « Il y a une justification pour la réforme par la révolution. Aucun progrès n’a jamais été obtenu sans révolution », et en 1913 dans la Russie et l’Europe : « La révolution peut être l’un des moyens nécessaires, auquel cas elle est moralement justifiée ; cela peut même devenir une obligation morale. »
Au Parlement, il dénonce la politique extérieure autrichienne et son attitude menaçante envers les petits États balkaniques.
Très tôt, il est convaincu de l’imminence de la guerre. Il a de nombreux amis parmi les dirigeants des États balkaniques et parmi les Slaves du Sud. Mais il ne partage pas les idées panslaves des néo-slavistes, et ses voyages en Russie ne lui laissent aucune illusion sur l’aide que les Tchèques peuvent attendre du tsarisme.
Lorsque la guerre éclate, c’est vers l’Occident qu’il se tourne.