Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Martini (Giovanni Battista)

Compositeur et théoricien italien (Bologne 1706 - id. 1784).


Plus connu de son vivant comme Padre Martini, il est une des figures les plus originales de la musique du xviiie s. En dehors des années de noviciat franciscain à Lugo di Romagna et de deux brefs voyages à Rome, il passa toute sa vie dans sa ville natale de Bologne. Il tint à conserver en religion son nom de baptême. Fils de musicien — son père, Antonio Maria, était violoniste et violoncelliste —, il fut formé dans la maison paternelle, puis par A. Predieri, G. A. Riccieri, F. A. Pistocchi et surtout G. A. Perti, le maître de San Petronio. Avant même de devenir prêtre au couvent de San Francesco, il en était organiste et maître de chapelle (à partir de 1725), poste qu’il refusa de quitter lorsqu’on lui offrit celui de Saint-Pierre à Rome.

Compositeur réputé, interprète et musicologue, le Padre Martini avait les moyens d’exercer une influence déterminante sur la musique de son temps. Il contribua à la formation de musiciens d’envergure tels que G. Sarti (1729-1802), N. Jommelli (1714-1774), Johann Christian Bach* et Mozart*. Il compta parmi ses correspondants la plupart des musiciens d’Europe, de Rameau à Mysliveček, de Quantz au Padre Soler. Il réunit une des plus riches bibliothèques musicales de son époque, notamment en vue d’une importante Storia della musica, dont les trois tomes parus (1757, 1770, 1781) constituent aujourd’hui encore une source importante. Sa science éminente dans le domaine du contrepoint risque de faire oublier qu’il fut dans le même temps un pionnier de la musique la plus nouvelle, dans ses propres compositions comme dans ses jugements lucides sur autrui. S’il estimait indispensable la connaissance des maîtres du passé, ce n’était pas parce qu’il voulait faire copier leur style, mais parce qu’il pensait qu’on ne peut se former vraiment qu’au contact du génie.

Son imposant catalogue comporte dans tous les domaines — vocal et instrumental, sacré et profane — des œuvres qui comptent dans la musique de son temps et qui méritent de revivre de nos jours.

C. de N.

 Bibliographie : Catalogo della Biblioteca del Liceo Musicale di Bologna (Bologne, 1890-1943 ; 5 vol.). / L. Busi, Il Padre G. B. Martini (Bologne, 1891). / W. Reich, P. Martini als Theoretiker und Lehrer (Vienne, 1934). / A. Pauchard, Ein italienischer Musiktheoretiker : Pater Giambattista Martini (Lugano, 1941). / B. Wiechens, Die Kompositionstheorie und das Kirchenmusikalische Schaffen Padre Martinis (Regenburg, 1968).

Martini (Arturo)

Sculpteur italien (Trévise 1889 - Milan 1947).


On a pu dire qu’après celle du futurisme*, c’est son influence qui avait été, dans son pays, la plus vivifiante sur le plan plastique. Son œuvre n’est-elle pas cependant celle d’un modéré, d’un « hésitant », pour parler comme Herbert Read ? Il est vrai, mais, curieusement, cela ne l’a pas empêchée d’être en même temps audacieuse et novatrice, dans le climat très réactionnaire de l’Italie fasciste et du novecento, ce mouvement esthétique qui proclamait, par la bouche de la poétesse Margherita Sarfatti, que les artistes devaient être « italiens, traditionalistes, modernes », triple impératif bien fait pour plaire au régime.

Lorsque, à l’âge de seize ans, il commence à sculpter, Martini a déjà appris le métier d’orfèvre et celui de céramiste. La terracotta sera d’ailleurs son matériau préféré, mais il n’a ignoré ni le marbre ni le bronze. En 1909, à l’académie de Munich, il reçoit l’enseignement d’Adolf von Hildebrand (1847-1921), lequel souhaitait faire revivre les meilleures traditions de la Renaissance italienne et exerça en Europe une influence profonde, qui se marqua à la fois par un certain archaïsme et par un maniérisme accusé, notamment chez Ernesto De Fiori, Georg Kolbe, Wilhelm Lehmbruck, Gerhard Marcks, Renée Sintenis. Les œuvres de Martini offrent de nombreux points de ressemblance avec celles de ces derniers, mais aussi s’en distinguent par une invention et une liberté infiniment plus grandes. En 1911, à Paris, Martini admire Rodin* et Bourdelle* ; l’année suivante, il rencontre Maillol*, plus proche de lui par le modelé des surfaces.

En 1921, il adhère au groupe « Valori Plastici », dont les figures les plus éminentes sont celles de De Chirico*, de Carlo Carrá, de Morandi*, c’est-à-dire des vedettes de la pittura metafisica. Mais, alors que ceux-ci, Morandi excepté, s’engagent de plus en plus dans la voie du pastiche gauche et peu inspiré, Martini crée un canon stylistique archaïsant, certes, mais aussi parfaitement accordé aux caprices de son imagination qu’aux éventuelles contraintes de la commande officielle. Les torses sont longs et cylindriques, les membres raides, les visages presque gommés de physionomie. À vrai dire, nous sommes habitués à ce canon sculptural par des suiveurs de l’artiste comme Marino Marini (né en 1901) et Giacomo Manzu (né en 1908), mais aucun d’eux ne possède le génie baroque et théâtral de Martini (Orphée, 1929) et moins encore son lyrisme légèrement somnambulique (Clair de lune, 1932, Middelheim Park Museum, Anvers), bien qu’ils soient mieux connus que leur indéniable inspirateur et maître.

Au lendemain de son exposition personnelle à la Quadriennale de Rome, en 1931, Martini s’impose comme le premier sculpteur de la péninsule. C’est aussi le début de sa véritable carrière officielle. Mais, en dépit des risques redoutables que cela implique, Martini ne paraît pas avoir aliéné le moins du monde son inspiration, puisque c’est dans les dix dernières années de sa vie que l’on trouve quelques-unes des œuvres les plus révolutionnaires de sa carrière, telle la Femme nageant sous l’eau (1941, coll. priv.), marbre qui figure, comme coupée au rasoir, la seule partie de la nageuse qui se trouve au-dessous de la surface de l’eau. Bien entendu, révolutionnaire est ici à entendre dans le cadre de la sculpture figurative, dont jamais Martini n’a songé à s’évader. Il n’en est pas moins vrai que son apport, aujourd’hui que l’art abstrait a cessé d’être une nouveauté, mériterait de se voir réexaminé. Pourtant, Martini est mort découragé, semble-t-il. Dans son livre Scultura, lingua morta (1945), il écrivait : « Rien ne justifie la survivance de la sculpture dans le monde moderne. »

J. P.

 G. C. Argan, Martini (Amsterdam, 1957).