Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Martini (Simone) (suite)

Les nombreuses commandes qui s’échelonnent jusqu’à 1335 marquent l’apogée de la production de Simone. Certains travaux ont disparu : l’étendard du duc de Calabre, cité en 1326, la figure de Marcus Attilius Regulus, exécutée en 1330 pour la salle du Conseil des neuf au Palais public de Sienne. En 1328, face à sa Maestà, il peint la grande fresque représentant le condottiere Guidoriccio da Fogliano, chevauchant, à la fois réaliste et hiératique, devant un paysage dont il simplifie les masses, accorde les courbes à celles du cavalier. En 1333, il signe avec son beau-frère Lippo Memmi (cité de 1317 à 1356) le retable de l’Annonciation, commandé pour la chapelle San Ansano de la cathédrale de Sienne et considéré comme son chef-d’œuvre (musée des Offices à Florence). Le polyptyque de la Passion, autre œuvre importante, est aujourd’hui dispersé entre plusieurs musées européens ; le Louvre possède la Montée au Calvaire, scène dramatique où, au raffinement et à la préciosité des couleurs, s’allie la richesse de la composition dans un format de miniature.

De 1340 à 1344 (date de sa mort), Simone Martini se trouve à Avignon, à la cour de Benoît XII. Il y fait la connaissance de Pétrarque, peint un portrait de Laure (perdu) et une miniature pour le frontispice du manuscrit de Virgile conservé à la bibliothèque ambrosienne de Milan. Il exécute également, parmi d’autres œuvres monumentales disparues, les fresques du portail de Notre-Dame des Doms (très abîmées et aujourd’hui déposées de même que leurs deux sinopie, la première esquisse restant en place). Enfin, le délicieux retable de la Sainte Famille (Walker Art Gallery, Liverpool), signé et daté de 1342, a très certainement été peint à Avignon.

Issu de l’esthétique de Duccio, Simone Martini se montre un artiste original, accordant une grande importance au mouvement qu’il associe à la ligne et au volume, soignant l’expression des figures, exaltant un modelé toujours souple et délicat par la qualité des couleurs. Parti d’une recherche spatiale exemplaire, il atteint la perfection du trompe-l’œil à Assise, tend vers la poésie narrative et le décor dans la fresque du condottiere, pour aborder un langage nouveau dans l’Annonciation des Offices : la ligne a triomphé de la masse, et ce précieux ballet linéaire sur fond d’or ouvre la voie au style gothique* international.

F. P.

 R. Van Marle, Simone Martini et les peintres de son école (Heitz, Strasbourg, 1920). / G. Paccagnini, Simone Martini (Milan, 1955). / E. Sandberg-Vaala, Simone Martini (Florence, 1962). / F. Bologna, Simone Martini (Milan, 1966). / V. Mariani, Simone Martini e il suo tempo (Naples, 1968). / G. Contini et M.-C. Gozzoli, L’Opera completa di Simone Martini (Milan, 1970).

Martini (Francesco di Giorgio)

Architecte, peintre et sculpteur italien (Sienne 1439 - id. 1501).


Il se présente comme l’un de ces artistes universels, nombreux à la Renaissance, dont les réalisations plastiques s’accompagnèrent d’une importante réflexion théorique.

On pense qu’il fit ses débuts d’architecte à Pienza, en collaborant avec Bernardo Rossellino (1409-1464) à la construction du palais épiscopal. Mais on le connaît surtout à partir de son séjour dans le milieu intellectuel et artistique très actif qu’était Urbino* sous le règne de Federico di Montefeltro. Celui-ci s’était attaché, outre Piero* della Francesca, l’architecte Luciano Laurana (v. 1420-1479). Francesco di Giorgio continua l’œuvre de ce dernier au palais d’Urbino, où il éleva dans un sobre style classique la cour dite « del Pasquino. » Dans la même ville, l’église San Bernardino (autrefois attribuée à Bramante*), avec sa nef unique, ses trois absides et sa coupole cylindrique, est d’un esprit aussi austère que les forteresses élevées par l’architecte dans les Marches, à Sassocorvaro, Mondavio et San Leo près de Rimini. Mais le chef-d’œuvre de l’architecte est l’église de la Madonna del Calcinaio, près de Cortone (1485) ; son plan en croix latine à une seule nef, surmontée d’une coupole à tambour octogonale, ses proportions très élancées en font une réalisation originale, mêlant l’esprit classique à l’élégance gothique. L’influence de cet édifice se fit sentir jusqu’à Naples (l’église Santa Caterina à Formiello s’en inspire).

En 1490, Francesco di Giorgio fut le collaborateur de Bramante dans un projet de lanterne pour la croisée du transept de la cathédrale de Milan. Fallait-il rejeter la « maniera tedesca » (gothique) pour adopter la « maniera moderna » ? Habiller au goût du jour une structure préexistante, comme l’avait fait Alberti* à Rimini, n’était pas possible ici. Dans leur rapport, les deux architectes dirent que la décoration de la lanterne devait être conçue de façon à prolonger le style de l’ensemble, et même que l’on devait s’inspirer des anciens dessins conservés dans les archives de la cathédrale. On sent les artistes suffisamment maîtres de leurs moyens pour admettre, au nom de l’harmonie, un style que leurs contemporains trouvaient démodé.

Dans la lignée de Sassetta*, la peinture de Francesco di Giorgio révèle une double appartenance : siennoise par l’allure gracile des personnages, la tendresse du coloris et l’acuité graphique (non dépourvue d’une certaine raideur), florentine par la composition au géométrisme très apparent, le sentiment de l’espace extérieur, le dynamisme des figures. La pinacothèque de Sienne conserve le Couronnement de la Vierge (1471), l’Annonciation et la Nativité (v. 1475). De l’œuvre sculpté de l’artiste, nous sont parvenues deux statues d’anges pour le tabernacle de la cathédrale de Sienne et deux reliefs, la Déposition de croix (Venise, Carmine) et la Flagellation (Pérouse, Galerie nationale), dont l’expressionnisme rappelle Donatello*.

Francesco di Giorgio écrivit un traité d’architecture civile et militaire (inédit jusqu’en 1841) très caractéristique de son temps : tendance à la schématisation planimétrique, théorie des proportions fondée sur l’articulation organique du corps humain, qui conduit à attribuer à l’architecture un dynamisme anthropomorphique. Admirateur fervent de Vitruve*, l’artiste fit de nombreux dessins d’édifices antiques, réels ou imaginaires, des projets pour une cité idéale, et s’appliqua à inscrire dans des figures géométriques parfaites les contours du corps humain, précédant en cela Léonard* de Vinci.

E. P.

 A. S. Weller, Francesco di Giorgio (Chicago, 1943). / R. Papani, Francesco di Giorgio architetto (Florence, 1946).