Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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marine (suite)

En diminuant ainsi, dans les charges de gestion d’un navire, la part qui correspond aux opérations portuaires, on modifie considérablement les données mêmes de l’équilibre du navire. On n’avait guère intérêt à accroître la taille de celui-ci lorsqu’on ne savait pas accélérer sa rotation. Cet obstacle ayant disparu, on peut essayer de profiter d’économies de traction : lorsque les dimensions du navire augmentent, le volume varie comme le cube, alors que la résistance à l’avancement, proportionnelle à la section, ne varie que comme le carré. Dès lors, il devient possible de construire des navires plus rapides : au lieu des vitesses commerciales de 10 nœuds, de 12 nœuds au mieux, qui prédominaient avant guerre, on construit des navires de 100 000 tonneaux et plus se déplaçant à des vitesses supérieures à 16 nœuds.

Le navire se transforme, s’améliore, mais se spécialise davantage. Il y avait des navires dessinés pour le transport de certains produits : navires réfrigérés pour le transport des viandes, navires isothermes pour celui des fruits tropicaux. Le transport du pétrole était réservé aux tankers. La part faite aux navires dessinés pour marchandises générales demeurait encore considérable. Elle diminue avec le développement des transporteurs spécialisés. En 1974, la flotte mondiale comptait 238 millions de tonneaux de jauge de pétroliers et 85 millions de tonneaux de jauge de minéraliers sur un tonnage global de 311 millions. Sans compter les porte-containers, les porte-barges, les navires frigorifiques, les navires de transport de méthane, la flotte spécialisée représentait les trois cinquièmes du total. En 1953, on n’en était pas encore au quart. En 1964, on demeurait au-dessous de la moitié. Depuis quelques années, la transformation s’est accélérée : en sept ans, de 1964 à 1971, le tonnage des minéraliers a été multiplié par trois.

Ces navires spécialisés ne sont réellement intéressants que s’ils sont utilisés de manière régulière. Les grandes compagnies pétrolières, les sociétés métallurgiques, celles qui exploitent les gîtes minéraux riches qui ont acquis la faveur des industriels depuis une dizaine d’années se constituent donc souvent la flotte spécialisée dont elles ont besoin. D’autres préfèrent se lier par des contrats à long terme à des armateurs spécialisés. Le rôle de ceux-ci n’est plus aussi dominant qu’autrefois : ils traitent sur le marché des échanges à longue distance pour produits lourds avec des partenaires aussi puissants qu’eux.

Dans un domaine où la compétition est intense, les compagnies internationales responsables de ces liaisons cherchent les combinaisons qui assurent l’exploitation aux coûts les plus réduits. Pour les porte-containers, les porte-barges, les entreprises arment généralement sous le pavillon national. Pour les transports spécialisés (réfrigérés par exemple), on fait volontiers appel aux services de compagnies qui disposent d’une expérience solide et d’un matériel de qualité ; c’est là que les pays scandinaves, les Pays-Bas, la Grèce bien souvent, la Grande-Bretagne aussi gardent leurs positions les plus fortes. Pour les transports en vrac, les opérateurs hésitent quelquefois à utiliser leurs pavillons nationaux. C’est pour les minéraliers et pour les tankers que la part des pavillons de complaisance (le pavillon libérien tout d’abord, le pavillon panaméen ensuite) est le plus élevée.


Répartition de la flotte mondiale

À la veille de la Première Guerre mondiale, la répartition des flottes marchandes était très simple : l’Europe du Nord-Ouest avait une position de dominance à peu près absolue. Entre les deux guerres mondiales, une évolution sensible s’est réalisée. En 1938, les États-Unis avaient retrouvé une place de choix, au second rang derrière la Grande-Bretagne, qui continuait à dominer la flotte mondiale (un navire sur quatre). Les puissances industrielles, l’Italie et le Japon en particulier, avaient créé des flottes importantes et tenaient une place égale à celle de l’Allemagne ou de la France. La situation des Pays-Bas et des pays scandinaves s’était améliorée. Les autres flottes ne comptaient guère : celle de l’U. R. S. S. était à peu près inexistante. Les pays de peuplement blanc de l’hémisphère Sud avaient quelques unités, mais rien de très important.

Dans le monde actuel, la part des pays sous-développés est toujours négligeable, mais, pour le reste, la répartition est très différente de celle d’avant guerre. La prépondérance des vieilles nations industrielles s’effrite, et ce d’autant plus qu’elles renoncent souvent à utiliser leurs pavillons : les États-Unis n’arment que 14,6 millions de tonneaux en 1975, à peine le tiers de plus qu’avant guerre. L’Europe des neuf est passée de 34 à 75 millions de tonneaux alors que la flotte mondiale a plus que triplé.

La part des nations industrielles nouvelles croît rapidement : le Japon est devenu une des premières puissances commerciales mondiales, et dispose d’une flotte à la mesure de ses relations. Avec 40 millions de tonneaux, c’est aujourd’hui la première nation industrielle dans ce domaine. L’U. R. S. S. progresse à pas de géant et compte parmi les grandes puissances navales : avec 19 millions de tonneaux en 1975, elle a nettement dépassé le niveau des États-Unis.

Les progrès les plus significatifs sont cependant le fait de deux groupes de pays qui ne disposent pas de base industrielle et humaine à la mesure de leur flotte : les pays transporteurs spécialisés et les pays à pavillon de complaisance. Dans le premier groupe, on peut ranger les Pays-Bas, le Danemark, la Suède, la Grèce et la Norvège. Ce sont ces deux derniers pays qui ont manifesté depuis la guerre le dynamisme le plus net (22,5 millions de tonneaux de navires en 1975 pour la Grèce et 26,8 millions pour la Norvège). En ce qui concerne les pavillons de complaisance, leur importance s’accuse avec la poussée des trafics en vrac et l’allongement des routes pétrolières depuis la fermeture du canal de Suez. Le Liberia est ainsi le premier pays du monde par sa flotte (65,8 millions de tonneaux).