Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Lyon (suite)

À son exemple, Grégoire X en réunit un second en 1274, qui consacre théoriquement la succession de l’Église de Constantinople à celle de Rome. Capitale d’une importante principauté ecclésiastique, Lyon semble alors être sur le point de devenir celle de la chrétienté lorsque le pape français Clément V s’y fait couronner le 14 novembre 1305. Mais, en 1309, c’est à Avignon que celui-ci transfère son siège.


La ville des bourgeois

• Aux origines de la commune. Le colmatage des terres entre les deux fleuves par les « hôtes » des abbayes, la constitution, entre ces fleuves, d’un bourg autour de l’église Saint-Nizier, au ixe s., l’édification d’un pont sur la Saône au niveau de cette dernière, en 1050, puis d’un second sur le Rhône entre 1185 et 1190 facilitent dès le xie s. la renaissance d’une agglomération marchande, en liaison constante avec l’Italie et le Levant, du fait du passage des croisés, dont la foi suscite indirectement la naissance d’un mouvement hostile à l’usure, celui des « pauvres de Lyon », animé par un bourgeois, Pierre Valdo (ou Valdès, v. 1140 - v. 1217), finalement excommunié en 1184 (v. vaudois).

Enrichie par le travail des textiles, des cuirs et des peaux ainsi que par la pratique des métiers de l’alimentation et du grand commerce international, la bourgeoisie locale arrache quelques franchises à l’archevêque Renaud II de Forez, mais ne peut obtenir de lui la reconnaissance, en 1208, de la commune de Lyon. Aussi celle ci recherche-t-elle l’appui du roi de France. Le Capétien, qui est intervenu en 1269-70 pour briser une révolte, accepte de prendre les Lyonnais sous sa garde en 1292. Philippe IV le Bel fait occuper par ses troupes les points stratégiques de la ville, où il séjourne en 1305-06 ; il signe avec l’archevêque de Lyon un traité de partage et lui concède en fief en 1307 la ville et le comté contre la prestation d’un hommage lige en vertu de deux lettres, les « Philippines ». Brisant en 1310-11 la tentative de rébellion de l’archevêque, Pierre de Savoie († 1322), le roi enlève à ce dernier la souveraineté et la juridiction de la ville par le traité de Vienne de 1312, et constitue dès 1313 cette dernière et son comté en une sénéchaussée rattachée au bailliage de Mâcon en 1320, date à laquelle il contraint l’Église à reconnaître enfin par la charte du 21 juin la commune de Lyon, composée de douze consuls, assistés d’une soixantaine de maîtres de métiers.

• Lyon « ville marchande » au xive s. La ville de Lyon constitue alors en elle-même un important marché de consommation d’environ 20 000 habitants au début du xive s., elle reste en liaison étroite avec celui que constitue la place d’Avignon, bénéficie en outre, depuis la tenue des conciles du xiiie s., de la présence des Lombards, qui y pratiquent la banque et le change, et devient enfin l’étape obligatoire des marchands et des troupes se rendant en Italie après l’annexion du Dauphiné au royaume de France en 1349. Elle renforce ainsi sa position dans le commerce international des épices, des draps, des laines, des pelleteries, etc.

Ralenti jusqu’en 1361 par les conséquences de la peste noire de 1348, l’essor économique de Lyon reprend rapidement. La bourgeoisie locale diversifie ses activités (hôtellerie, exploitation des mines d’argent, de plomb, de cuivre du Lyonnais), élimine les Lombards à son profit et sécrète un riche « patriciat » de douze à quinze familles. Mais, en les frappant plus durement que les juristes, qui tirent l’essentiel de leurs revenus de leurs offices, la récession, qui dure de 1415 à 1450 environ, contraint les bourgeois à céder le pouvoir à ces derniers.

• Le xve s., temps des Juristes. L’incorporation de Lyon au domaine royal et sa constitution en commune ont entraîné dès le début du xive s. la prolifération des offices non plus seulement ecclésiastiques, mais aussi royaux et municipaux, et, par voie de conséquence, ont accru le rôle local des juristes, à la formation desquels concourent deux écoles de droit : celle de la cité, fondée en 1290, et celle du bourg, reconnue officiellement en 1302 par le roi. Accru, entre 1370 et 1450, de nombreux notaires d’origine rurale, le groupe des hommes de loi accapare les fonctions administratives et politiques à partir de 1430 et surtout à partir de 1447, lorsque le consulat, jusque-là, annuel et gratuit, devient biennal et rétribué. Dans la seconde moitié du xve s., ce groupe se constitue même en une classe sociale de robe, qui s’allie de plus en plus fréquemment par des intermariages à la bourgeoisie marchande, à laquelle il doit restituer vers 1495 le pouvoir municipal en raison du départ de ses élites vers Paris et les autres villes, sièges d’un parlement.

• Lyon marché international au xve et au xvie s. En fait, la bourgeoisie marchande conserve le pouvoir économique à Lyon au cours du xve s. Avec l’appui de Charles VII, qu’elle soutient entre 1420 et 1435, elle mate les insurrections populaires hostiles à la fiscalité royale (rébeyne de 1436), puis reprend le contrôle de la production minière locale après la chute, en 1451, de Jacques Cœur*, qui l’a stimulée. Surtout, elle bénéficie après 1450 de l’afflux des marchands banquiers italiens (Médicis, Gondi, Guadagni [ou Gadagne]), qui refluent alors d’Avignon après la fin du Grand Schisme, puis de Genève à la suite du déclin des foires de cette ville, aux dépens desquelles se sont développées les quatre foires* créées par Charles VII (deux en 1420, une en 1444) et par Louis XI (une en 1464). Instrument de la politique antibourguignonne du Valois, qui tente également d’introduire à Lyon l’industrie de la soie en 1467 et plus heureusement celle de l’imprimerie en 1473, Lyon devient à la fin du xve s. un marché international fréquenté non seulement par les Italiens (Génois surtout), mais aussi par les marchands allemands d’Augsbourg, de Nuremberg, etc. La mutation des foires de marchandises (épices, soie) en foires de change à la fin du xve s., le nouvel essor d’industries (textiles, pelleterie, métaux, imprimerie), la présence presque constante des rois de France au temps des guerres d’Italie (1494-1526) incitent ces derniers et leurs représentants (le cardinal de Tournon en 1536) à emprunter à des taux très élevés (16 p. 100 parfois) auprès des banquiers de la ville — Strozzi, Hans Kleberger le Nurembergeois —, qui constituent, pour défendre leurs intérêts, le « Grand Parti », au profit duquel la dette flottante est consolidée à 5 p. 100 seulement le 18 mars 1555. En vain, car, en 1558-59, il est entraîné dans la faillite financière qui marque la fin du règne d’Henri II. L’effondrement du commerce des épices à partir de 1575-1585, provoqué par la débâcle des foires, n’empêche pas le maintien d’une certaine activité bancaire, mais accentue le déclin économique de la ville, auquel seules échappent en partie l’industrie du livre et celle de la soie, qui prend un second départ en 1536 grâce à François Ier et à Étienne Turquet, mais qui ne s’affirme sur le plan économique qu’au xviiie s.