Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louis XVIII (suite)

Le roi subit déconvenue sur déconvenue. Chassé de Vérone à la suite d’un ultimatum du Directoire à la république de Venise, il échoue à l’armée de Condé. Pour ne pas demeurer en reste avec son frère, le comte d’Artois, qui a manifesté un temps sa volonté de débarquer dans l’Ouest et de prendre la tête des rescapés de l’armée catholique et royale, Louis XVIII organise un semblant d’incursion sur la rive droite du Rhin. Vienne n’apprécie pas plus que Londres les « dangereuses initiatives » dans le domaine militaire. Le roi doit quitter l’armée.

Il n’est guère plus favorisé par la situation intérieure de la France. Le coup d’État du 18 fructidor brise les espoirs qu’on pouvait légitimement nourrir à l’endroit d’une conquête légale du pouvoir après les élections de mai 1797, favorables aux royalistes et aux modérés.

Deux ans plus tard, c’est le 18-Brumaire. Louis XVIII est alors à Mitau (Ielgava), en Courlande. Il écrit à Bonaparte, croit pouvoir le saluer habilement du titre de vainqueur d’Arcole et de conquérant d’Égypte, et lui offre d’être le sabre restaurateur de la monarchie. Le glorieux général a le choix, César ou Monk. On connaît la réponse du Premier consul : « Vous ne devez plus souhaiter votre retour en France. Il vous faudrait marcher sur 100 000 cadavres. » Le roi est sans royaume, sans crédit, et il lui faut, constamment harcelé par ses créanciers, quémander des subsides aux souverains. Il est bientôt sans capitale, car le rapprochement de Bonaparte et de la Russie le chasse de Mitau.

Pour le nouveau tsar, Louis XVIII n’est plus que le « comte de Lille ». Bafoué, traité ouvertement en gêneur, le roi n’en maintient pas moins sa dignité. Il oppose un refus méprisant à l’outrageante proposition du Premier consul : la renonciation à ses droits contre une pension, voire le royaume de Pologne. En 1807, il réussit, cependant, à s’installer en Angleterre, à Hartwell, à 50 km de Londres, grâce à l’obligeante entremise du duc d’Orléans. C’est la fin de l’humiliant vagabondage. Louis XVIII peut enfin organiser la vie de cour qu’il affectionne, laissant le soin des affaires à de médiocres favoris, le duc d’Avaray (1759-1811), le comte (puis duc) de Blacas (1771-1839).


La première Restauration et les Cent-Jours (1814-15)

La campagne de France ranime vigoureusement les espoirs royalistes. Mais, tandis que les armées étrangères convergent vers Paris, les Alliés demeurent très réservés à l’égard des Bourbons. Leur attitude ne s’est pas modifiée : ils ne se laisseront convaincre d’accepter une restauration éventuelle que si la France en manifeste le désir.

Les réseaux royalistes s’activent à susciter un mouvement d’opinion. Un premier résultat est acquis le 12 mars 1814 à Bordeaux. Des autorités royalistes se mettent en place, bénéficiant de l’appui d’une partie de la population et de la neutralité bienveillante des Anglais. En fait, tout doit se jouer à Paris. Or, le 31 mars, Paris capitule, mais les manifestations des partisans du drapeau blanc n’impressionnent guère les Alliés. L’atout majeur des Bourbons est Talleyrand, qui fait le siège du tsar pour le convaincre d’appuyer la Restauration*. L’obstacle n’est ni l’Empereur, qui abdique le 6 avril, ni l’armée, désemparée et lasse, mais le Sénat. La Chambre haute, ce sont les grands intérêts, les bénéfices de la Révolution et de l’Empire, les biens nationaux, les titres, les grades, les pensions. Les constitutions de rentes y ont supplanté les fidélités assoupies. Les sénateurs sont décidés à accepter le nouveau régime, à condition que des garanties leur soient offertes en matière de libertés et de propriétés. Le Sénat, qui a l’appui du tsar, élabore un projet de constitution par lequel « le peuple français appelle librement au trône de France Louis-Stanislas-Xavier, frère du dernier roi ». Le comte d’Artois, qui fait une entrée très remarquée dans la capitale, croit devoir accepter les bases de cette constitution, sans préjuger, toutefois, de la sanction royale. Mais Louis XVIII, qui débarque à Calais le 24 avril 1814, n’entend pas se laisser imposer une transaction douteuse, qui aboutirait à le dessaisir de ses droits souverains, dont l’origine et l’exercice paraîtraient émaner de la volonté d’une assemblée. Le Sénat doit composer. Un texte inspiré par le roi et rédigé par Blacas et Vitrolles est mis au point. C’est la déclaration de Saint-Ouen du 2 mai 1814. Louis XVIII « par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre » reconnaît que le projet est acceptable, mais qu’il conviendrait d’élaborer une constitution libérale au sein d’une commission choisie à cet effet. Le Sénat et le Corps législatif seraient convoqués le 10 juin pour en prendre connaissance. Toutes garanties sont données en matière de libertés politiques, d’inviolabilité des propriétés et de maintien des titres et pensions. C’est en fait accepter les exigences sénatoriales, mais Louis XVIII tient à faire œuvre de roi. Prononçant ainsi sur la légitimité, le souverain peut rentrer dans sa bonne ville de Paris, et, suivant la pure tradition, par la rue de Saint-Denis. Le règne s’annonce calme et réparateur. Point de répression, un redressement économique satisfaisant.

Moins d’un an après le retour aux Tuileries, le régime s’écroule. Le 5 mars, Paris apprend le débarquement de Napoléon. Auprès du roi accourent les fidèles, mais aussi les libéraux. Louis XVIII joue le jeu constitutionnel en convoquant les Chambres. Ce n’est plus désormais le combat du drapeau blanc contre le drapeau tricolore, mais celui de l’autorité légale contre un chef de parti. Cependant, la France acclame l’« usurpateur » et préfère le despote au monarque libéral. Louis XVIII doit se réfugier à Gand. (V. Cent-Jours [les].)


La seconde Restauration (1815-1824)

Après Waterloo et l’abdication de Napoléon le 22 juin 1815, tout est à refaire dans les pires conditions. Le roi doit d’abord reconquérir son trône, car la chute de l’Empereur n’entraîne pas ipso facto le retour des Bourbons. À la différence de 1814, ces derniers se heurtent à un puissant courant d’hostilité. L’armée et le peuple de Paris sont dévoués à la cause impériale et prêts à toutes les extrémités. La Chambre élue pendant les Cent-Jours est composée en majorité de libéraux, et certains milieux politiques avancent les noms de Napoléon II ou du duc d’Orléans. Les Alliés sont moins convaincus que jamais d’accorder leur patronage à un roi qui n’a pas su se faire accepter. D’ailleurs, le traité conclu par les puissances étrangères contre Napoléon à Vienne le 25 mars et auquel avait souscrit Louis XVIII ne contenait aucune clause de restauration.