Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louis XIII (styles Henri IV et) (suite)

Pour reconstituer les ateliers en déroute, Henri IV, en effet, recrute des praticiens là où subsistent des communautés professionnelles cohérentes : en Flandre. Dans le séminaire des « meilleurs et plus souffisans ouvriers » qu’il installe en la galerie du Louvre figurent des ébénistes flamands, tel Laurent Stabre († 1624), tandis que le prince envoie ses sujets apprendre ou perfectionner leur métier dans les Flandres. Le Béarnais établit dans l’ancienne teinturerie des Gobelins, sur la Bièvre, une colonie de lissiers flamands, conduits par François de La Planche, d’Anvers, et Marc de Coomans, d’Oudenaarde. Sur les modèles de Lerambert, cette manufacture de tapisseries* tisse les deux histoires d’Artémise et de Coriolan, d’après Laurent Guyot, qui offrent une curieuse combinaison des figures, étirées à la manière de Fontainebleau, et des accessoires de goût flamand, notamment les larges bordures meublées d’amoncellements pesants de fruits et de fleurs.

C’est là le trait caractéristique du style décoratif du temps d’Henri IV : il se maintiendra jusqu’au milieu du siècle. L’architecture, au contraire, affecte un style tout autre, dérivé de Vignole*, et par lui de Vitruve. L’archétype en est la place Royale à Paris (auj. place des Vosges), en fait première manifestation de l’urbanisme en France ; l’architecte paraît en avoir été Louis Métezau (1560-1615) ; les premiers hôtels s’y élevèrent en 1605. La place Dauphine s’encadrait en même temps de ses hôtels, faits de chaînages de pierre et de parements de brique sous des toits coiffant respectivement chacun des corps de logis. Du règne d’Henri IV date aussi la Galerie basse du « Bord-de-l’Eau » au Louvre.

Une nouvelle impulsion était ainsi donnée ; sous Louis XIII, l’architecture classique va s’épanouir avec éclat. En 1615, Salomon de Brosse (v. Du Cerceau) construit pour Marie de Médicis le palais du Luxembourg, qui emprunte certains de ses traits aux palais toscans. Jacques Lemercier (v. 1585-1654) élève en 1624 le pavillon de l’Horloge au Louvre ; Jean Ier Androuet Du Cerceau (1585-1649), l’hôtel de Sully ; Philibert Le Roy, le pavillon de chasse de Louis XIII à Versailles, autour duquel se développeront les bâtiments de Louis XIV. Lemercier dessine en urbaniste les plans de la ville de Richelieu que le cardinal fait créer dans le Poitou, berceau de sa famille. Pierre Le Muet (1591-1669) aménage à Paris l’hôtel Tubeuf, qui deviendra celui de Mazarin (auj. partie de la Bibliothèque nationale) ; Louis Le Vau*, dès 1640, inaugure son œuvre d’architecte en bâtissant l’hôtel Lambert. Le style classique transfigure aussi les édifices cultuels parisiens. Les pères jésuites Étienne Martellange (1569-1641) et François Derand (1588-1644) élèvent Saint-Paul-Saint-Louis en 1627 ; Salomon de Brosse masque d’une façade nouvelle, en 1616, l’église gothique Saint-Gervais ; Lemercier édifie en 1635 la chapelle de la Sorbonne, et François Mansart* commence en 1645 la construction de l’église du Val-de-Grâce. En province, les châteaux accueillent le nouveau style : Beaumesnil (Eure), Cany-Barville (Seine-Maritime), Balleroy (Calvados).

L’influence du génie flamand, épris de formes plantureuses, a favorisé l’implantation en France du baroque italien. Les exemples de son adoption sont en effet légèrement postérieurs à ceux du formulaire hispano-flamand : la cour de l’hôtel de Sully ne date que de 1630 ; la Bourse de Lille, que de 1652 ; la façade de la chapelle Sainte-Marie de Nevers et le portail de la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon sont du milieu du xviie s.

Le formalisme ornemental de cette période est naturellement complexe. Les éléments essentiels de l’ameublement restent les tapisseries : Simon Vouet et Claude Vignon* alimentent en modèles les ateliers de la Couronne ; Bruxelles, Audenarde et les ateliers de la Marche tissent à basses lisses des compositions à personnages destinées à la clientèle particulière. Des Flandres viennent les nouveaux types de meubles : le cabinet d’ébène aux vantaux sculptés en léger relief, porté par des cariatides, des consoles ou des balustres ; les sièges au piétement tourné, tendus de cuir gaufré. La variante française présente une originalité : le support de ses accotoirs, sculpté d’une figurine en pied ou d’un buste féminin en costume du temps. Le lit, qui était au xvie s. un monument d’apparat richement sculpté, cache désormais ses bois simplement équarris sous les courtines qui les enveloppent. Les tables réduisent leur décor au tournage de leur piétement. Un meuble nouveau apparaît, venu d’Italie : la table-bureau, dont le musée de Cluny possède un spécimen aux armes du maréchal de Créquy, donc antérieur à 1638 ; incrusté de filets d’étain, il est aménagé pour l’usage et non plus seulement pour l’apparat. Le luminaire offre aussi une novation : le lustre hollandais en cuivre, à deux ou trois rangs de bras de lumière surmontant une grosse boule.

G. J.

 P. Du Colombier, le Style Henri IV-Louis XIII (Larousse, 1941). / M. de Fayet, Meubles et ensembles, époque Louis XIII et Louis XIV (Massin, 1966). / F. Gébelin, l’Epoque Henri IV et Louis XIII (P. U. F., 1969).

Louis XIV

(Saint-Germain-en-Laye 1638 - Versailles 1715), roi de France de 1643 à 1715.



Le roi

Héritier longtemps désiré, Louis devient roi à cinq ans, à la mort de son père, Louis XIII, en 1643. Sa mère, Anne* d’Autriche, lui préfère son frère cadet Philippe, le futur Monsieur ; délaissé par elle, il grandit solitaire et se renferme de bonne heure sur lui-même. On peut voir là l’origine de sa méfiance envers les hommes, de son goût du secret, qui sera une des règles de sa politique. Chassé de sa capitale à l’âge de dix ans par la Fronde* parlementaire, traqué par la Fronde des princes sur les routes de France jusqu’en 1652, il en restera profondément marqué ; de là plus tard sa volonté de brider les parlements, de fixer la résidence royale en dehors de Paris et d’y museler la noblesse.