Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lorraine (suite)

L’industrie textile vosgienne

Elle est fille de l’industrie cotonnière alsacienne. Pour éviter de perdre le marché français, à la suite de l’annexion de l’Alsace, les cotonniers alsaciens développèrent sur le versant vosgien resté français une industrie créée de toutes pièces. Profitant de la force hydraulique des cours d’eau et d’une main-d’œuvre bon marché, cette industrie prospéra longtemps. Son marché se situait en partie dans les colonies. Les hautes vallées de la Moselle, de la Moselotte, de la Vologne, de la Vezouze et du Rabodeau connurent un développement industriel inespéré. La construction du canal de l’Est abaissa les frais de transport. Filatures, tissages, blanchisseries, teintureries et imprimeries de tissus se multiplièrent dans les vallées. Grâce à l’industrie cotonnière, les vallées vosgiennes connurent un rapide essor urbain au profit des petites villes. La concurrence étrangère, les conséquences de la décolonisation entraînèrent après 1945 des pertes de marché, provoquant la fermeture de nombreuses usines qui n’avaient pas su se moderniser à temps. Le nombre des ouvriers atteint une trentaine de milliers en 1971, alors qu’il dépassait 50 000 à l’apogée de cette industrie. Depuis quelques années, toutefois, le recul semble ralenti. Avec près de 70 000 t, la production de filés de 1971 est égale à celle de 1961. Par contre, entre ces deux dates, la production de tissus est tombée de 67 000 à 57 000 t. La concurrence des fibres synthétiques, dont la production ne relève pas des industriels cotonniers, se fait durement sentir. Les fermetures d’usines ont surtout touché les hautes vallées, qui voient décliner leur population au profit de l’avant-pays. Au problème de l’emploi s’ajoute donc un problème de sauvetage des hautes vallées.


L’évolution récente

Les autres industries sont encore en nombre insuffisant. L’industrie mécanique a cependant augmenté ses effectifs, passant de 49 000 en 1966 à 61 700 en 1971. La période 1958-1969 a vu la création de 7 000 établissements industriels nouveaux (dont la moitié seulement survit), qui ont créé 68 000 emplois : le bâtiment, activité fluctuante, arrive en tête avec 21 000 emplois nouveaux, suivi par l’industrie mécanique, qui totalise 18 000 emplois créés. Sur le plan départemental, la Moselle, avec 30 000 emplois créés, devance les Vosges (17 000), la Meurthe-et-Moselle (16 500) et la Meuse (4 500). Une bonne partie relève d’importantes sociétés extérieures à la région : Citroën (Metz), Viessmann (Faulquemont), Steeb (Sarralbe), Philips (Lunéville), Eurocâble (Plainfaing), Worthington (Eloyes), Plastinox (Fraize), Girling (Bouzonville), C. I. M. T. (Boulay-Moselle), Playtex (Épinal), Grundig (Merlebach), Continental (Sarreguemines). La reconversion est ainsi amorcée, mais sans grand plan d’ensemble, souvent sous la pression des syndicats à la suite de licenciements massifs. De nombreuses zones industrielles ont été créées, mais celles qui attirent le plus sont situées près des grandes villes, exception faite pour la plate-forme industrielle de Carling (200 ha). Presque tous les cantons frontaliers ont été classés en 1971 en zones de catégorie II, ce qui permet l’obtention de subventions pouvant atteindre 25 p. 100 des investissements. La reconversion industrielle amène des changements profonds. L’industrie s’établit en fonction des grandes voies de passage, qui favorisent le sillon Meurthe-Moselle et les grandes villes. Cette évolution risque d’accentuer le déséquilibre villes-campagnes.


L’agriculture

Avant la révolution agricole, la Lorraine passait pour une région essentiellement céréalière. Il n’en est plus de même, puisque seulement 22,5 p. 100 des terres sont consacrées aux labours, contre 30,2 p. 100 aux herbages. Les forêts couvrent 34,4 p. 100 de la surface totale. Ces chiffres globaux sont à nuancer suivant les régions. Sur les plateaux calcaires, les labours peuvent occuper plus de 50 p. 100 des finages, alors que, dans la Woëvre, le Saulnois et les Vosges, ce pourcentage est dépassé par les herbages.

Les céréales occupent les trois cinquièmes des labours. Leur surface a tendance à reculer, mais l’augmentation des rendements compense cette diminution. Il y a encore une dizaine d’années, le blé arrivait en tête ; il est aujourd’hui dépassé par l’orge, destinée de plus en plus à l’élevage. Le rendement moyen du blé approche 30 q/ha, mais il n’est pas rare d’atteindre 50 q sur les grandes fermes céréalières des plateaux. Les systèmes de culture tournent autour de deux grandes productions. Sur les plateaux, les céréales (blé, orge, avoine) dominent. On leur associe luzerne, trèfle, betterave fourragère, colza et maïs. Mais certaines fermes ne font que des céréales. D’autres pratiquent une polyculture où domine l’élevage. Le second système est aménagé en fonction de l’herbe. Les mêmes plantes que précédemment peuvent être cultivées, mais toujours comme productions secondaires ; les revenus de l’élevage apparaissent pour plus de 70 p. 100 dans les bilans.

L’élevage a fait de rapides progrès. Le cheptel bovin est passé de 684 000 têtes en 1965 à près de 1 million en 1971. En chiffres absolus, c’est la Moselle qui vient en tête, mais, en tenant compte du nombre d’agriculteurs, c’est la Meuse qui l’emporte. Cependant, la production laitière est restée inchangée (12,3 Mhl depuis 1965). Le troupeau de moutons a légèrement augmenté. Les ventes de viandes n’ont qu’assez faiblement progressé. La Lorraine est obligée, malgré ses possibilités, de se ravitailler en viandes à l’extérieur. En effet, beaucoup d’exploitations sont mises en valeur extensivement. On compte souvent plus de 50 ha pour un travailleur permanent. Pendant longtemps, le travail industriel a constitué une concurrence redoutable pour la main-d’œuvre agricole. La commercialisation de la production agricole est entre les mains de sociétés privées, à l’exception du département de la Moselle, où le secteur coopératif joue un rôle de premier plan. De nouvelles évolutions se préparent. L’implantation de deux silos à grains d’une capacité de 25 000 t chacun dans le port de Metz accroît l’intérêt des agriculteurs pour les céréales. La culture du mais-grain prend une rapide extension. L’évolution est favorisée par l’augmentation de la taille moyenne des exploitations, qui est de 46 ha dans la Woëvre et sur les plateaux, de 16 ha dans la montagne vosgienne et de 9,5 ha dans le vignoble du Toulois. Ces moyennes incluent toutefois les exploitations à temps partiel. En réalité, les agriculteurs à temps complet exploitent des unités de production bien plus importantes. Dans le Saulnois, il n’est pas rare de trouver deux ou trois grosses exploitations se partageant un finage de 400 à 500 ha. Dans le Toulois, la vigne reprend quelque peu sous l’influence de jeunes viticulteurs. Mais, pour toute la Lorraine, les vignes n’occupent plus que 2 400 ha. Les Côtes, de ce fait, connaissent une décadence agricole quasi générale. Les plantations de mirabelliers sont en déclin et ne se maintiennent guère que dans le Toulois. Les bas prix payés pour ce fruit pourtant estimé expliquent ce recul. La forêt joue localement un grand rôle. En 1970, on a tiré plus de 1,3 million de mètres cubes de bois des forêts lorraines. Les Vosges viennent en tête avec 53 p. 100 de ce chiffre. Plaines et plateaux fournissent surtout des feuillus, et les Vosges des résineux.