Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Londres (suite)

Dans la seconde moitié du xviiie s. et le premier tiers du xixe, une intense spéculation foncière devait accélérer la croissance générale de la ville et surtout son expansion vers l’ouest. L’architecture de ce temps relève du mouvement néo-classique, dont le style dit Adam est l’expression la plus raffinée. Avec ses frères, Robert Adam* créa l’ensemble immobilier appelé The Adelphi, dont presque rien ne subsiste. Son art, tour à tour robuste et délicat, demeure dans les extérieurs et surtout les intérieurs de certaines maisons de Portman square, de Portland place, etc., dans ceux d’Apsley house ou de demeures suburbaines telles que Kenwood, Syon house, Osterley park. John Nash*, l’architecte officiel de la Régence, rebâtit en formes sévères Buckingham palace, devenu résidence royale, mais il est surtout l’auteur d’un vaste plan d’urbanisme qui, réalisé partiellement à partir de 1811, devait fixer l’aspect des quartiers aristocratiques de l’ouest et du nord. Les principaux éléments de ce plan sont Trafalgar square, Regent’s street et Regents park, bel exemple du style paysager qui caractérise les vastes parcs de Londres. Les maisons construites sous la direction de Nash ou dans le même esprit, en brique avec revêtement de stuc, forment des rangées basses que soulignent des colonnades — ainsi Nash house, siège depuis 1968 de l’Institut des Arts contemporains. Dans la City, sir John Soane* éleva la Banque d’Angleterre (1792-1833).

Depuis la première moitié du xviiie s., l’école anglaise de peinture avait à Londres son principal atelier (et elle y a son prestigieux musée : la Tate Gallery, également musée d’Art moderne), mais Hogarth* est à peu près seul à livrer l’écho du spectacle londonien, et c’est à Canaletto*, venu de Venise au milieu du siècle, que l’on doit les meilleures vues de la capitale et de ses environs. Il ne faut pas négliger, par ailleurs, le rôle de Londres comme centre de ces métiers d’art qui ont tant contribué, au xviie et au xviiie s., à l’éclat du décor de la vie britannique, qu’il s’agisse du mobilier, des tapisseries de Mortlake ou de Soho, de l’orfèvrerie, des porcelaines de Chelsea, etc.


De l’avènement de Victoria à nos jours

La croissance de Londres a fait un bond prodigieux à l’époque victorienne. Le dépeuplement de la City, livrée désormais aux bureaux, a trouvé une large compensation dans le développement du West End et des autres quartiers périphériques. Le style néo-classique s’est longtemps maintenu, surtout avant le milieu du siècle ; il inspira le quartier résidentiel de Belgravia, la nouvelle Bourse, le British Museum, la National Gallery. Cependant, l’esprit victorien s’est reconnu plus volontiers dans l’architecture néo-gothique, qu’illustre, à côté de Westminster, le grandiose palais du Parlement, reconstruit de 1836 à 1860. Il faut aussi mentionner le Palais de justice, la gare Saint Pancras, le pont de la Tour, réussite technique sous un vêtement médiéval, le Victoria and Albert Museum, etc. Mais l’éclectisme de l’époque a aussi inspiré des pastiches du style classique français, du baroque, voire de l’art byzantin, comme à la cathédrale catholique de Westminster.

L’aspect de Londres n’a guère changé au début du xxe s. et entre les deux guerres mondiales. En revanche, la ville a subi de profondes transformations depuis les bombardements de 1940. Si les zones périphériques attestent la fidélité de l’Anglais à l’habitat individuel, le centre est voué aux affaires et devient peu à peu une ville verticale, dont les immeubles doivent, cependant, s’accommoder d’une voirie ancienne. Parmi les grandes réalisations de l’architecture d’aujourd’hui, on citera au moins le centre culturel de la rive droite, comprenant Festival hall, Queen Elizabeth hall, Hayward gallery, etc. Il faut ajouter que Londres, depuis les préraphaélites*, est le premier laboratoire des expériences qui prouvent la vitalité de la peinture et de la sculpture britanniques.

B. de M.

 D. Piper, London (Londres, 1971 ; trad. fr. Londres, A. Michel, 1971).

Longhena (Baldassare)

Architecte italien (Venise 1598 - id. 1682).


Il est le seul Vénitien à s’être haussé au niveau des grands baroques de Rome, ses contemporains, tout en restant, au travers des leçons de Vincenzo Scamozzi (1552-1616), dans la continuité de Palladio*.

À part la cathédrale de Chioggia (1624-1647) et quelques villas, son œuvre est localisée à Venise. Les palais qu’il a remaniés, telle la Ca’Giustinian-Lolin, d’une austérité proche de sa Scuola dei Laneri, ou dont il a établi le projet, telles la Ca’Pesaro (v. 1652, pour Giovanni Pesaro, qui, devenu doge, lui demandera un tombeau à Santa Maria Gloriosa dei Frari) et la Ca’Rezzonico (1667, achevée par Giorgio Massari en 1750), montrent surtout la persistance du type à colonnade créé par le Sansovino (1486-1570). Il en est de même aux Nouvelles Procuraties, où Longhena poursuit à partir de 1640 l’œuvre de son maître Scamozzi et donne sa physionomie actuelle à la place Saint-Marc (deux siècles plus tard, ses ordonnances aux colonnettes en pierre d’Istrie finement cannelées inspireront l’Américain James Bogardus pour ses immeubles en fonte et fer*).

Tout cela, non plus qu’un escalier au centre bénédictin de San Giorgio Maggiore (où s’était imposé Palladio), l’église de l’Ospedaletto et le monastère des Carmes (auj. détruit, sauf l’église Santa Maria degli Scalzi, élevée en 1656-1673 et comparable à Santa Maria in Campitelli de Rome, par Carlo Rainaldi), ne suffirait pas à assurer la renommée de l’architecte s’il n’avait conçu, à trente-deux ans et avant la plupart des réalisations romaines du siècle, un édifice des plus intéressants, Santa Maria della Salute.

Une épidémie de peste, qui fit 50 000 victimes en un an, ravageait la ville ; pour conjurer le fléau, la Sérénissime République décida d’ériger un sanctuaire votif, comme elle l’avait fait, pour la même raison, en demandant à Palladio l’église du Redentore en 1577. Depuis cette date, soit pendant près d’un demi-siècle, l’architecture vénitienne avait subi une sorte d’éclipse, en dépit — ou à cause — du souci de ses édiles de ne rien réaliser qui ne fût en harmonie avec l’ensemble urbain préexistant. Longhena, l’emportant sur une dizaine de concurrents, va, en vingt ans, réaliser la plus belle coupole d’Italie (après Florence et Saint-Pierre de Rome), le monument le plus digne du Grand Canal, dont il marque l’entrée face à la Piazetta et au palais des Doges : Santa Maria della Salute (1631-1654).