Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Londres (suite)

Londres, ville d’art

Londres témoigne avec éclat du passé artistique de la Grande-Bretagne*, sans toutefois le résumer. Les époques antérieures à la conquête normande n’y ont guère laissé de traces. De la ville romaine, il ne reste que des fragments du mur d’enceinte, avec les fondations d’un sanctuaire de Mithra et divers débris qu’ont recueillis le British Museum et le London Museum. Rien d’important ne subsiste de la période saxonne, sinon des vestiges de la nouvelle église de l’abbaye de Westminster, érigée par Édouard le Confesseur à l’ouest de la City et consacrée en 1065.


De la conquête normande au grand incendie

La domination normande fit de Londres une vraie capitale. À la limite orientale de la City, Guillaume le Conquérant éleva la « Tour blanche », à la fois forteresse et résidence, qui fut commencée vers 1078 et forme encore le noyau de la célèbre « Tour de Londres », dont les deux enceintes concentriques sont postérieures. C’est un gros donjon carré, muni de contreforts et cantonné de quatre tourelles carrées. À l’intérieur, la chapelle Saint John offre un exemple de l’architecture religieuse « normande », dont relève aussi, dans la City, le chœur à trois étages de Saint Bartholomew the Great (xiie s.). À côté de l’abbaye, le palais de Westminster devint un second pôle urbain ; on en conserve le hall, dont les murs datent de 1097.

Consacrée en 1185, l’église circulaire du Temple marque l’apparition du style gothique dit early english, dont la cathédrale Saint Paul, construite au xiiie s. et disparue dans l’incendie de 1666, illustrait la maturité. Du moins peut-on en juger avec la vaste abbatiale de Westminster, rebâtie à partir de 1245, mais tributaire d’une certaine influence française ; on reconnaît mieux le génie anglais dans le cloître et dans la salle capitulaire, de plan polygonal (seconde moitié du xiiie s.). Westminster offre aussi l’un des témoignages les plus brillants du style dit perpendicular : la grande chapelle fondée par Henri VII et élevée de 1503 à 1519 dans l’axe de l’abside, avec son réseau de fan vaults d’une rare virtuosité. Si les nombreuses statues de saints paraissent de mains néerlandaises, le superbe tombeau d’Henri VII et d’Élisabeth d’York marque l’intervention de la Renaissance italienne en la personne du sculpteur Pietro Torrigiani.

Dans la première moitié du xvie s., le mécénat d’Henri VIII et de ses courtisans s’est traduit, à Londres et aux portes de la ville, par la construction de palais où s’épanouit le style Tudor, pittoresque et gai, timidement teinté d’italianisme. En 1529, le roi confisqua Whitehall au cardinal Wolsey et entreprit de le rebâtir, chargeant Holbein* d’une partie de sa décoration. Commencé en 1532, le palais Saint James a gardé de cette époque son bâtiment d’entrée. À Hampton Court, qu’Henri VIII enleva aussi à Wolsey et fit continuer à partir de 1526, on peut admirer le hall de ce temps avec sa charpente ouvragée. Le style Tudor se reconnaît enfin à Lambeth, résidence londonienne de l’archevêque de Canterbury. L’incendie de 1666 a épargné dans la City certains bâtiments des collèges d’avocats, dits « Inns of Court », qui rappellent les collèges universitaires par leurs ensembles de cours et de jardins (Inner Temple, Middle Temple, Lincoln’s Inn et Gray’s Inn).

En réaction contre le goût de la Renaissance néerlandaise, qui inspirait par exemple la Bourse, Inigo Jones* voulut imposer une architecture sévèrement classique, dans la tradition de Palladio*. À Greenwich, il éleva à partir de 1616 le très sobre pavillon de la reine Anne. Commencé en 1619 par Jones dans un style très palladien, mais plus orné, Banqueting hall est tout ce qui reste du palais de Whitehall depuis l’incendie de 1698 ; peint par Rubens* à Anvers, d’où il fut expédié en 1635, son magnifique plafond représente l’apothéose de Jacques Ier.


Du grand incendie à l’avènement de Victoria

L’incendie de 1666 n’ayant presque rien épargné de la City, sir Christofer Wren* proposa de la rebâtir selon un plan régulateur. Il en fut empêché par le traditionalisme des Londoniens — aussi la City reconstruite a-t-elle gardé sa configuration capricieuse —, mais il reste l’auteur des principaux édifices. En commémoration de l’incendie, il éleva la colonne appelée The Monument (1671-1676). Il dirigea la reconstruction d’une cinquantaine d’églises ; celles qui subsistent (Saint Mary-le-Bow, Saint Bride’s, Saint Stephen, etc.) se signalent par l’ingéniosité de leurs plans et la variété de leurs clochers. Commencée en 1675, la nouvelle cathédrale Saint Paul, aux proportions colossales, continue la Renaissance classique par sa coupole, mais sacrifie au baroque par sa façade. En dehors de la City, Wren eut la charge des grandes entreprises royales. Pour l’hospice naval de Greenwich, fondé en 1694 et inauguré en 1705, il conçut un plan grandiose qui englobe le pavillon de I. Jones ; le plafond du « Painted hall », exécuté avec brio par James Thornhill (1675-1734), célèbre le triomphe de Guillaume III et de Marie. C’est pour les mêmes souverains que Wren dirigea la reconstruction partielle de Hampton Court.

Dans la première moitié du xviiie s., la tradition de Wren fut continuée par James Gibbs (1682-1754), auteur des églises Saint Mary-le-Strand et Saint Martin-in-the-Fields. On assistait alors, entre la City et Westminster, à la naissance des quartiers aristocratiques du West End, avec leurs rues aux maisons uniformes, leurs squares plantés d’arbres : Grosvenor square, Hanover square, Berkeley square, etc. L’architecture domestique apparaît marquée par le palladianisme, dont lord Burlington (1694-1753) donna les modèles en élevant Burlington house de Piccadilly (auj. Royal Academy of Arts) et, aux portes de Londres, l’exquise maison de Chiswick. Il eut pour collaborateur William Kent (1685-1748), à qui l’on doit la caserne des Horse Guards (élevée de 1750 à 1758). Mansion House, la résidence du lord-maire (1739), est de George Dance l’Aîné (1700-1768). Sir William Chambers*, qui avait sacrifié au goût chinois avec la « pagode » des jardins de Kew, rebâtit Somerset house selon un parti grandiose (1776-1786).