Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Linné (Carl von) (suite)

On est, au premier abord, surpris de tant de gloire : la classification générale des plantes proposée par Linné, et fondée sur le nombre des étamines, est entièrement artificielle et ne lui a pas survécu. Fixiste résolu, il a admis que « la nature compte aujourd’hui autant d’espèces que l’Être infini en a créées à l’origine », ce qui est nier non seulement l’évolution, mais l’existence d’espèces disparues. La contribution de Linné à la connaissance de faits scientifiques nouveaux est minime. Mais Linné est venu dans le monde scientifique exactement à son heure : au moment où, submergés sous les envois d’espèces nouvelles venues des lointains tropiques, les botanistes, et dans une moindre mesure les zoologistes, en arrivaient à ne plus savoir de quoi ils parlaient, Linné leur a fourni un ordre et un langage.

Un ordre, par ce fabuleux travail de recension et de comparaison qui l’a conduit à grouper espèce par espèce plusieurs dizaines de milliers de formes vivantes animales et végétales. Un langage, par la mise au point de la nomenclature dite « binomiale » ou « binominale », celle qui permet seule de ne prononcer que deux mots pour désigner sans ambiguïté une espèce. On sait en effet que le premier de ces mots, le nom générique, est commun à plusieurs espèces voisines l’une de l’autre, tandis que le second, ou nom spécifique, qui est d’ailleurs souvent un adjectif, ne s’applique qu’à une seule espèce à l’intérieur du genre. Ce mode de désignation des êtres aurait été précieux même si, dans le détail, Linné avait fait beaucoup d’erreurs ; or, il en a fait remarquablement peu, et nombreuses sont les espèces qui, de nos jours encore, portent à la suite de leur nom l’initiale L, signalant que ce nom est dû à Linné.

Qu’on ajoute à cet immense service rendu à la science l’enthousiasme communicatif du professeur et l’on s’expliquera qu’une véritable « école linnéenne » ait pu se constituer, qu’il y ait à Londres et ailleurs des « sociétés linnéennes » et que l’autorité de la méthode linnéenne ait pu faire longtemps obstacle à la divulgation de pensées scientifiques tout aussi fécondes, mais d’esprit opposé, comme celle de Buffon et celle de Darwin.

H. F.

➙ Botanique / Taxinomie.

Lin Piao

En pinyin Lin Biao, maréchal et homme politique chinois (Huanggang [Houang-kang], Hubei [Hou-pei], 1908 - en Mongolie 1971).


Son nom, comme ceux de Mao Zedong (Mao Tsö-tong*) et de Zhu De (Tchou Tö*), reste associé à l’histoire de la République populaire de Chine et à celle de son armée. Ministre de la Défense nationale en 1959, deuxième personnage du Parti et de l’État en 1966 et successeur officiellement désigné du président Mao en 1969, il semblait, jusqu’en 1971, appelé à détenir un jour le pouvoir suprême. Sa progressive éclipse politique, sensible à partir de juin 1971, et sa disparition en septembre marquent la fin d’un chapitre de l’histoire de la Chine contemporaine.

Né dans une famille de petits propriétaires, Lin Biao a fait des études primaires dans son village, puis secondaires à Wuchang (1921-1924), avant d’entrer en 1925 à l’Académie militaire de Huangpu (usuellement Whampoa), dont Zhou Enlai (Tcheou Ngen-lai*) dirigeait en second le département politique. Nommé officier, il participe à l’ « expédition vers le Nord » (1926), sous les ordres de Ye Ting. Devenu membre du Parti, il participe au soulèvement de Nanchang (1er août 1927), puis sert au Hunan (Hou-nan) et au Jiangxi (Kiang-si) sous les ordres de Zhu De, qui s’intéresse à lui et l’apprécie au point d’en faire son successeur à la tête de la IVe armée rouge (1930). Durant la période dite « du Jiangxi » (1931-1934), il affirme ses qualités de chef dans la résistance aux « campagnes d’extermination des communistes » lancées par Jiang Jieshi (ou Tchang Kaï-chek*). Pendant la « Longue Marche », il se distinguera à la tête du Ier groupe d’armées. Réfugié au Shanxi (Chen-si) avec Mao, il se consacre à la formation des officiers, puis, toujours sous les ordres de Zhu De, il prend le commandement de la 115e division de la VIIIe armée de route. Après avoir remporté au défilé de Pingxing (P’ing-sing), en septembre 1937, un important succès contre les forces japonaises, il participe à la conquête du Henan (Ho-nan) et du Shandong (Chan-tong) par les forces communistes. Blessé au début de 1938, il est envoyé pour traitement en U. R. S. S., où il séjournera trois ans. À son retour, il est membre de la mission de liaison communiste (dirigée par Zhou Enlai) auprès du gouvernement central de Chongqing (Tch’ong-k’ing). Revenu à Yan’an (Yen-ngan), il est directeur adjoint de l’école du Parti (dirigée par Mao) avant d’être élu membre du Comité central (1945). Jusqu’en 1948, il s’emploiera à étendre le contrôle de l’administration communiste à la totalité de la Mandchourie, en commandant d’abord le district militaire du Nord-Est, puis en mettant sur pied l’Armée de l’alliance démocratique du Nord-Est. En 1948, cette force est réorganisée en IVe armée de campagne, à la tête de laquelle il participe à la prise de Pékin et de Tianjin (T’ien-tsin), puis à la conquête, sur les nationalistes, de la Chine centrale et méridionale.

La guerre terminée, Lin Biao cumule les fonctions de commandant de la IVe armée de campagne, de commandant de la région militaire Centre-Sud, de premier secrétaire du bureau centre-sud du comité central du parti communiste chinois et de membre du conseil gouvernemental. Son absence de 1950 à 1953 n’est pas expliquée avec certitude ; on l’attribue généralement à une participation à la guerre de Corée et plus vraisemblablement à des ennuis de santé. Il reparaît en 1954 en tant que député de l’armée populaire de libération (A. P. L.) au Congrès national populaire. En 1955, il est nommé maréchal et continue son ascension dans le Parti en devenant membre du groupe permanent du bureau politique et vice-président du Comité central (1958). Lin Biao est alors le numéro six dans la hiérarchie du Parti ; en septembre 1959, il succède à Peng Dehuai (P’eng Tö-houai) au poste de ministre de la Défense nationale et s’emploiera, dès lors, à mettre en pratique les conceptions de Mao sur la politisation de l’armée et sur la place qu’elle doit tenir dans la nation. C’est lui qui imposera à l’A. P. L. l’étude de la pensée de Mao, qui diffusera dans toutes les unités le célèbre « petit livre rouge », qui fera obligation aux cadres d’effectuer des stages à la base ; c’est encore lui qui, en 1965, supprimera les grades et insignes de grades et ordonnera la prolétarisation des tenues. Cette même année, il met en honneur les conceptions stratégiques de Mao en signant un article très remarqué qui s’intitule Vive la glorieuse guerre du peuple. En août 1966, il accède à la deuxième place dans la hiérarchie et apparaît ensuite toujours aux côtés du président Mao. Jusqu’à l’été 1971, la presse ne cessera de le présenter comme « le plus proche compagnon d’armes du président Mao » et comme son successeur désigné.