Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Liège (suite)

L’industrie a connu au milieu du xxe s. les difficultés des régions charbonnières, tôt industrialisées : récession du charbon ; industries lourdes perdant de la main-d’œuvre par suite des améliorations de la productivité ; branches employant peu de main-d’œuvre féminine. Entre 1960 et 1968, le nombre global des emplois a baissé de près de 13 000 (les industries extractives en perdant plus de 12 000). Le nombre des chômeurs pour toute la province atteignait 18 000 en 1968.

Une conversion devenait urgente. Les atouts sont nombreux. Les terrains sont abondants. En 1971, les seules zones industrielles offraient 1 000 ha, en bordure des voies d’eau, sur les plateaux, surtout à l’ouest, à côté des échangeurs d’autoroutes internationales (la zone des Hauts-Sarts, au nord). Il existe de fortes disponibilités en eau, en main-d’œuvre, souvent de qualité ; l’université s’est toujours préoccupée tant de l’aménagement que des problèmes de techniques industrielles. Au début de 1971, les seules zones industrielles avaient accueilli 41 firmes offrant plus de 7 000 emplois, et 7 autres firmes étaient en cours ou en instance d’implantation. Les nouvelles industries sont variées et, pour la plupart, étrangères : pneumatiques (Uniroyal), plastiques (Reynolon), feuilles d’aluminium (Kaiser), matériel de radiologie (General Electric), électroniques (Burroughs, Memorex, Radio Corporation), machines de précision (Westinghouse), textile (Müller-Wipperfürth).

L’agglomération

Beaucoup plus peuplée que la ville de Liège elle-même, l’agglomération regroupe une vingtaine de communes de dimensions très inégales, parmi lesquelles les plus importantes se situent en bordure de la Meuse. En amont de Liège, il s’agit notamment de Flémalle-Haute, Jemeppe, et surtout de Seraing (grand centre de métallurgie lourde) et aussi d’Ougrée. En aval, Herstal, autre centre métallurgique, émerge. L’agglomération s’étire ainsi dans la vallée sur une vingtaine de kilomètres de longueur. Sa forme allongée, commandée par sa localisation dans la vallée d’un grand cours d’eau, s’oppose à celle de l’agglomération bruxelloise, à dominante concentrique.


Le tertiaire et le rayonnement

Recréer le même volume d’emplois industriels dans une région où le tertiaire a besoin d’être renforcé peut paraître une erreur (J. A. Sporck). Le tertiaire occupe 43,7 p. 100 des actifs de l’arrondissement en 1970 (45,8 p. 100 avec les transports), soit un peu plus de 106 000 personnes ; il a augmenté de plus de 10 000 unités entre 1960 et 1968, mais le tertiaire de Liège subit la concurrence de Bruxelles.

La ville est un nœud exceptionnel de voies de communication. En dehors de la Meuse, grand axe dès le Moyen Âge, mais combien modifié, les autres axes ont été créés, construits durant toute l’histoire liégeoise. Cinq lignes ferroviaires internationales s’y croisent (partant de Londres, de Cologne, de Paris, d’Amsterdam, de Bâle). En 1971 convergent vers Liège cinq autoroutes : trois arrivent de la mer à partir d’Anvers, de Zeebrugge-Gand et de Dunkerque, et se dirigent vers Cologne et la Ruhr. Le port a un trafic de 17 Mt grâce à une Meuse au gabarit de 2 000 t. Toutefois, si, vers le nord, le « bouchon » de Lanaye (à 600 t) a sauté, la Meuse se dirige vers les Pays-Bas, alors que, en amont, la section française du fleuve demeure au gabarit de 250 t. Mais la région liégeoise est désenclavée vers Anvers grâce au canal Albert (agrandi et devenu aujourd’hui accessible aux convois poussés de 9 000-10 000 t), au rôle fondamental.

Par ses banques, ses sièges sociaux, ses commerces, son rayonnement politique, religieux, culturel et artistique, Liège est la principale ville de Wallonie. Face à Bruxelles, la capitale souvent discutée, elle est aux Wallons ce qu’Anvers est aux Flamands. Son influence s’étend sur 1,2 million de personnes, limitée par trois frontières : allemande à l’est, néerlandaise au nord et aussi linguistique du côté du Limbourg. Mais la ville entend jouer un rôle de direction à l’égard de villes un peu isolées comme Aix-la-Chapelle ou Maastricht et même Hasselt, ville flamande, capitale d’une région qui fournit le charbon et qui est un réservoir de main-d’œuvre. Elle cherche à jouer un rôle régional européen.

Le dynamisme des Liégeois et l’ampleur des projets justifient le nom de « Cité ardente » et sont un garant pour l’avenir.

A. G.

 G. Kurth, la Cité de Liège au Moyen Âge (A. Dewit, Bruxelles et Picard, 1910 ; 3 vol.). / F. Vercauteren, les Luttes sociales à Liège, xiiie-xive siècle (Renaissance du livre, Bruxelles, 1943). / J. Lejeune, la Principauté de Liège, naissance d’une patrie, xiiie-xive s. (Éd. de l’A. S. B. L., Liège, 1948). / J. A. Sporck, l’Activité industrielle dans la région liégeoise (Thone, Liège, 1957). / P. Lambert et coll., l’Économie de la région liégeoise (P. U. F., 1960). / H. Colleye, Liège (Bruxelles, 1964).


Liège, ville d’art

La présence romaine est attestée par les vestiges d’une villa et d’un hypocauste découverts place Saint-Lambert, où se dressa pendant des siècles la cathédrale de ce nom. La ville ne prend réellement sa personnalité de métropole religieuse qu’au xe s., sous l’impulsion de l’évêque Notger.

La plupart des églises ont subi des transformations radicales, tout en gardant des traces de leur style roman primitif. Une des plus anciennes, Saint-Martin (v. 965), perchée sur le coteau de Publémont, domine de sa tour carrée la ville basse ; incendiée en 1312 et réédifiée au xvie s., elle est de style gothique.

Le roman pur s’est maintenu à Saint-Barthélemy (1015). Flanquée de deux tours jumelles, l’église a cinq nefs et un décor intérieur classique. Elle possède les fameux fonts baptismaux de Renier de Huy, un des chefs-d’œuvre de la dinanderie, exécutés vers 1107-08 (v. mosan [art]). Sainte-Croix a conservé, elle aussi, son aspect roman, avec sa tour octogonale et une belle abside datant du début du xiie s., mais, à l’intérieur, les trois nefs sont gothiques.