Lichens (suite)
Rapports morphologiques entre l’Algue et le Champignon
Les hyphes du Champignon sont en général en rapports étroits avec les Algues. Tantôt elles s’appliquent sur la cellule algale sans y pénétrer (appressoria), tantôt elles y envoient des suçoirs (haustoria). Certains de ceux-ci, intramembranaires, ne percent pas complètement la paroi et font à peine saillie dans la cellule ; d’autres, intracellulaires, traversent la paroi et pénètrent dans la cellule en repoussant le plasmalemme, qui s’invagine autour d’eux. Les haustoria, très communs, sont parfois saisonniers. En général, la cellule qu’ils envahissent reste vivante et capable de sporuler. Dans ce cas, les haustoria restent attachés à la paroi de la cellule mère et sont éliminés avec elle.
Rapports physiologiques et biologiques
Longtemps soupçonné, le passage de glucides de l’Algue vers le Champignon a été mis en évidence récemment grâce à l’emploi du carbone marqué (Smith). L’Algue cède du glucose quand c’est une Cyanophycée, du ribitol quand c’est un Trebouxia. Le Champignon les transforme ensuite en mannose et en polysaccharides spécifiques (lichénine, isolichénine). Chez Peltigera aphtosa, l’azote atmosphérique fixé par l’Algue des céphalodies passe de même dans le thalle. Enfin, l’utilisation par le Champignon de thiamine excrétée par certains Nostocs reste à démontrer.
Le passage inverse de substances du Champignon vers l’Algue n’a pas été mis en évidence. Par contre, il est probable que le Champignon protège l’Algue contre l’excès de lumière et régularise l’apport en eau et en substances minérales dissoutes. Pour certaines Algues, inconnues à l’état libre, le mycélium tient lieu de niche écologique.
Modifications des symbiotes
La lichénisation entraîne des modifications des deux symbiotes. Dans les thalles, les cellules des Algues sont plus sphériques, avec un plaste gonflé ; souvent elles perdent leurs enveloppes gélatineuses (les Nostocs dans les Peltigera). Les cycles de reproduction s’altèrent : les zoospores ne se forment plus (Trebouxia), ni même chez d’autres espèces, les aplanospores. La photosynthèse et le métabolisme augmentent ; la perméabilité cellulaire se modifie (excrétion de glucides). Le Champignon, quant à lui, développe des appressoria et des haustoria ; il devient capable d’édifier un thalle complexe et d’élaborer des substances lichéniques ; son cytoplasme contient des « corps ellipsoïdaux » énigmatiques (ultramicroscopie).
Place des Lichens dans la nature ; leur utilisation
Les Lichens, universellement répandus, représentent une réussite biologique remarquable. Ils constituent, sur des substrats particulièrement inhospitaliers, des associations tantôt pionnières, tantôt climax et stables (toundras arctiques, rochers, écorces). Malgré cela, du fait de leur faible capacité métabolique, ils ne jouent qu’un rôle modeste dans les cycles biologiques et dans la production de matière de la biosphère. Dans les régions arctiques, ils sont pâturés par les grands herbivores (Caribous, Rennes), mais ces pâturages sont dangereux, les Lichens accumulant dans leur thalle des minéraux radio-actifs qui contaminent ensuite la chaîne alimentaire jusqu’à l’homme.
Peu utilisés en pharmacie (pâtes pectorales), remplacés en teinturerie (Orseille) par les dérivés de l’aniline, les Lichens servent encore en parfumerie comme ralentisseur de l’évaporation ou comme base de parfum (tel le « cuir de Russie »).
M. A. L.-G.
➙ Algues / Champignons.
H. des Abbayes, Traité de lichénologie (Lechevallier, 1951). / K. A. Kershaw et K. L. Alvin, The Observer’s Book of Lichens (Londres, 1963). / V. Ahmadjian, The Lichen Symbiosis (Waltham, Mass., 1967). / M. E. Hale, The Biology of Lichens (Londres, 1967). / J. Lambinon, Lichens (Naturalistes belges, Bruxelles, 1969). / J. Poelt, Bestimmungschlüssel europäischer Flechten (Berlin, 1969). / P. Ozenda et G. Clauzade, les Lichens. Étude biologique et flore illustrée (Masson, 1970). / E. Frey, les Lichens (Payot, Lausanne, 1971). / C. Souchon, les Lichens (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1971).