Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lichens (suite)

Reproduction des thalles

L’association lichénique se reproduit soit directement, soit par voie de synthèse, les filaments mycéliens issus d’une spore capturant dans leur voisinage des Algues libres de type adéquat.

• La reproduction directe est fréquente et efficace. Le thalle des Lichens, souvent fragile à l’état sec, peut être fragmenté et dispersé par les agents atmosphériques ou les animaux. Il peut aussi libérer des organites spéciaux, notamment des sorédies et des isidies, qui jouent le rôle de bouture. Les sorédies sont des amas globulaires et microscopiques de cellules algales qu’entoure une gaine mycélienne. Elles se forment dans des plages pulvérulentes du thalle, les soralies. Les isidies sont de minuscules digitations coralloïdes du thalle, de quelques millimètres de haut, souvent ramifiées et qui, toujours fragiles, se détachent facilement.

• La synthèse naturelle d’un nouveau thalle aux dépens d’une spore et d’Algues libres, seule voie de reproduction possible pour de nombreux Lichens, est moins aléatoire qu’il ne paraît. En effet, les ascospores sont abondamment émises par les ascocarpes, pérennants et actifs de nombreuses années, et les Algues sont souvent très communes (Nostoc, Trentepohlia). Dans le cas contraire (Trebouxia), elles sont fournies par les sorédies, toujours abondantes, d’autres Lichens. Chez certains Pyrénolichens (Endocarpon, Staurothele), l’hyménium est garni d’Algues (gonidies hyméniales) qui sont dispersées avec les ascospores. Chez les Peltigera, la germination des spores ne débute qu’en présence de Nostoc.

En germant (Werner, 1931), l’ascospore émet une nappe (prothalle) de fins filaments qui emprisonnent les Algues qu’ils rencontrent. Puis les hyphes se multiplient et s’épaississent, formant un « thalle primaire », à croissance isodiamétrique, différencié en une couche corticale et en une couche lacuneuse qui contient les Algues. Ensuite, au stade adulte, la croissance se polarise soit dans le sens vertical (thalles fruticuleux), soit dans le sens horizontal (thalles foliacés). Les ascocarpes apparaissent après un an ou deux.

• La synthèse artificielle, en laboratoire, d’un thalle de Lichen a été tentée par plusieurs auteurs. Stahl (1870), puis Bertsch (1967) ont obtenu en six mois des thalles fertiles d’Endocarpon pusillum en ensemençant les ascospores de ce Lichen et les gonidies hyméniales qui leur sont associées. G. Bonnier (1889), en utilisant des substrats naturels stérilisés et des dispositifs assurant notamment le renouvellement de l’air, pensa avoir réussi la synthèse du thalle de Xanthoria parietina et de divers Cladonia, mais ses expériences ont été fortement critiquées. Depuis, les résultats obtenus dans des conditions plus rigoureuses (Werner, F. Tobler, V. Ahmadjian) furent moins spectaculaires, mais ils ont pu être répétés. Il s’agit de l’obtention des premières étapes de la lichénisation et de la capture de l’Algue, de la formation de plectenchyme cortical, de sorédies ou mieux d’écailles sorédiées. Chez Cladonia cristatella, celles-ci portent des pycnides et des ébauches de podétion comme les cultures du Champignon isolé.

La synthèse des Lichens est favorisée par la déficience du milieu en éléments organiques et minéraux, par un dessèchement progressif ou, mieux, périodique et par une forte illumination. La nature du substratum n’est pas indifférente. Enfin, il faut que les Algues aient été isolées depuis peu. L’échec relatif de nombreux essais montre que d’autres facteurs, encore méconnus, interviennent.


Biologie des thalles, physiologie, écologie

Le thalle des Lichens se caractérise par des besoins alimentaires réduits, assortis d’une croissance faible, et par une aptitude au dessèchement et à la reviviscence, qui s’accompagne, à l’état de vie ralentie, d’une résistance remarquable aux températures extrêmes. L’absorption et la perte d’eau, phénomènes physiques liés à la structure de membranes, sont rapides. Il en va de même de l’absorption, active cette fois, des substances dissoutes. La synthèse chlorophyllienne débute pour une faible luminosité, atteint très vite son point de compensation, puis son maximum ; elle s’arrête en état de vie ralentie. L’excrétion d’enzymes, d’acides et de chélateurs facilite l’attaque du substrat et la fixation des thalles. Celle d’antibiotiques et d’antimitotiques freine l’installation de végétaux concurrents à croissance rapide. Ces caractères expliquent la colonisation par les Lichens de milieux pauvres ou rudes (rochers, écorces, toundras arctiques). De nombreux Lichens peuvent concentrer dans leurs thalles des minéraux, parfois toxiques, présents dans le sol en faible quantité.

La plupart des Lichens ont des besoins spécifiques quant au phosphore, au climat (hygro- et hydrométrie), à la teneur en polluants et en substances minérales (azote, calcium), ce qui règle la répartition et l’association des espèces. Ces exigences s’expriment notamment sur les falaises maritimes, où les Lichens forment des zones de végétation liées à la durée d’émersion, et à la périphérie des villes, où ils forment des ceintures dépendant du degré de pureté de l’air.


Chimisme

La plupart des substances chimiques des Lichens sont identiques à celles que l’on trouve dans les autres groupes végétaux, et la teneur en cendres est très comparable. On note toutefois la présence de glucides originaux (lichénine, isolichénine) et surtout l’excrétion de substances organiques particulières, insolubles dans l’eau, généralement incolores et localisées dans la médulle, les substances lichéniques, dont plus de 300 ont été répertoriées. Certaines appartiennent à la série grasse, d’autres à la série aromatique. Parmi ces dernières, les depsides et les depsidones, dérivés de l’orcine et de la β-orcine, sont connus des seuls thalles lichénisés. Le Champignon isolé ne produit lui-même que quelques précurseurs. Par suite, on admet que l’Algue est nécessaire à la synthèse des substances lichéniques, mais on ignore si elle intervient directement ou indirectement. La production de ces substances est un caractère génétique, indépendant des facteurs extérieurs. C’est pourquoi leur mise en évidence et leur identification sont largement utilisées en systématique. Certaines se colorent vivement sous l’action de réactifs simples : potasse, hypochlorite, paraphénylène.