Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

leucémie (suite)

• Le peau. Outre les manifestations cutanées non spécifiques parfois surinfectées, il faut signaler la possibilité d’infiltrats leucémiques. Ce sont le plus souvent des nodules disséminés, d’une taille variant d’une tête d’aiguille à celle d’un pois, parfois de véritables tumeurs volumineuses, de coloration rosée ou rouge, développées dans l’épaisseur du derme, de consistance ferme, bicolores (R. Degos) ; leur nombre est variable ; peu nombreuses, elles siègent alors volontiers à la racine des membres, sur le tronc, dans le cuir chevelu ou dans les paumes. Dans certains cas, ces lésions sont très nombreuses et disséminées sur tout le corps.

À côté de ces lésions dermiques, il faut signaler la possibilité de lésions sous-cutanées spécifiques, lésions nodulaires, de petite taille, qui se rencontrent alors, mais rarement dans la leucémie aiguë lymphoblastique, surtout lors des rechutes localisées.

• Autres localisations leucémiques.
Parmi les autres localisations leucémiques, l’hypertrophie gingivale, l’atteinte testiculaire et les manifestations nerveuses méritent de retenir l’attention.

L’hypertrophie gingivale se voit dans les formes myéloblastiques et monocytaires de la maladie. Le gonflement testiculaire uni- et bilatéral n’est pas rare ; il peut apparaître isolément au cours d’une rémission hématologique apparemment complète et doit être systématiquement recherché.

L’atteinte du système nerveux est rarement précoce. Cependant, dans les formes surtout myéloblastiques et hyperleucocytaires, une paralysie périphérique isolée du nerf facial (VII) en particulier, voire une hémorragie cérébro-méningée peuvent être associées à des localisations nodulaires intracérébrales.

Enfin, d’autres localisations sont possibles : cardiaque, péricardique, amygdalienne, appendiculaire. Dans la leucémie lymphoblastique, l’augmentation de volume des amygdales peut être suffisamment importante pour amener le malade à consulter pour cette seule raison. Si l’on procède à une amygdalectomie en croyant à une amygdalite isolée, l’intervention pourra donner lieu à une hémorragie importante, ce qui attirera l’attention sur l’existence d’un trouble hématologique.

L’infiltration appendiculaire peut provoquer un syndrome abdominal initial qui conduira dans un premier temps à une intervention chirurgicale avec le diagnostic d’appendicite aiguë banale.


Diverses formes cliniques des leucémies

• Formes selon les syndromes cliniques
Les troubles sont diversement assemblés. Il est possible de distinguer trois aspects cliniques principaux (J. Bernard) : formes complètes, formes incomplètes et formes frustes.

• Formes complètes. Le malade est pâle, d’une pâleur de linge, profondément adynamique (sans forces), mais lucide, hautement fébrile, douloureux, et ses mouvements sont entravés par la souffrance. Son cou est déformé par les ganglions. Le sang coule des narines et des gencives parfois tuméfiées, souvent ulcérées comme aussi les muqueuses buccales. Un purpura profus couvre les téguments. La rate est grosse. Le diagnostic clinique est presque évident.

Formes incomplètes. Ces formes sont mono- ou bisyndromatiques. Les formes anémiques sont les plus fréquentes, en particulier l’anémie isolée, qui, lorsqu’elle est progressive, rebelle aux thérapeutiques, fait toujours redouter la leucémie aiguë.
1. Les formes douloureuses exposent à de fâcheuses confusions lorsque le syndrome douloureux est isolé. Tantôt le diagnostic de maladie de Bouillaud (rhumatisme articulaire aigu) est porté, et la rémission induite par la cortisone peut prolonger l’erreur. Tantôt l’ostéomyélite est évoquée, et la trépanation de l’os envisagée ; dans deux de nos cas, c’est cette trépanation et l’examen de la substance médullaire retirée qui permit le diagnostic exact. Tantôt on croit à une simple entorse, aux suites d’un léger traumatisme. Ailleurs, d’autres affections sont supposées : tumeur blanche du genou, rhumatisme de Still, poliomyélite aiguë, acrodynie.
2. Les formes hémorragiques sont de trois sortes :
a) grand syndrome hémorragique avec épistaxis répétées, intarissables, gingivorragies, hématurie, hémorragies intestinales, métrorragies, purpura (leucémies aiguës à promyélocytes) ;
b) purpura accompagné d’épistaxis modérée (on a d’abord espéré le diagnostic de thrombopénie idiopathique) ;
c) hémorragies localisées qui peuvent un temps faire erreur, telles les hématuries isolées (sang dans les urines) et parfois récidivantes, les métrorragies (hémorragies gynécologiques).
3. Les formes ganglionnaires sont le plus souvent polyganglionnaires (ce sont les cas où l’on discute les syndromes mononucléosiques, puis, lorsque la leucémie est certaine, sa nature aiguë ou chronique) et parfois monoganglionnaires (forme cervicale, axillaire, inguinale ou médiastinale).
4. Les formes splénomégaliques pures, les formes hépatomégaliques (dans deux cas récents, un cancer du foie avait été diagnostiqué), les formes hépatosplénomégaliques existent.
5. Toutes ces formes incomplètes sont en somme caractérisées par la présence d’un ou deux des syndromes essentiels du tableau complet, ces syndromes étant francs et typiques.

• Formes frustes. Mais souvent les aspects cliniques sont beaucoup moins nets. La fatigue, la fièvre légère, la mine mauvaise suscitent de nombreuses explications, et, selon l’âge du malade, l’orientation du médecin, les modes médicales, on évoque tour à tour infections adénoidïennes, troubles dus à la croissance, colite, invasion tuberculeuse. Une analyse attentive permet, même dans ces formes frustes, de retrouver — atténués mais présents — les signes vrais de la leucémie : la pâleur, une épistaxis non expliquée, quelques taches purpuriques qu’on avait attribuées à un choc ou à des parasites, une petite adénopathie cervicale facilement qualifiée de banale, des douleurs osseuses qui ne sont pas des douleurs de croissance, et l’on attendra dès lors avec une très grande inquiétude les résultats de l’étude hématologique.