Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lens (suite)

La situation est donc déjà satisfaisante. Cinq zones industrielles attirent des usines nouvelles. À Lens même, Firestone produit des câbles pour pneus ; à Hénin-Beaumont se sont implantés une usine de transformation de plastique (Quillery) et deux établissements textiles venus de Roubaix-Tourcoing (déjà plus de 700 emplois en 1972). La région de Lens ne possède pas ces grosses usines automobiles établies dans les autres secteurs houillers, mais, en fait, la Française de mécanique Renault-Peugeot, qui représente environ 7 000 emplois, est installée à Douvrin, mais fait venir une partie de sa main-d’œuvre de Lens. C’est donc surtout la métallurgie de transformation qui se développe actuellement, suivie par le textile et l’habillement, tandis que la chimie recule.

On doit, dans l’avenir, renforcer les fonctions de rayonnement et de services, et densifier une agglomération allongée d’ouest en est (Liévin, Lens, Hénin-Beaumont, encadrée par les quatre autoroutes. Dans l’aménagement proposé pour le Nord, cette agglomération s’insère dans l’aire urbaine centrale (l’ancien bassin houiller y étant représenté par les agglomérations de Béthune, de Lens et de Douai), et l’on a proposé de donner la prééminence à Lens, ville centrale.

L’histoire

Lens était au xie s. la capitale d’un comté qui appartenait au père de Godefroi de Bouillon. À la fin du xiie s., la ville fut apportée en dot au roi de France Philippe Auguste par sa première femme, Isabelle de Hainaut, fille du comte Baudouin V. Elle fut réunie à la Couronne en 1192 et bientôt dotée d’une charte.

Au début du xiiie s., un disciple de saint François d’Assise, saint Pacifique, y fondait le premier couvent de Mendiants établi en Flandre. Située sur la frontière nord de la France, la ville fut âprement disputée du xve au xviie s. par les Flamands, les Bourguignons, les Français et les Espagnols, au pouvoir desquels elle tomba successivement.

Durant la guerre de Trente Ans, l’archiduc Léopold d’Autriche, gouverneur général des Pays-Bas, s’en était emparé au moment où s’engageaient des pourparlers qui devaient conduire à la paix de Westphalie. Mais le 20 août 1648, à la veille de la révolte parisienne de la Fronde, le prince de Condé remportait à Lens une victoire décisive sur les Impériaux, et l’empereur n’avait plus qu’à signer la paix. La ville fut cédée définitivement à la France par le traité des Pyrénées en 1659 et devint alors un chef-lieu de bailliage.

Elle fut occupée durant presque toute la durée de la Première Guerre mondiale par les troupes allemandes, qui ne l’évacuèrent qu’en octobre 1918. Elle fut démolie presque entièrement, et ses installations minières furent systématiquement détruites. Elle fut remise en état après la guerre, et la production de charbon put reprendre en 1921. En 1944, Lens a de nouveau souffert des bombardements.

P. R.

A. G.

➙ Nord-Pas-de-Calais (Région du) / Pas-de-Calais.

Lenz (Jakob Michael Reinhold)

Dramaturge allemand (Sesswegen, Livonie, 1751 - Moscou 1792).


Élevé par son père, qui était pasteur, Lenz, dès l’âge de quinze ans, faisait jouer une comédie et composait, à la manière de Klopstock, un grand poème sur la mort du Christ. Quand il fut envoyé à Könisberg, c’était pour y étudier la théologie. Bien que profondément religieux et enclin au mysticisme, il s’en détourna pour lire Rousseau et écouter les leçons de Kant, en même temps qu’il découvrait Shakespeare. Celui-ci devait si bien demeurer son modèle que les Remarques sur le théâtre, publiées par Lenz en 1774, pourraient se résumer en peu de mots : Shakespeare, rien que Shakespeare !

Quand Lenz, venu dans la suite d’un noble prussien, rencontra Goethe à Strasbourg en 1771, ce fut une autre révélation, et qui s’accordait assez bien avec Shakespeare. La nature enthousiaste de Lenz ne pouvait concevoir qu’une admiration passionnée : Goethe devint en tout son modèle ; il fut pour lui l’exemple du génie créateur, qui fascine et qui montre la voie.

Entre 1771, où les deux hommes se rencontrèrent, et 1776, où Lenz, qui avait suivi Goethe et le poursuivait, dut quitter le duché de Weimar, s’étendent les années fécondes, violentes et enthousiastes du « temps des génies » : Lenz fut l’un d’eux et peut-être le plus représentatif par ses dons, par les exigences et les ambitions d’une âme inquiète, par les œuvres qu’il donna aussi en quelques années, brûlé par une flamme dont il fut bientôt la victime, quand il connut de graves troubles psychiques. Sensible dès sa jeunesse aux injustices sociales, à l’hypocrisie et à la convention, soucieux d’émouvoir les princes en même temps que de jeter au public des tableaux criants de tout ce qui devrait révolter le cœur des hommes, méprisant les règles ordinaires du théâtre pour dire plus haut son indignation, pour montrer le malheur des faibles et l’indifférence des forts, il a été, par excellence, cet artiste créateur spontané et violent, capable de jurer et de pleurer en un même moment, furieux et attendri à la fois, qu’on appelait alors un génie. Il sut se faire entendre, mais pas assez à son gré, et il ne put supporter de patienter ou de louvoyer. Il se heurta à ceux qui avaient mieux réussi : en face du « génie » heureusement discipliné de Goethe, il devait échouer et s’enfoncer dans un divorce du cœur et du monde, attiré par l’abîme d’une sensibilité destructrice.

Durant les quelques années où le culte du génie rassembla, dans la vallée du Rhin en particulier, la génération de Goethe et de lui-même, il connut un temps de production intense : en 1774, Remarques sur le théâtre (Anmerkungen übers Theater), le Précepteur, comédie (Der Hofmeister, eine Komödie), Comédies, traduites de Plaute, enfin le Nouveau Menoza (Der neue Menoza) ; en 1776, Les amis font le philosophe (Die Freunde machen den Philosophen), comédie, et les Soldats (Die Soldaten), comédie. C’est encore de ces années que datent les principaux manuscrits qui devaient être édités après sa mort, en particulier une satire littéraire intitulée Pandaemonium Germanicum.