Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Leningrad (suite)

Leningrad est devenue non seulement la capitale de la province (oblast) qui porte son nom, mais aussi celle de la « grande région économique » dite « du Nord-Ouest », qui s’étend jusqu’aux rivages de la mer Blanche et de la mer de Barents à l’Oural. À ce titre, elle rassemble les organismes chargés de l’exploitation des régions nordiques : administrations des ressources minières de la péninsule de Kola et des régions de la Petchora, laboratoires de recherche pour les expéditions polaires et la « route maritime du Nord ». Elle commande donc une région très dynamique, dont la population est passée de 10 865 000 à 12 160 000 habitants de 1959 à 1970.


La fenêtre sur l’Occident

Dans une position périphérique par rapport à la vieille Russie, la ville — maritime et opposée à la terrienne Moscou — est demeurée un grand port : les installations s’étendent au débouché de la Grande Neva sur le fond du golfe de Finlande, à la fois sur l’île de Goutouïev et sur celle de Vassiliev, dont les prospekt, anciennes laies forestières, orthogonales, s’ordonnent en fonction des quais. Le port militaire s’est maintenu, en particulier sur l’île de Kronchtadt. Le port de commerce, sur l’activité duquel manquent les statistiques, a peut-être enregistré une diminution de sa part relative dans le commerce maritime de l’U. R. S. S. depuis la Seconde Guerre mondiale ; le trafic, qui doit dépasser 10 Mt, est composé surtout de bois et de minerais destinés à l’exportation. Le port de voyageurs est devenu une escale importante des croisières de plus en plus nombreuses organisées par les pays occidentaux.

La ville reste, beaucoup plus que Moscou, plus que les autres ports de l’Union, largement ouverte vers l’Europe occidentale. Les mœurs et les techniques de l’Europe furent introduites en Russie par Saint-Pétersbourg. De nombreuses denrées finlandaises importées sont vendues dans les boutiques de la ville. Les étrangers, hommes d’affaires ou touristes, y viennent nombreux. Leningrad a été choisie comme capitale mondiale du mouvement des villes jumelées (elle est jumelée à vingt-cinq autres villes, dont les ports d’Anvers et du Havre). Des congrès et des colloques internationaux s’y tiennent fréquemment. Ainsi apparaît-elle comme une ville plus dynamique, plus ouverte que Moscou. Elle préfigure l’évolution de l’ensemble de l’Union. La culture, la mode (il y a une maison de haute couture), la qualité de la vie y sont plus imprégnées du reste de l’Europe qu’à Moscou. Le taux de motorisation y est plus élevé.

Ainsi Leningrad est-elle la plus extérieure, la plus étrangère des villes russes ; seule, sans doute, Odessa peut lui être comparée.


Le dernier demi-siècle

Saint-Pétersbourg fut la ville de la Révolution précisément parce qu’elle était la ville de la Cour et la ville en rapport avec l’Europe. Des sociétés occidentales y avaient investi des capitaux, implanté des usines, et des compagnies bancaires et d’assurances y avaient établi leur siège. Une classe ouvrière naissante, mais consciente de sa force, bien organisée s’y était développée. La ville connut le « Dimanche rouge » de 1905, et les révolutions de Février et d’Octobre 1917 y éclatèrent. C’est à la gare de Finlande que débarquèrent Lénine et ses compagnons. On suit dans la ville contemporaine toutes les traces, tous les hauts lieux de la révolution bolchevique, pieusement conservés ou transformés en musées : l’Institut Smolnyï, le croiseur Aurore, l’automitrailleuse de marque Renault qui transporta Lénine...

Devenue Petrograd en 1914, Leningrad en 1924 et demeurée la capitale de la Révolution, la ville a dû céder à Moscou, plus centrale, moins exposée, le titre de capitale. Sa population l’emportait encore en 1917 sur celle de sa rivale (2 200 000 hab. contre 1 800 000), mais cette dernière, attirant par ses industries et ses nouvelles fonctions la population rurale des environs, dépassa Leningrad pendant les années 20. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Leningrad comptait 3 200 000 habitants, 800 000 de moins que la capitale.

Or, la ville a beaucoup plus souffert de la guerre que Moscou. Durant le siège allemand et finlandais, qui dura 900 jours, la population de Leningrad, bombardée sans cesse par l’artillerie ennemie, et coupée du ravitaillement extérieur, qui s’opérait dans des conditions précaires sur le lac Ladoga gelé, a compté plus d’un demi-million de personnes mortes de froid ou de famine. À la libération, en 1944, l’agglomération avait perdu plus d’un million d’habitants et n’a tout juste retrouvé son niveau d’avant guerre qu’au recensement de 1959. Plus du tiers des maisons (10 000 avaient été détruites ou sévèrement endommagées. Le haut lieu de Piskarev, où sont ensevelies les victimes et qui est devenu un musée des souffrances de la ville, exprime tout le martyre des habitants. Une population nouvelle, plus jeune, est venue habiter la ville, et l’on considère qu’il ne reste plus que le quart des anciens habitants ou de leurs descendants. Mais les nouveaux venus se sont fondus dans la population ancienne, et la ville n’a rien perdu de son esprit traditionnel.


La fonction industrielle

Les industries sont d’abord liées à la fonction portuaire. Le chantier de constructions navales Ordjonikidze est un des plus actifs d’U. R. S. S. Il construit des cargos, des bateaux de pèche et des pétroliers de petit et moyen tonnage, mais aussi de gros chalutiers et des « usines flottantes » qui parcourent les océans sans relâcher dans les ports soviétiques. Il a lancé le premier brise-glace à propulsion nucléaire, le Lénine, employé pour ouvrir le chenal aux convois de la « route maritime du Nord ».

D’autres industries sont liées au trafic portuaire. Ainsi, le quartier du port commercial est le centre des industries travaillant le bois (meubles, cellulose), dont une partie arrive par voie de mer, l’autre par les lacs et la Neva ; les produits élaborés sont en partie exportés vers l’étranger.

Les matières premières de la presqu’île de Kola alimentent les industries de transformation de la partie septentrionale de l’agglomération. Ainsi, les apatites de Khibiny alimentent le combinat Nevski, qui fabrique des superphosphates, et la néphéline une usine d’aluminium.