Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

législative (Assemblée) (suite)

Le 11 juillet, l’Assemblée proclame : « Citoyens, la patrie est en danger, que ceux qui vont obtenir l’honneur de marcher les premiers pour défendre ce qu’ils ont de plus cher se souviennent toujours qu’ils sont français et libres. » Une levée de 50 000 hommes est décrétée ; elle viendra combler les vides de l’armée de ligne ; quarante-deux nouveaux bataillons de volontaires sont, dans le même temps, demandés aux départements ; ils accroîtront les forces françaises de plus de 30 000 hommes. Malgré l’interdiction du roi, les fédérés affluent vers Paris. Les Marseillais y sont entrés on chantant l’hymne composé par Rouget de Lisle pour l’armée du Rhin. La Marseillaise traduit bien cette volonté défensive et punitive qui anime les patriotes contre les aristocrates et leurs satellites.

Les « citoyens actifs » des sections de Paris font place aux « citoyens passifs », qui réclamaient leur droit civique. Ainsi, la section du Théâtre-Français — celle de Danton* — déclare hautement la répugnance de ses membres pour leur ancien privilège et « appelle tous les hommes français qui ont un domicile quelconque dans l’étendue de la section ».

Tandis que les sections et les fédérés réclament la déchéance du roi et la réunion d’une convention chargée de donner une nouvelle constitution à la France, les Girondins prennent peur du mouvement populaire et de son contenu social. Ils se rapprochent secrètement du roi, trop content de voir ainsi confirmer ses idées : les meneurs subjugués, la « canaille » rentrera dans l’obéissance. Mais le roi attend son salut des armées étrangères que commande le duc de Brunswick (1735-1806). Celui-ci signe un manifeste qu’un émigré a rédigé. Il déclare que, « s’il est fait la moindre violence, le moindre outrage à leurs Majestés, le roi, la reine, et la famille royale [...], Paris sera livré à une exécution militaire et à une subversion totale ».

Le manifeste est connu le 1er août. C’est la preuve de la collusion de la Cour, des émigrés et des étrangers. C’est de nouveau la menace d’une Saint-Barthélemy des patriotes. Le roi en a les moyens. Aux Tuileries, il dispose de près de 4 000 hommes et il espère en rassembler le double. Il y a là, certes, des gardes nationaux et des gendarmes dont la fidélité est peu assurée, mais il y a aussi des Suisses et des gentilshommes. Dans la ville même, un agent du roi, Collenot d’Angremont, achète des hommes de main. Il faut que l’Assemblée déclare le roi déchu de ses droits. Les sections sont d’accord sur ce point. La forcera-t-on à le faire les armes à la main ? Les sections modérées du Centre et de l’Ouest hésitent à souscrire à l’ultimatum lancé à l’Assemblée par les plus avancées : que l’Assemblée agisse avant le 9 août au soir ou bien le peuple se lèvera pour se défendre.

Le délai écoulé, les sections distribuent dans la nuit les armes à leurs citoyens et aux fédérés. Une Commune insurrectionnelle organisée par elles prend la place de la Commune légale. Au matin, les sans-culottes des faubourgs et les fédérés se mettent en marche vers les Tuileries.

Ceux qui viennent du faubourg Saint-Antoine sont conduits par un riche brasseur, A. J. Santerre (1752-1809), qui vient d’être nommé chef de la garde nationale par la Commune insurrectionnelle. Celui-ci doit, par le quai et la rue Saint-Antoine, rejoindre les sans-culottes du faubourg Saint-Marcel et des Cordeliers à hauteur du Pont-Neuf et investir les Tuileries. Le plan se réalise grâce à la défection des gardes nationaux chargés de défendre le pont Saint-Michel et le Pont-Neuf.

Quand les premiers assaillants parviennent au Carrousel, ils aperçoivent la cour du château remplie de canons et de canonniers de la garde nationale. Ils répugnent à tirer sur des citoyens. Ces derniers vont se rallier aux insurgés. Louis XVI a passé en revue les gardes nationaux : un seul bataillon a crié « Vive le roi » ; les autres, qui ont répondu « Vive la nation », commencent à déserter leur poste. Tandis que la famille royale gagne la salle proche où délibère l’Assemblée, les Suisses et les gentilshommes s’apprêtent à combattre, car le roi n’a pas donné l’ordre d’éviter l’affrontement. Vers 9 heures, les sans-culottes du faubourg Saint-Antoine étant presque arrivés au château, les portes de la cour sont forcées, et l’on fraternise avec les gardes. C’est alors qu’une fusillade partie des fenêtres du château couche à terre des dizaines d’hommes. Les Suisses manœuvrent les canons et balayent la cour. Les Brestois et les Marseillais contiennent leur avance et permettent aux canonniers du faubourg Saint-Antoine, qui arrivent, de répondre coup pour coup. Il y a 376 morts ou blessés parmi les révolutionnaires. Cette hécatombe grandit en eux le désir de vengeance contre les traîtres qui les ont attirés dans la cour pour mieux les fusiller. Les Suisses, qui ont reçu l’ordre du roi d’arrêter le combat, sont massacrés. À 13 h 30, le château est aux mains des sans-culottes, qui dictent leur volonté à l’Assemblée. Celle-ci suspend et incarcère le roi et sa famille, puis accepte de laisser la place à une Convention nationale élue par tous les Français. La révolution de l’Égalité s’ajoute à celle de la Liberté.


Terroriser les ennemis de la Révolution (du 10 août à Valmy)

Il y a désormais trois pouvoirs : l’Assemblée législative, qui siège jusqu’à la réunion de la Convention ; le Conseil exécutif, qu’elle nomme pour remplacer le roi ; la Commune insurrectionnelle.

Le premier et le dernier de ces pouvoirs entrent très vite en conflit ; à l’arrière-plan de la lutte, il y a le combat entre la haute bourgeoisie, représentée par les Girondins, et les sans-culottes. Au Conseil exécutif, le plus éminent des six membres est Danton, ministre de la Justice. Il s’exerce à l’arbitrage, mais, mieux qu’aucun autre, durant cette période, il sent les aspirations populaires, et son éloquence les traduit naturellement ; en cette fin de l’année 1792, il va incarner la France révolutionnaire.