Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

législative (Assemblée) (suite)

Enfin il y a la section ; division électorale, elle est lieu de rencontre des citoyens ; le pauvre, qui était écarté, va de plus en plus la pénétrer et en faire le poste de garde du patriotisme avancé. Que veut-il ? D’abord que les siens et lui-même puissent vivre. Il faut donc réglementer le commerce et taxer les produits de première nécessité. Humble propriétaire d’une échoppe ou compagnon fier de la pratique acquise dans son travail, il se glorifie de porter le pantalon et non la culotte des ci-devant ; tous ces hommes ont en commun la haine de l’aristocratie, aussi bien celle de la naissance que celle de l’argent. Pour l’éliminer du monde nouveau qu’ils croient né avec 1789, ils veulent la guerre. Guerre au-dedans et guerre au-dehors, car l’aristocratie ne connaît pas les frontières et, de royaume à royaume, ne forme qu’une seule famille.

La guerre, qui placera chaque Français dans un camp ou dans un autre et séparera le bon du « mauvais » citoyen, est souhaitée par l’ensemble du corps social et de ses représentants. Il y a d’abord la bourgeoisie girondine, qui, par la bouche d’Isnard, en novembre 1791, s’écrie : « Disons au roi que son intérêt est de défendre la Constitution, que sa couronne tient à ce palladium sacré ; qu’il ne règne que par le peuple et pour le peuple ; que la nation est son souverain, et qu’il est sujet de la loi. Disons à l’Europe que, si les cabinets engagent les rois dans une guerre contre les peuples, nous engagerons les peuples dans une guerre contre les rois. »

La guerre, si elle est affaire de profit pour la clientèle électorale de la Gironde, aura aussi le mérite de clarifier la situation : le roi choisira entre la seule aristocratie ou la patrie.

Le roi n’a pas à choisir, il est aristocrate. Il veut, lui aussi, la guerre. Comme ses frères, il est convaincu que ses sujets sont égarés et qu’il suffira de la menace étrangère pour qu’ils recherchent de nouveau sa protection et acceptent son autorité. Une voix isolée s’élève contre la guerre : c’est celle de Robespierre ; il craint qu’un général ambitieux ne se serve de son armée pour prendre le pouvoir ; il pense à La Fayette.

Assuré de voir les Girondins poursuivre leur politique belliqueuse contre le nouvel Empereur, François II, Louis XVI appelle J. M. Roland de La Platière (1734-1793) et E. Clavière (1735-1793) à former un ministère. Le 20 avril, la guerre est déclarée. Comme on désire ne pas mettre en cause les peuples du Saint-Empire, elle est faite au « roi de Bohême et de Hongrie ». À l’Autriche va venir se joindre la Prusse.

Dans moins de quatre mois, cette lutte entre les citoyens français et l’aristocratie produira la chute de la monarchie.


Défendre et élargir la Révolution (20 avr. - 10 août 1792)

Partout, il n’y a très vite que la trahison. Les officiers nobles continuent à abandonner leur drapeau pour se joindre aux forces contre-révolutionnaires. Certains régiments de l’armée de ligne, qui ont un noyau plus important de soldats étrangers, passent avec armes et bagages du côté de l’ennemi. Dans la troupe la mieux encadrée, la suspicion s’installe et engendre vite la panique. Une colonne de soldats en marche sur Tournai croit ainsi avoir été donnée à l’adversaire ; elle se débande et assassine son chef, le général Dillon (29 avr.).

Ceux qui commettent de tels actes ne sont pas toujours les volontaires tirés, en 1791, de la garde bourgeoise et que l’on dit sans discipline et sans valeur. Ce sont les soldats des anciens régiments qui sont la proie de ces terreurs sans fondement. Mais le sont-elles totalement ? La Fayette n’est-il pas en pourparlers avec le camp opposé ? L’offensive n’est-elle pas par cela même arrêtée ? Marat dénonce toutes ces perfidies.

La bourgeoisie girondine essaye en vain de parvenir à une entente avec le général. Elle se résout à prendre des mesures révolutionnaires que l’Ami du peuple réclame de concert avec Robespierre. Le 27 mai, un décret punit de déportation tout prêtre réfractaire dont la conduite est dénoncée par vingt citoyens actifs. Le 29 mai, un autre décret licencie la garde constitutionnelle du roi ; on regarde celle-ci comme une cohorte de « chevaliers du poignard » prêts à attaquer les faubourgs. Enfin, le 8 juin, la levée de 20 000 fédérés est décrétée. Ceux-ci viendront de tous les départements participer à la commémoration de la fête de la Fédération, mais ils serviront aussi à défendre Paris. Si Louis XVI accepte de se priver de sa garde, il oppose son veto aux autres mesures. Les ministres girondins entrent en conflit avec lui. Le roi les renvoie (13 juin) et appelle des Feuillants pour les remplacer. La Fayette menace de venir avec sa troupe disperser les factieux, c’est-à-dire les Jacobins et les sans-culottes.

Face à la menace contre-révolutionnaire, le peuple est décidé à se défendre ; à contrecœur, les Girondins l’utilisent pour intimider le roi. Le jour anniversaire du serment du Jeu de paume et de la fuite à Varennes, le 20 juin, des milliers de sans-culottes vont de l’Assemblée aux Tuileries.

« Vive la nation ! Vivent les sans-culottes ! À bas Monsieur Veto ! À bas Madame Veto ! » Les troupes chargées de la garde du château poussent elles-mêmes ces cris séditieux et n’opposent aucune résistance à la poussée populaire. La foule pénètre jusqu’au roi. Le boucher Louis Legendre (1752-1797) s’adresse à lui : « Monsieur, vous êtes fait pour nous écouter [...]. Vous êtes un perfide ; vous nous avez toujours trompés ; vous nous trompez encore [...]. Mais prenez garde à vous ; la mesure est à son comble ; le peuple est las de se voir votre jouet. » Le roi accepte de coiffer un bonnet rouge et de boire à la santé de la nation ; pour le reste, il s’en tient à ce que lui ordonnent les lois et la Constitution. Il maintient son veto. La journée révolutionnaire a échoué. Les sans-culottes veulent la recommencer. Dans le pays tout entier, d’autres patriotes se mobilisent pour obtenir la déchéance du roi et vaincre ses alliés étrangers.