Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Anjou (suite)

L’église de Cunault (xiie-début du xiiie s.) est également un édifice roman considérable, mais d’une autre esthétique. Sa nef aveugle, voûtée en berceau, est flanquée de deux bas-côtés compris sous le même toit. Ce type d’église-halle relève de l’école poitevine. De remarquables chapiteaux sculptés en calcaire tendre témoignent de la virtuosité des tailleurs de pierre.

Loin de se contenter de copier les régions voisines, l’Anjou allait démontrer une précocité rare. La naissance d’une école gothique nettement caractérisée dès les années 1140-1150 (en même temps que dans le domaine royal) est un phénomène capital. C’est la formule particulière du voûtement qui définit le style angevin. Tandis qu’en Île-de-France les clés de voûte des ogives sont au même niveau, le système architectonique angevin-plantagenêt imagine une voûte surhaussée, bombée en forme de dôme, où la clé centrale des arcs diagonaux est beaucoup plus élevée que les clés des arcs latéraux (formerets et doubleaux). Ce parti semble une adaptation ingénieuse des coupoles d’Aquitaine aux nervures gothiques. Après les premiers essais robustes de la nef unique de la cathédrale d’Angers*, la voûte, en multipliant les nervures, acquiert à la fin du xiie s. une légèreté inconnue ailleurs. On peut en juger par le chœur de la même cathédrale, ainsi que par les nefs de Saint-Pierre et de Saint-Jean à Saumur*. Au Puy-Notre-Dame, prieuré bénédictin dépendant de Montierneuf de Poitiers*, l’élévation des trois nefs égales se rattache à la cathédrale de Poitiers, mais le compartimentage de la voûte surhaussée est typiquement angevin. Les chefs-d’œuvre que sont la grande salle de l’hôpital Saint-Jean à Angers, le chœur de Saint-Serge et l’ancienne abbatiale de Cizay-la-Madeleine atteignent à la perfection structurale et décorative. Le gothique anglais s’en inspirera largement.

Jusqu’à la fin du xve s., la quête chimérique de la lumière méditerranéenne, de Naples et de la Sicile, va obséder tous les souverains d’Anjou. Leur château d’Angers leur paraissait-il trop sévère ? Construit par Saint Louis, c’est un des plus importants ensembles fortifiés de France, aux tours découronnées par la Révolution. Le duc Louis Ier, frère de Charles V, qui commanda la célèbre tenture de l’Apocalypse, fit rebâtir le château de Saumur pour rivaliser avec son autre frère, le duc Jean de Berry*. Ce sont d’ailleurs les miniatures des Très Riches Heures du duc de Berry qui nous montrent l’image féerique des superstructures de ce château-palais, parées de clochetons et de girouettes dorées aujourd’hui disparus. Les quatre angles de la forteresse sont flanqués de tours rondes à la base, passant à l’octogone et renforcés de contreforts portant les mâchicoulis. Bâti un demi-siècle plus tard, vers 1450, le château de Montsoreau a encore un aspect essentiellement défensif.

Avec le roi René, dernier souverain d’Anjou, se répand la mode des petits manoirs (Baugé, La Ménitré, Coudray-Montbault), simples maisons de campagne, agrémentées parfois d’un décor peint de chasse et d’oiseaux (Le Belligan à Saint-Gemmes) ou à thèmes religieux (Pimpéan et La Sorinière). Il y a aussi de grandes demeures comme Durtal ou Montreuil-Bellay. Celle-ci, rebâtie au xve s. sur un site stratégique choisi par Foulques Nerra, juxtapose Château-Vieux, Petit-Château et Château-Neuf, qui permettent de suivre l’évolution de l’art militaire.

Le château de Plessis-Bourré, construit à partir de 1468 par Jean Bourré, secrétaire d’État aux Finances de Louis XI et de Charles VIII, est d’un intérêt tout particulier. Il s’agit d’une forteresse de plaine, de plan quadrangulaire avec tours d’angle baignant dans des douves. Innovation marquante : l’abaissement des deux ailes latérales permet d’aérer le logis principal, au fond de la cour avec son donjon. Cette conception tellement heureuse fera fortune et constitue le prototype des châteaux de plaisance du xvie s., comme, en Anjou même, le Lude ou Boumois.

La Renaissance a donc une dette envers l’Anjou ; mais, désormais, la Touraine* donne le ton. Le château de la Ville-au-Fourrier, à Vernoil, est modifié de façon rustique sur le modèle d’Azay-le-Rideau. Celui de Serrant, après 1546, évoque Valençay par la grandeur de ses proportions et par ses dômes à l’impériale. Brissac mêle avec une dissymétrie savoureuse les tours rondes de Pierre de Brézé, secrétaire d’État de Charles VII, et un pavillon de cinq étages style Henri IV, resté inachevé (1606).

L’époque Louis XIV édifiera le magnifique dôme de Notre-Dame-des-Ardilliers à Saumur. Au xviiie s., trois châteaux classiques sont en Anjou les jalons de l’art officiel de la capitale. Ils achèvent de faire de cette province l’ultime étape des châteaux de la Loire. Échuilly, parfait exemple du style Louis XV, est composé en 1730 avec une aisance et une harmonie qui manquent à Montgeoffroy (1775), dessiné par le Parisien Barré et rempli des souvenirs du maréchal de Contades. Aux portes d’Angers, Pignerolle sera un délicieux trianon angevin, conçu, aux dernières années de Marie-Antoinette, par un élève de Gabriel : ce Bardoul de La Bigottière y a presque égalé son maître.

F. E.

Ankara

Capitale de la Turquie, en Anatolie centrale.


Depuis environ un demi-siècle, Ankara s’est développée d’une manière spectaculaire, mais artificielle, liée au repli de la Turquie nouvelle sur l’Anatolie après la dislocation de l’Empire ottoman. À partir d’une modeste et traditionnelle ville provinciale, s’est constitué un organisme urbain original éloigné de la structure islamique : le fait est nouveau et exceptionnel dans tout le Proche-Orient.


La ville ottomane traditionnelle

Ankara appartient à la famille des villes de bordure de la steppe centre-anatolienne, au contact des chaînes septentrionales. Son originalité est d’être située sur la route qui longe au nord la steppe, au point où s’en détachent les voies qui mènent vers la Cappadoce et les portes de Cilicie. La fortune de cette situation urbaine ne pouvait être due qu’à l’existence d’un pouvoir s’étendant à la fois sur l’Asie Mineure et le Levant, et permettant l’organisation d’un grand commerce, ce qui ne fut réalisé que par la paix romaine. Jusque-là simple étape sur la « route royale » de l’Empire perse, qui contournait au nord la steppe, la ville acquérait dès lors une fonction de carrefour.