Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

Kurdes

Peuple d’origine indo-aryenne, anciennement établi dans un vaste territoire montagneux au sein de l’Asie mineure.


Le territoire sur lequel vivent les Kurdes, le Kurdistān, est constitué par une vaste région montagneuse couvrant plus de 500 000 km2. Cette région forme un croissant qui va de la Turquie à l’Iran, en passant par la Syrie et l’Iraq. Elle comprend les massifs du Taurus et du Zagros, et le point culminant en est le célèbre mont Ararat (plus de 5 000 m). Bien qu’aucun recensement des Kurdes n’ait été fait dans les différents États où ceux-ci habitent, on peut évaluer leur nombre à environ 14 millions : de 7 à 8 millions en Turquie, plus de 2 millions en Iraq, près de 4 millions en Iran, environ 700 000 en Syrie. Il existe aussi une communauté kurde en U. R. S. S. qui comprend près de 100 000 personnes. Les anciennes structures tribales de ce peuple, à l’origine composé essentiellement de pasteurs transhumants, n’ont pas disparu entièrement, bien que la plupart des Kurdes soient, à l’heure actuelle, sédentarisés et qu’une partie d’entre eux vivent en milieu urbain.

Les Kurdes pratiquent l’islām : le plus grand nombre observe le rite sunnite, certains sont adeptes du rite chī‘ite, mais il existe parmi eux des sectes ésotériques dont certaines sont célèbres : les Yazīdī, les « adorateurs du diable », qui vivent pour la plupart dans le Kurdistān d’Iraq, et les Ahl-i Ḥaqq, les « fidèles de vérité », qui habitent surtout l’Iran.

À part le territoire commun, leur lien le plus fort consiste dans une langue commune. Le kurde se rattache au groupe nord-ouest des langues iraniennes, auxquelles appartiennent le persan et le pachto. Cette langue, surtout parlée, n’a jamais eu l’occasion de s’unifier et comprend un certain nombre de parlers locaux regroupés régionalement en dialectes, dont les principaux sont communément appelés kurmandjī, sorānī, kermānchāhī, etc.

La littérature kurde, surtout orale, mais également écrite, est considérable. Parmi les écrivains les plus connus se distinguent les anciens, tels Melayē Djezirī (1407-1481) et Ehmedī Khānī (1650-1706), Nālī (xixe s.), et les contemporains, comme Piremerd (1867-1950), Gorān (1904-1962), Ereb Chamo, etc. Un immense folklore, des épopées lyriques ou héroïques ont fait l’objet de multiples versions, des récits de tout genre que des dengbēj (bardes) ont chantés pendant des siècles. Pour écrire, les Kurdes utilisent de nombreux alphabets qui se rattachent à ceux des pays qu’ils habitent : latin monophonématique, arabe modifié et cyrillique.

Depuis la conquête arabe jusqu’au xixe s., ils ont constitué des principautés souvent florissantes, mais aucune ne réussit à s’imposer. La personnalité la plus connue de cette période est Ṣalāḥ al-Dīn al-Ayyūbī, le fameux Saladin*. À partir du xixe s. se développe un mouvement nationaliste qui fait partie de ceux qui, à la même époque, se manifestent parmi les nationalités musulmanes non turques de l’Empire ottoman. Il s’exprime par de nombreux soulèvements, dont le plus connu est celui d’‘Ubaydullāh de Nehrī.

Le traité de Sèvres (10 août 1920) reconnaît pour la première fois, sur le plan international, l’existence d’une nationalité kurde et décide l’établissement d’un État autonome kurde (art. 62-64). Lorsque, répudié par Mustafa Kemal, il est remplacé par celui de Lausanne (1923), il n’est plus question que des droits nationaux des Kurdes en Turquie et dans le vilayet de Mossoul.

La période entre les deux guerres mondiales comporte aussi un nombre important de soulèvements en Turquie, en Iraq et en Iran. Ces soulèvements ne sont pas coordonnés entre eux et sont sévèrement réprimés. Le 8 juillet 1937, la signature du pacte de Sa‘dābād confirme la volonté des trois pays de s’allier contre le mouvement national kurde.

Cependant, les événements de la Seconde Guerre mondiale et en particulier l’occupation de l’Iran par les puissances alliées aboutissent (1946) à la formation, dans ce pays, de la république de Marhābād, qui dure un an et est détruite par l’armée iranienne.

Mais c’est en Iraq que le mouvement national kurde se développe le plus. L’avènement de la république en 1958 est l’occasion de la reconnaissance des droits nationaux kurdes. Cependant, il faudra de longues années de guerre pour que ceux-ci soient effectivement reconnus. Le 11 mars 1970, des accords sont signés entre les autorités de Bagdad et les guérilleros kurdes ayant à leur tête Mullā Muṣṭafā al-Barzanī : ils prévoient une large autonomie pour les Kurdes. Cette première victoire du mouvement national kurde a des répercussions de plus en plus grandes en Iran et surtout en Turquie, encore que, dans ces pays, il se heurte à une opposition sévère.

J. B.

➙ Iraq.

 B. Nikitine, les Kurdes (Klincksieck, 1956). / J. Blau, le Problème kurde. Étude sociologique et historique (Bruxelles, 1963). / T. Bois, Connaissance des Kurdes (Beyrouth, 1963). / H. Arfa, The Kurds (Londres, 1966). / I. C. Vanly, le Kurdistan irakien, entité nationale. Étude de la révolution de 1961 (La Baconnière, Neuchâtel, 1970).

Kurosawa Akira

Metteur en scène de cinéma japonais (Tōkyō 1910).


Kurosawa Akira abandonne en 1936 la peinture pour se consacrer au cinéma (cette démarche sera la même que celle de son aîné Mizoguchi* Kenji). Il entre aux studios PCL (Photo Chemical Laboratories), qui, peu de temps après, seront absorbés par la puissante firme Tōhō. Assistant-réalisateur et scénariste, il travaille avec certains cinéastes de talent, comme Yamamoto Kajirō, notamment pour le Cheval (Uma, 1940). Il signe son premier film de metteur en scène en 1943 avec la Légende du Grand Judo (Sugata Sanshirō), que suivront le Plus Beau (Ichiban utsukushiku, 1944), la Nouvelle Légende du Grand Judo (Zoku Sugata Sanshirō, 1945), Sur la queue du tigre (Tora no o o fumu otoko-tachi, 1945), Ceux qui font l’avenir (Asu o tsukuru hitobito, 1946). Après Je ne regrette rien de ma jeunesse (Waga seishun ni kui nashi, 1946), Kurosawa Akira s’impose d’un coup à l’attention de ses contemporains en consacrant une trilogie au désarroi social et moral de l’après-guerre : Un merveilleux dimanche (Subarashiki nichiyōbi, 1947), l’Ange ivre (Yoidore tenshi, 1948), Chien enragé (Norainu, 1949). Le grand prix du festival de Venise de 1951, attribué à Rashōmon (1950), révèle au public occidental le cinéma japonais dans son ensemble, mais ce jidai-geki (film à sujet historique) pirandellien impose une image assez peu fidèle de l’ensemble de la production japonaise, qui, au cours des années 50, s’écarte progressivement des films-sabres pour aborder au contraire des sujets directement contemporains. Kurosawa parviendra difficilement à faire admettre au public étranger qu’il est l’un des plus brillants représentants d’un certain néo-réalisme combatif, car sa réputation « exotique » s’affermit encore avec le succès des Sept Samouraïs (Shichinin no samurai, 1954). Pourtant, il est incontestablement l’un des cinéastes les plus marqués par la culture occidentale : on le voit adapter successivement Dostoïevski (l’Idiot [Hakuchi, 1951]), Gorki (les Bas-Fonds [Donzoko, 1957]) et Shakespeare (le Château de l’araignée, ou le Trône de sang, ou Macbeth [Kumonosu-jō, 1957]). Humaniste inquiet, il n’hésite pas à aborder des sujets plus ou moins tabous, comme le problème du logement (Un merveilleux dimanche), l’irruption de la maladie (le cancer) dans la vie d’un petit fonctionnaire (Vivre [Ikiru, 1952]), la menace atomique (Vivre dans la peur [Ikimono no kiroku, 1955]), la corruption (Les salauds se portent bien [Warui yatsu hodo yoku nemuru, 1958]), le kidnapping et la drogue (Entre le ciel et l’enfer [Tengoku to jigoku, 1963]). Ses œuvres, où la tendresse et la violence la plus impitoyable alternent en des séquences toujours remarquablement maîtrisées, font largement appel à l’environnement social qui joue toujours le rôle d’arbitre entre le bien et le mal, le pardon et la vengeance. Ses films Scandale (Shūbun, 1950), la Forteresse cachée (Kakushi toride no san akunin, 1958), Yōjimbō (1961), Sanjuro (Tsubaki Sanjūrō, 1961), Barberousse (Akahige, 1965) et Dodes’ka-den (Dodesukaden, 1970) — ces trois derniers d’après des nouvelles de Yamamoto Shūgorō — ne le cèdent en rien sur le plan thématique et sur le plan formel à ses œuvres plus connues.