Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

King (Martin Luther) (suite)

Dès 1957, King réunit les pasteurs noirs du Sud dans une « Southern Christian Leadership Conference », qui inspire la plupart des sit-in de l’époque. Peu à peu, la Cour suprême impose l’ouverture à tous des piscines, des plages, des cafétérias, des églises. Le mouvement acquiert une force supplémentaire avec l’arrivée au pouvoir du président Kennedy*. King se dépense sans compter. En 1963, il mène une dure campagne contre la ségrégation à Birmingham, dans l’Alabama. En même temps, il organise une marche sur Washington pour pousser un Congrès réticent à voter la loi sur les droits civiques. S’adressant à plus de 200 000 personnes présentes et à des millions de téléspectateurs, il s’écrie : « J’ai encore un rêve. Mon rêve fait partie du rêve américain. Je rêve qu’un jour notre pays se décidera à appliquer véritablement ses principes, d’après lesquels nous tenons ces vérités pour évidentes que les hommes sont nés égaux. » Cette éloquence vibrante bouleverse un grand nombre d’Américains, et King atteint le sommet de sa popularité quand, en 1964, il reçoit le prix Nobel de la paix et que le président Johnson fait voter deux lois sur les droits civiques, qui posent les fondements de sa « Grande Société ».

Mais deux menaces pèsent sur le mouvement de la non-violence. La première vient de la communauté noire elle-même. L’émeute, qui éclate en 1965 dans le ghetto de Los Angeles à Watts et se propage en 1966-67 dans les autres ghettos, montre que la jeunesse noire veut tout obtenir tout de suite. Auprès des partisans du « Black Power », King a beau jouir d’un grand prestige, il ne fait pas moins figure d’apôtre du gradualisme et de la modération. Face aux violences, les libéraux blancs sont décontenancés, tandis que la majorité silencieuse adopte une attitude plus rigide à l’égard des Noirs.

La deuxième menace est liée à la guerre du Viêt-nam. Dès 1966, encore plus en 1967, King a manifesté son hostilité, parce que toute guerre est immorale, que celle-ci en particulier empêche la réalisation de la Grande Société et menace l’humanité d’un cataclysme nucléaire. Pour beaucoup de Blancs, King a cessé d’être rassurant ; il va trop loin. Sa lutte contre la pauvreté déclenche de violentes réactions, par exemple à Chicago en 1966. La bourgeoisie noire, de son côté, qui a toujours affiché son patriotisme, ne se reconnaît plus en King.

Néanmoins, King continue de combattre avec les mêmes méthodes. Au début de 1968, il prépare une deuxième marche sur Washington pour faire voter des mesures de lutte contre la pauvreté. Le 4 avril, il est à Memphis, dans le Tennessee, pour apporter son soutien aux éboueurs, tous Noirs, qui sont en grève. Il est assassiné sur le balcon de son hôtel par James Earl Ray, qui n’a peut-être été qu’un tueur à gages stipendié par une organisation de droite.

Dès que l’on apprend dans les ghettos l’assassinat de King, des émeutes se déclenchent, dernière preuve de sa popularité personnelle et de la faible influence de sa doctrine.

A. K.

➙ Noirs des États-Unis (les).

 L. Bennett, What Manner of Man ; a Biography of Martin Luther King (Chicago, 1964 ; trad. fr. l’Homme d’Atlanta, Martin Luther King, Casterman, 1966). / C. Fohlen, les Noirs aux États-Unis (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1965 ; 3e éd., 1969). / C. S. King, My Life with Martin Luther King (New York, 1969 ; trad. fr. Ma vie avec Martin Luther King, Stock, 1970). / D. L. Lewis, King. A Critical Biography (New York, 1970). / G. Gaudrault, l’Engagement de l’Église dans la révolution d’après M. L. King (Éd. du Cerf, 1971).

Kinoshita Junji

Dramaturge et essayiste japonais (Tōkyō 1914).


Il est toujours très difficile de porter un jugement sur un auteur en pleine activité. Nous nous limiterons donc ici aux premières œuvres de Kinoshita qui, par le rôle décisif qu’elles ont joué dans le renouvellement du théâtre japonais contemporain, par la synthèse harmonieuse de la tradition nationale et des techniques occidentales qu’elles réalisaient au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, peuvent d’ores et déjà être tenues pour des modèles d’un classicisme de l’avenir. Cela avec d’autant plus de raison que l’auteur, non content de proposer des chefs-d’œuvre, s’est attaché parallèlement à développer ses idées dans une série d’essais où il analyse son propre théâtre par rapport à la dramaturgie tant japonaise qu’étrangère.

Né à Tōkyō, certes, mais dans une famille qui a conservé des racines provinciales à Kumamoto (Kyūshū), où du reste il fera des études secondaires, Kinoshita puise à cette source son goût pour les minwa, les contes et légendes populaires. Ses études universitaires, consacrées à la littérature anglaise, lui permettent ensuite d’approfondir sa connaissance de Shakespeare, qui sera sa seconde passion. Une fréquentation assidue du théâtre, classique ( et kabuki) aussi bien que moderne (shingeki, le « nouveau théâtre » de style européen), complétera heureusement sa formation. Un sens très aigu de la langue qui lui révèle la richesse sémantique, rythmique et structurelle des dialectes et les ressources qu’y peut trouver une langue littéraire commune encore fluctuante et mal définie fera de lui enfin, et d’emblée, l’un des maîtres du langage contemporain.

Sa première pièce, Hikoichibanashi (le Conte de Hikoichi), pochade pleine d’humour qu’il écrit aux environs de la vingtième année, empruntée au répertoire des contes populaires de Kumamoto, annonce déjà Yūzuru, qui sera célébré comme l’événement majeur du théâtre de l’après-guerre.

Yūzuru (Une grue un soir), représenté en novembre 1949 par une troupe de jeunes acteurs, Budō no kai, est une adaptation d’un conte dont on connaît de nombreuses variantes dans toutes les provinces : un oiseau, une grue en l’occurrence, blessé par un chasseur, est sauvé par un paysan ; pour lui témoigner sa gratitude, il prend l’aspect d’une femme, et celle-ci épouse son bienfaiteur, à qui elle apporte la fortune en tissant pour lui la légendaire « étoffe de plumes de grue », dont la pièce vaut mille écus d’or ; cependant, l’attrait du gain incite le mari à en exiger sans cesse davantage, tandis que sa curiosité, attisée par de mauvais conseillers, l’amène à violer le serment qu’il lui a fait de ne pas la regarder pendant son travail ; surprise sous son aspect animal, elle disparaît, et les enfants du village, qui jouent le rôle du chœur de la pièce, voient une grue qui s’éloigne à tire-d’aile dans le crépuscule.