King (Martin Luther) (suite)
Dès 1957, King réunit les pasteurs noirs du Sud dans une « Southern Christian Leadership Conference », qui inspire la plupart des sit-in de l’époque. Peu à peu, la Cour suprême impose l’ouverture à tous des piscines, des plages, des cafétérias, des églises. Le mouvement acquiert une force supplémentaire avec l’arrivée au pouvoir du président Kennedy*. King se dépense sans compter. En 1963, il mène une dure campagne contre la ségrégation à Birmingham, dans l’Alabama. En même temps, il organise une marche sur Washington pour pousser un Congrès réticent à voter la loi sur les droits civiques. S’adressant à plus de 200 000 personnes présentes et à des millions de téléspectateurs, il s’écrie : « J’ai encore un rêve. Mon rêve fait partie du rêve américain. Je rêve qu’un jour notre pays se décidera à appliquer véritablement ses principes, d’après lesquels nous tenons ces vérités pour évidentes que les hommes sont nés égaux. » Cette éloquence vibrante bouleverse un grand nombre d’Américains, et King atteint le sommet de sa popularité quand, en 1964, il reçoit le prix Nobel de la paix et que le président Johnson fait voter deux lois sur les droits civiques, qui posent les fondements de sa « Grande Société ».
Mais deux menaces pèsent sur le mouvement de la non-violence. La première vient de la communauté noire elle-même. L’émeute, qui éclate en 1965 dans le ghetto de Los Angeles à Watts et se propage en 1966-67 dans les autres ghettos, montre que la jeunesse noire veut tout obtenir tout de suite. Auprès des partisans du « Black Power », King a beau jouir d’un grand prestige, il ne fait pas moins figure d’apôtre du gradualisme et de la modération. Face aux violences, les libéraux blancs sont décontenancés, tandis que la majorité silencieuse adopte une attitude plus rigide à l’égard des Noirs.
La deuxième menace est liée à la guerre du Viêt-nam. Dès 1966, encore plus en 1967, King a manifesté son hostilité, parce que toute guerre est immorale, que celle-ci en particulier empêche la réalisation de la Grande Société et menace l’humanité d’un cataclysme nucléaire. Pour beaucoup de Blancs, King a cessé d’être rassurant ; il va trop loin. Sa lutte contre la pauvreté déclenche de violentes réactions, par exemple à Chicago en 1966. La bourgeoisie noire, de son côté, qui a toujours affiché son patriotisme, ne se reconnaît plus en King.
Néanmoins, King continue de combattre avec les mêmes méthodes. Au début de 1968, il prépare une deuxième marche sur Washington pour faire voter des mesures de lutte contre la pauvreté. Le 4 avril, il est à Memphis, dans le Tennessee, pour apporter son soutien aux éboueurs, tous Noirs, qui sont en grève. Il est assassiné sur le balcon de son hôtel par James Earl Ray, qui n’a peut-être été qu’un tueur à gages stipendié par une organisation de droite.
Dès que l’on apprend dans les ghettos l’assassinat de King, des émeutes se déclenchent, dernière preuve de sa popularité personnelle et de la faible influence de sa doctrine.
A. K.
➙ Noirs des États-Unis (les).
L. Bennett, What Manner of Man ; a Biography of Martin Luther King (Chicago, 1964 ; trad. fr. l’Homme d’Atlanta, Martin Luther King, Casterman, 1966). / C. Fohlen, les Noirs aux États-Unis (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1965 ; 3e éd., 1969). / C. S. King, My Life with Martin Luther King (New York, 1969 ; trad. fr. Ma vie avec Martin Luther King, Stock, 1970). / D. L. Lewis, King. A Critical Biography (New York, 1970). / G. Gaudrault, l’Engagement de l’Église dans la révolution d’après M. L. King (Éd. du Cerf, 1971).