Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

Kenya (suite)

Comme la plupart des pays en voie de développement, le Kenya ne possède qu’une industrie embryonnaire, bien qu’il soit le plus industrialisé des trois pays de l’Afrique orientale ex-britannique. Le principal centre industriel est Nairobi, qui utilise 40 p. 100 des travailleurs industriels du Kenya (avant Mombasa et Nakuru) : brasseries, manufactures de vêtements et de chaussures, conserveries de viande, petite métallurgie et ateliers de réparation, manufactures de tabac, etc. Mombasa possède une brasserie, des savonneries, une cimenterie, une raffinerie de pétrole.

L’énergie électrique provient en majeure partie de la centrale des Owen Falls, en Ouganda. Le relais est en voie d’être pris par la nouvelle centrale de la rivière Tana, au Kenya. Il existe une centrale thermique à Mombasa (46 MW).

Le tourisme constitue l’une des ressources non négligeables du Kenya, où l’industrie hôtelière emploie 4 500 personnes. Une infrastructure hôtelière remarquable permet aux touristes (276 000 en 1970) d’aller admirer la faune de grands animaux dans des parcs, dont les principaux sont le Tsavo, l’Amboseli, les Aberdare, le Samburu et le Marsabit.

Seconde ville du Kenya, Mombasa est le principal port de l’Afrique orientale, avec un trafic de 3 Mt. Siège des East African Airways, Nairobi possède un aéroport international, qui reçoit plus de 7 000 avions par an, plaque tournante vers la Grande-Bretagne, l’Inde, Madagascar, l’Afrique australe et le Zaïre.

Le commerce extérieur du Kenya est tourné pour une large part vers les deux autres pays de l’Afrique orientale ex-britannique (le quart), mais aussi et surtout vers la Grande-Bretagne et l’Europe (près de la moitié des échanges au total).

R. B.


L’histoire

Fixer la date de naissance du Kenya est problème délicat ; le nom ne fut employé qu’en 1920, le territoire fut délimité entre 1886 et 1926, la colonie britannique ne fut créée qu’en 1895, l’État indépendant naquit en 1963.


La colonie

Colonie, le Kenya est issu des rivalités internationales, principalement germano-britanniques, en Afrique de l’Est. Si l’influence britannique l’emporta peu à peu auprès du sultan de Zanzibar sur celle de la France et des États-Unis, elle dut composer avec celle des marchands allemands installés dans l’île au milieu du xixe s. pour y trafiquer de l’ivoire, des clous de girofle et des cauris. En 1884, l’enjeu devint la côte, en principe sous la suzeraineté du sultan Barghach ibn Sa‘īd, lorsque Carl Peters ramena à Berlin douze traités obtenus des chefs locaux par des moyens d’ailleurs douteux. Bismarck*, qui présidait la conférence de Berlin, décida, néanmoins, de les reconnaître. Malgré l’avis de son consul, John Kirk, la protestation du sultan et les liens ancestraux qui liaient Zanzibar à la côte, la Grande-Bretagne s’inclina, peu soucieuse d’avoir une querelle avec l’Allemagne. En 1886, par un premier traité, les deux puissances reconnurent l’autorité du sultan sur les îles et le long de la côte sur une profondeur de 10 miles, mais se réservèrent des « zones d’influence » à l’intérieur ; la frontière jusqu’aux Grands Lacs fut précisée par le fameux traité de partage de l’Afrique entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne en 1890. Les frontières du Nord, esquissées alors, furent fixées par des actes particuliers avec l’Éthiopie en 1902 et en 1907, et avec l’Italie (Somalie) en 1920 et en 1925. Vers l’ouest, la frontière avec l’Ouganda date, en fait, de 1901.

L’occupation et l’administration du Kenya furent d’abord confiées à une compagnie à charte : l’Imperial British East Africa Company (IBEAC). Mais la construction du chemin de fer à partir de Mombasa, les difficultés de la compagnie en Ouganda et son endettement déterminèrent l’établissement du protectorat de la Couronne sur l’Est africain en 1895.

Le chemin de fer engendra la colonisation de peuplement. Dès 1890, le capitaine Frederick Lugard, alors agent de l’IBEAC, envisageait de faire du Kenya une aire d’émigration indienne. La voie ferrée, en effet, attira des coolies du Pendjab, puis des milliers de commerçants indiens et goannais ; dès 1900, époque où fut créée Nairobi, ils étaient près de 20 000. Mais, depuis 1897-98, la fertilité et la salubrité des hautes terres attirent aussi les Blancs. On croyait ces régions inoccupées ; en réalité, les désastres (épidémies, sauterelles, famines) et les guerres intestines avaient forcé les pasteurs nasais et les agriculteurs kikuyus à les évacuer. La colonisation blanche s’accentua avec la nomination de sir Charles Eliot comme haut-commissaire. Celui-ci accéléra l’achèvement du chemin de fer, qui atteignit Kisumu en décembre 1901 et obtint la réunion au Kenya de la province orientale de l’Ouganda ; celle-ci offrit à la fois des terres vides et des zones de peuplement dense susceptibles de fournir de la main-d’œuvre bon marché aux colons. Enfin, en 1902, Eliot annula les actes fonciers antérieurs et promulgua une ordonnance qui facilita les concessions de « terres de la Couronne » et créa des réserves ; ainsi les Masais furent relégués au sud, les Kikuyus et les Kambas au nord et les Luos à l’ouest.

Les premières conséquences concernèrent cependant les Indiens. Sous l’influence de lord Delamere, possesseur de 100 000 acres dans la Rift Valley, et d’un groupe britannique, l’East African Syndicate, maître de 320 000 acres, ils furent pratiquement exclus de l’attribution des concessions. Devant leur protestation, le Foreign Office, en 1905, passa l’administration au Colonial Office, dont le responsable, lord Elgin, réserva les aliénations aux colons, aux nouveaux immigrants et aux Boers vaincus.

Cette politique divisa le pays en deux ; d’une part, les réserves, sous administration directe, où les ethnies conservèrent leur genre de vie, quitte à devenir réservoir de main-d’œuvre à l’occasion ; d’autre part, les terres de la Couronne, où les colons jouissaient d’une certaine autonomie grâce à l’existence d’un Conseil législatif. Malgré l’affirmation par Londres de la primauté des intérêts des autochtones en 1923 (Devonshire Act) et le refus de limiter l’immigration asiatique, les colons dominaient largement (11 représentants au Conseil contre 5 pour les Indiens et 1 pour les Arabes). De même, leur emprise sur le sol progressa, pour atteindre 7 millions d’acres en 1930 le long de la côte, sur le versant oriental des plateaux (White Highlands), au nord et dans la Rift Valley. Mais le développement des cultures (maïs et café à partir de 1910, thé vers 1925, sisal vers 1935) ne se fit pas sans à-coups. Les fermiers, endettés après deux mauvaises récoltes en 1928 et en 1929, subirent profondément la crise. Aussi accentuèrent-ils leur pression, surtout en matière de main-d’œuvre et de protection douanière. Mais ils ne surmontèrent leurs difficultés qu’avec les demandes nées de la Seconde Guerre mondiale.