Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

jazz (suite)

Dès le milieu des années 20, le jazz, associé à la vogue du charleston, éveille à Paris l’intérêt de jeunes intellectuels et artistes, notamment dans le milieu surréaliste. Qu’il s’agisse de copies ou de l’original, la musique négro-américaine, en même temps que l’art nègre, est à la mode dans ces cénacles. En 1932, après la venue d’Armstrong en Europe, se crée en France, sous l’impulsion d’Hugues Panassié, de Charles Delaunay et de Pierre Nourry, le Hot Club de France, association destinée à promouvoir le jazz. Le guitariste Django Reinhardt s’impose alors comme le premier jazzman européen parfaitement original. La même fièvre suscite en Grande-Bretagne et en Suède des vocations musicales et journalistiques. Pendant l’occupation allemande, coupé des États-Unis, le jazz français bénéficie de la popularité du swing et suscite l’enthousiasme des « zazous ». Nombre de musiciens (le saxophoniste Alix Combelle, le trompettiste Aimé Barelli, le clarinettiste Hubert Rostaing, le batteur Pierre Fouad, l’accordéoniste Gus Viseur...) enregistrent et jouent en public.

À partir de 1944, les tendances musicales apparues aux États-Unis déterminent de nouveau l’orientation du jazz européen. À Paris, le New Orléans Revival est illustré par Claude Luter, tandis que d’autres jeunes musiciens commencent à se passionner pour les innovations du be-bop. Mais le recul géographique et le poids des traditions culturelles seront toujours à l’origine d’un décalage des musiciens et amateurs européens par rapport aux styles et aux modes qui apparaissent aux États-Unis. Dans la mesure où l’Europe ne pouvait avoir du jazz américain qu’une connaissance indirecte et retardée (disques, presse, puis concerts), cet éloignement a pu jouer comme décentrement, conférant ainsi à la réflexion critique une certaine perspective qui explique que, pendant longtemps, la critique européenne ait eu — au niveau culturel, sinon directement au niveau commercial — un rôle relativement plus important que la critique américaine. Le développement considérable des moyens de communication et de diffusion, l’assouplissement de certaines barrières politiques et commerciales favoriseront à partir des années 60 une parfaite universalisation du jazz. Jazzmen et jazzfans, festivals et revues spécialisées se multiplieront aussi bien au Japon qu’en Hongrie, en Australie qu’en Argentine ou en Pologne.

P. C. et F. T.

 A. Schaeffner et A. Coeuroy, le Jazz (Delpeuch, 1926). / R. Goffin, Aux frontières du jazz (Éd. du Sagittaire, 1932). / H. Panassié, le Jazz Hot (Corréâ, 1934) ; Histoire du vrai jazz (Laffont, 1959). / B. Ulanov, A History of Jazz in America (New York, 1950 ; trad. fr. Histoire du jazz, Buchet-Chastel, 1955). / A. Hodeir, Hommes et problèmes du jazz (Flammarion, 1954) ; les Mondes du jazz (U. G. E., 1970). / H. Panassié et M. Gautier, Dictionnaire du jazz (A. Michel, 1954 ; nouv. éd. 1971). / L. Feather, Encyclopedia of Jazz (New York, 1955). / L. Malson, les Maîtres du jazz (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1955 ; 6e éd., 1972) ; Histoire du jazz (Rencontre, Lausanne, 1967). / N. Shapiro et N. Hentoff, Hear me Talkin’ to ya (New York, 1955 ; trad. fr. Écoutez-moi ça, Corréâ, 1956). / M. W. Stearns, The Story of Jazz (Oxford, 1956). / J. E. Berendt, Das neue Jazzbuch (Francfort, 1959 ; trad. fr. le Jazz, des origines à nos jours, Payot, 1963). / R. Horricks, These Jazzmen of Our Time (New York, 1959 ; trad. fr. Jazzmen d’aujourd’hui, Buchet-Chastel, 1960). / LeRoi Jones, Blues People. Negro Music and White America (New York, 1963 ; trad. fr. le Peuple du blues, Gallimard, 1968) ; Black Music (New York, 1967 ; trad. fr. Musique « noire », Buchet-Chastel, 1969). / A. Clergeat, Dictionnaire du jazz (Seghers, 1966). / B. Vian, Chroniques de jazz (la Jeune Parque, 1967 ; nouv. éd., U. G. E., 1971). / F. Ténot et P. Carles, Dictionnaire du jazz (Larousse, 1967). / P. Carles et J.-L. Comolli, Free Jazz et Black Power (Champ libre, 1971). / H. Renaud (sous la dir. de), Jazz classique et jazz moderne (Casterman, 1971 ; 2 vol.).
On peut également consulter les principales revues françaises : Jazz Hot, Jazz Magazine, Bulletin du Hot Club de France.

Jean-Baptiste (saint)

Fondateur d’un mouvement religieux juif, décapité sur l’ordre du tétrarque Hérode Antipas vers 28 apr. J.-C. Contemporain du Christ, il est considéré par la tradition chrétienne comme le Précurseur du Messie.


Les Évangiles ouvrent leurs récits sur le ministère de Jésus par de brèves notices consacrées à Jean-Baptiste. La tradition chrétienne a fait de celui-ci le précurseur de Jésus de Nazareth et réduit son rôle à l’annonce du Messie. Il n’y a pas longtemps encore, Jean-Baptiste n’était connu que par les Évangiles et par quelques lignes de l’historien juif Flavius Josèphe. Mais les manuscrits de la mer Morte* ont provoqué un renouveau d’intérêt à son égard et donné à son personnage un nouveau relief.


Le prophète du désert

Pour être compris, le personnage de Jean-Baptiste doit être replacé dans son contexte historique. Le judaïsme du début de l’ère chrétienne n’est pas une religion monolithique. Qui a lu l’Évangile connaît les tendances majeures qui s’affrontent alors : les pharisiens, les sadducéens et les zélotes (v. Jésus). Josèphe mentionne en outre les esséniens, sur lesquels les manuscrits de la mer Morte ont apporté des lumières nouvelles. Mais ces groupes ne représentent pas à eux seuls la réalité complexe et mouvante du judaïsme. En marge évoluent une multitude de conventicules sur lesquels nous ne disposons, à la vérité, que d’informations fragmentaires. Parmi ces sectes apparaît le groupe « baptiste », essentiellement caractérisé par l’importance que ses adeptes donnaient au rite du baptême. Grâce aux Évangiles et à Josèphe, nous connaissons mieux une de ces sectes, celle de Jean dit « le Baptiste ».

Jean-Baptiste mène dans le désert de Judas une vie d’ascète, entouré d’un petit groupe de disciples. Prédicateur très écouté du peuple, il donne un enseignement rigoureux et fait entendre un vigoureux appel à la pénitence. Ses exhortations à la justice, à la miséricorde et à l’amour du prochain font écho aux exigences des prophètes bibliques. Le baptême qu’il donne dans les eaux du Jourdain est un rite de purification qui symbolise la pureté du cœur acquise par la repentance. En cela, il diffère du baptême chrétien, qui, en tant que sacrement, est porteur d’une vie nouvelle. Mais ce baptême n’a pas une signification seulement morale. Il est en rapport avec le Messie qui vient : c’est le sceau qui marquera les élus du royaume messianique ; en ce ier s. apr. J.-C., l’attente du Messie libérateur du peuple juif était intense en Israël.