Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Japon (suite)

• 1297. Le bakufu, alarmé de cet état de choses qui diminue son autorité, renforce les lois interdisant la vente des fiefs. Les samurai alors s’appauvrissent considérablement et commencent à réviser leurs notions de fidélité au bakufu. La féodalité de Kamakura perd de la cohésion qui a jusque-là fait sa force. Une nouvelle classe commence à prendre de l’importance dans le pays, celle qui est formée par les marchands, les artisans (qui ont profité des besoins engendrés par la mobilisation pendant près de vingt ans de toutes les armées du Japon) et les prêteurs. Le bakufu lui-même, devenu insolvable, en est réduit à des expédients. Les lois ne sont plus respectées, et les seigneurs commencent à relever la tête. L’empereur lui-même voit là l’occasion de reprendre le pouvoir au bakufu.

• 1326. L’empereur Go-Daigo (Daigo II) refuse d’abdiquer à la demande de Kamakura et installe son fils comme héritier, soutenu par un grand nombre de nobles.

• 1331. Convaincu d’avoir ourdi un complot contre le bakufu, l’empereur Go-Daigo, attaqué par les troupes du shikken, est battu et exilé dans l’île d’Oki.

• 1333. Grâce à la complicité d’un Minamoto dissident, Ashikaga Takauji, Go-Daigo réussit à s’enfuir et rentre à Kyōto, les troupes de Takauji battant celles du tandai de Kyōto. Cette défaite est le signal du soulèvement général des seigneurs contre le bakufu agonisant de Kamakura. Ils attaquent la ville de Kamakura, qui est prise et incendiée. Go-Daigo restaure alors le pouvoir impérial : c’est la « restauration de l’ère Kemmu ».

• 1336. Ashikaga Takauji, devenu le seigneur le plus puissant du Japon, se retourne contre l’empereur, établit un nouveau bakufu à son profit à Kyōto, nomme un empereur de son choix, qui, en 1338 le fait shōgun, tandis que l’empereur légitime et ses partisans, en fuite, sont obligés de se cacher et d’installer leur cour (légitime) au sud de Nara. La lutte entre les factions partisanes des deux cours rivales va se poursuivre jusqu’en 1392, plongeant le pays dans une longue suite de guerres civiles, laquelle caractérisera l’histoire du Japon pendant toute la période de Muromachi, ainsi appelée du nom du quartier de Kyōto où Ashikaga Takauji a installé son bakufu.


La période de Muromachi (1333-1582)

Nombre de petits seigneurs ou propriétaires de fiefs ont espéré, en aidant Takauji, que celui-ci ferait en leur faveur quelques réformes. Il n’en est rien. Aussi beaucoup d’entre eux abandonnent-ils la cause du nouveau shōgun pour rallier celle de l’empereur légitime, Go-Daigo. La lutte sera épisodique, lente mais acharnée entre les deux partis, pendant laquelle la ville de Kyōto sera prise et reprise quatre fois, étant chaque fois plus ou moins détruite par la chaleur des combats. En province, les seigneurs se battent entre eux pour leur propre compte, changeant de camp aussi souvent que leur intérêt l’exige, c’est-à-dire qu’ils ont l’espoir de conquérir la suprématie sur leurs rivaux. La guerre civile bat son plein dans tout le pays.

• 1383. Ashikaga Takauji étant mort en 1358 et Go-Daigo en 1339, la situation demeure la même sous leurs successeurs, incapables, malgré la valeur de certains hommes de guerre, de remporter une victoire définitive. Finalement, la trahison aidant, seule l’île de Kyūshū reste aux mains des loyalistes, alors que, dans le nord du pays, des seigneurs s’étaient rendus indépendants.

• 1392. Kyūshū ayant été reconquis, la partie est perdue pour la Cour du Sud (Nanchō) : l’empereur Go-Kameyama accepte d’abdiquer. La guerre se termine, sans profit pour personne ni pour aucun des deux partis. La ville de Kyōto est détruite, de nombreuses familles décimées, les campagnes ruinées.

Cependant, durant ce temps, le bakufu de Muromachi a fait œuvre de législateur. L’organisation administrative a été refondue par Ashikaga Yoriyuki ; le pays est divisé en trois grandes régions dirigées par un « grand délégué » (kanrei) soumis à l’autorité directe du shōgun.

• 1400-01. Un seigneur de Sakai (près d’Ōsaka), allié aux pirates de la mer Intérieure, se révolte. Le shōgun Yoshimitsu réussit à le vaincre (au prix de la destruction de la ville de Sakai). Sa puissance affirmée, il renoue avec la Chine (alors celle des Ming) et ouvre le pays au commerce légal avec ce pays, après avoir tenté de supprimer la piraterie des « Wakō », qui écumaient les côtes japonaises, coréennes et chinoises.

• 1419. Les Coréens attaquent l’île de Tsushima, fief des Wakō, détruisent les bases de ceux-ci et repartent, avec l’assentiment du gouvernement japonais.

• 1428. À la suite d’épidémies et de famine, les paysans de la province d’Ōmi (auj. préfecture de Shiga) se révoltent, suivis par les paysans des autres provinces qui, accablés de dettes et d’impôts, demandaient la remise de leurs dettes. C’est la première des grandes révoltes paysannes qui vont désormais périodiquement ensanglanter les campagnes japonaises. Les paysans forment des ligues de défense de leurs intérêts contre les déprédations de la soldatesque. Malgré les édits de remise des dettes qui ne soulagent en rien la misère des gens et qui paralysent l’essor du commerce intérieur, les dépôts de riz sont attaqués ainsi que les grands monastères, qui regorgent de provisions.

• 1456. Le shōgun Yoshimasa est obligé de reconnaître les droits de propriété des paysans et de réduire leurs dettes à 10 p. 100 de leur valeur initiale.

• 1457. Grande famine et épidémies : des centaines de milliers de paysans meurent. Le gouvernement ne fait rien pour soulager la misère, et Yoshimasa mène une vie dispendieuse. Les grands seigneurs ou daimyō dressent des barrières d’octroi aux frontières de leurs États, ce qui est pour eux une source importante de revenus, mais entrave la liberté du commerce : une province affamée ne peut recevoir d’aide d’une autre province non touchée par le fléau, en raison de ces barrières. Les prix montent de manière considérable. Les paysans, plutôt que de subir vexations sur vexations, préfèrent alors s’engager dans les troupes des seigneurs, qui, dans l’espoir d’augmenter leur puissance, les acceptent dans leurs rangs en tant que soldats à pied (ashigaru). Ces troupes paysannes, indisciplinées, mal armées, la plupart du temps livrées à elles-mêmes, vivant de pillages et de brigandage, vont être mises au service d’aventuriers sans scrupule décidés à combattre le bakufu pour établir leur propre hégémonie.