Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Japon (suite)

• 1467-1477. Au sujet de la désignation du vivant de Yoshimasa d’un successeur au shōgunat (Yoshimasa n’ayant pas d’enfant légitime), les passions atteignent le point de rupture et provoquent l’éclosion d’une nouvelle guerre civile. Cette fois, ce sont les troupes des partisans des successeurs à désigner qui s’opposent dans la ville même de Kyōto. Les daimyō se rangent tour à tour dans le parti qui leur apparaît sur le moment comme le vainqueur probable. Alliances et trahisons vont de pair. À Kyōto même, 160 000 hommes s’affrontent, ceux de Hosokawa, partisans du jeune frère de Yoshimasa, Yoshimi, et ceux de Yamana, partisans d’un fils que Yoshimasa vient juste d’avoir. Mais, par de curieux retournements de situation, en 1468, c’est Yoshimi qui se trouve à la tête des armées de Yamana. Cette guerre civile, dite « de l’ère Ōnin », dure dix ans, les partis en présence, du fait des changements incessants de camp des daimyō, finissant par se faire la guerre pour le plaisir, sans raison aucune, Yoshimi puis Yamana étant morts tous deux en 1474. Enfin, faute de combattants, la guerre se termine à Kyōto (complètement dévastée une fois de plus et incendiée) en 1477 ; mais elle se prolonge encore longtemps dans les provinces entre les jeunes seigneurs désireux d’évincer les plus faibles.

• 1485. Une terrible révolte de paysans, lassés des méfaits des soldats, aboutit à la constitution d’une sorte de gouvernement des provinces centrales. Installé à Uji, il demande le départ des soldats et le retour des terres indûment saisies. La paix revient alors dans les environs de la capitale.

• 1489. Le shōgun Yoshihisa est tué, et sa succession fait de nouveau s’opposer les grands daimyō. La situation du « pays en guerre » (Sengoku), confuse, désordonnée, opposant les daimyō entre eux ou au shōgunat, durera jusqu’en 1567. À Kyōto et dans la plupart des grandes villes, les commerçants et les travailleurs, las de l’impuissance du shōgunat, constituent des gouvernements locaux. La cour impériale se désintéresse des luttes entre les seigneurs et de toute espèce de gouvernement, menant une vie oisive et peu sûre, « protégée » tantôt par un seigneur et tantôt par un autre, obligée de temps à autre de se réfugier chez un noble lorsque le palais est en flammes. Les empereurs se succèdent sans que quiconque y prête la moindre attention. Le Japon se trouve alors partagé entre une trentaine de grands daimyō et une centaine de plus petits seigneurs qui se combattent sans trêve ni répit, aidés par des bandes de paysans-guerriers dont l’attitude transforme profondément les lois de la guerre. Il n’est plus question de code de chevalerie : la lutte est sans merci, sanguinaire. Toutes les traîtrises, tous les coups sont admis, et l’utilisation d’espions spécialisés devient courante chez les daimyō alliés, qui ainsi se surveillent étroitement, prêts à profiter de la moindre défaillance de leur voisin. Aucune ligne politique générale ne peut être décelée pendant ce « siècle de guerre » : chaque chef guerrier suit son propre intérêt et son propre tempérament. Le pays est livré à l’anarchie. Cependant se produisent dans le même temps quelques événements qui, peu remarqués sur le moment, se révéleront par la suite d’une grande importance.

• 1542. Des marchands portugais, échoués sur la petite île de Tanegashima, dans le sud de l’île de Kyūshū, sont porteurs d’arquebuses. Bien accueillis par le petit seigneur local, ils enseignent aux samurai de l’île la manière de se servir de ces armes, nouvelles pour les Japonais. Des métallurgistes habiles réussissent à en fabriquer de semblables. Le secret se répand vite, et des milliers d’arquebuses sont bientôt fabriquées au Japon.

• 1549. Saint François Xavier débarque au Japon, et l’évangélisation du pays commence. Les bateaux portugais, hollandais et espagnols croisent dans les mers du Japon et commercent avec les habitants des îles.

• 1574. Les sectes religieuses, très actives durant toute cette période, malgré l’état constant de guerre, s’arment défensivement tout d’abord, puis de manière offensive, et participent à l’action générale. La secte Ikkō du religieux bouddhiste Shinran (1173-1262) se révolte et soulève les campagnes contre les autres sectes. D’autres sectes deviennent secrètes, tandis que le shintō, grâce à des doctrinaires, montre son désir de se séparer du bouddhisme dégénéré du Japon pour revenir à des conceptions plus saines de la divinité. Les doctrines bouddhiques du zen, transformées par l’esprit du Japon, connaissent une grande extension, surtout dans les classes dirigeantes. L’essor littéraire se poursuit. Il semble que toute la vie aristocratique du pays, lasse de la guerre, veuille se réfugier dans les manifestations de l’esprit.

• 1568. Un petit seigneur d’Inabayama (Gifu), Oda Nobunaga (1534-1582), réussit à vaincre ses adversaires et entre en vainqueur à Kyōto, où il se fait nommer shōgun. Il s’occupe d’organiser à son profit les provinces centrales.

• 1576. Oda Nobunaga, devenu plus puissant, voit ses partisans devenir de plus en plus nombreux. Il se fait construire sur les bords du lac Biwa, en un lieu commandant l’accès à la capitale, un immense château qui sera le prototype de tous les châteaux qui fleuriront au Japon dans le siècle suivant. Il le fait luxueusement décorer par les meilleurs artistes de son temps. Entre-temps, il a fait incendier, en 1571, les monastères du mont Hiei et sabrer tous les moines qui s’y trouvaient et qui s’opposaient à son gouvernement. En 1573, il attaque le shōgun Yoshiaki et le met en fuite, puis se retourne contre la secte Ikkō. La guerre sera longue : le fief des Ikkō (Ōsaka) ne se rendra qu’en 1580. Grâce à des généraux (parmi lesquels Tokugawa Ieyasu* et Toyotomi Hideyoshi*) qui le secondent habilement, Nobunaga peut finalement triompher de tous ses adversaires. D’un caractère cruel et peu accessible à la pitié, il n’a qu’un seul but : l’unification du Japon sous son autorité. Il utilise pour ses conquêtes la puissance des nouvelles armes à feu qu’il a mises aux mains de l’infanterie (composée de bandes d’ashigaru), donnant à celle-ci une supériorité écrasante sur la cavalerie traditionnelle des samurai. Il n’hésite pas à faire massacrer tous ceux qui s’opposent à lui.

• 1582. Oda Nobunaga, alors au faîte de sa puissance, dictateur de toutes les provinces centrales, est brusquement attaqué par un de ses généraux qui se proclame shōgun. Treize jours après, le traître est battu et mis à mort par un autre général de Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi, qui prend d’office la succession de son chef décédé.