Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Japon (suite)

Les paysages végétaux

La forêt est le plus étendu. Elle recouvre environ les deux tiers du sol japonais, sans nuire pour cela à l’occupation humaine puisqu’elle correspond aux zones montagneuses. On en tire depuis toujours le charbon de bois, le matériau de base de la construction ainsi que, depuis un demi-siècle, de la pâte à papier. Comme le pays s’étire en latitude et présente de grands contrastes d’altitude, cette forêt offre régionalement des paysages variés, trois principalement. La forêt de type pénétropical, formée de conifères et de feuillus toujours verts (chêne vert, camélia, magnolia), se rencontre dans l’Ouest et partout où la température annuelle moyenne excède 13 °C. La forêt tempérée existe dans les montagnes de Honshū, le Tōhoku et le sud de Hokkaidō : chênes, hêtres, érables s’y mêlent à de nombreux conifères. Les sommets du Tōhoku, le centre et le nord de Hokkaidō portent des peuplements de conifères auxquels se mêlent frênes et bouleaux. Le sous-bois y est fort dense. Cette forêt s’étend là où la température annuelle moyenne se situe au-dessous de 6 °C.

Toutes ces forêts ont en commun plusieurs caractères, tout d’abord le grand nombre d’espèces rencontrées sur de faibles superficies, dû au faible rôle joué ici par les glaciations quaternaires. Actuellement, une vigoureuse politique de reboisement (400 000 à 600 000 ha par an) tend à les entretenir tout en en modifiant la composition aux dépens des feuillus. Ceux-ci couvrent 40 p. 100 des superficies boisées (contre 30 p. 100 pour les conifères, le reste étant mixte), mais leur proportion décroît rapidement. On reboise en effet surtout avec des conifères, qui croissent plus rapidement et donnent un bois d’œuvre abondant ainsi qu’une matière première satisfaisante pour la cellulose et la pâte à papier. Celle-ci provient surtout du pin rouge (jadis de Sakhaline, aujourd’hui venant surtout de Hokkaidō) et de quelques feuillus.

Dix pour cent de cette forêt demeurent inexploités en raison de leur relative inaccessibilité et aussi parce que, correspondant à la zone des sommets, leur présence écrête les crues dans les plaines sises à l’aval. Cette forêt japonaise est un milieu très vivant : de nombreux animaux y demeurent, protégés par sa relative solitude ; à Hokkaidō notamment, des ours que l’hiver rend féroces y constituent toujours une menace pour l’homme. Les loups paraissent toutefois éliminés et les tigres, présents dans la forêt sibérienne voisine, semblent ne jamais avoir existé dans l’archipel.

La « hara », c’est, entre la forêt et les plaines (soit aux altitudes comprises entre 400 et 1 500 m), une formation végétale originale à base de bambous nains, d’espèces buissonnantes et d’une herbe dure ; elle prend localement des aspects de forêt-parc et remplace probablement d’anciennes forêts essartées.

Enfin, d’une extrémité à l’autre du pays, le bambou confère à la nature japonaise une grande unicité de paysage ; il existe en des centaines d’espèces, depuis les hauts massifs balançant leurs feuilles à 20 m du sol jusqu’aux « sasa », espèce naine qui existe aussi bien sous le ciel brûlant de Kyūshū que sur les rives glacées de la mer d’Okhotsk.


Les sols

Le Japon a des sols pauvres et peu évolués dont l’essentiel s’est développé sous une couverture forestière. Les sols zonaux (élaborés sous un climat et dans un milieu végétal déterminé et stable) sont surtout des podzols, rougeâtres dans l’Ouest, gris et bruns dans le Nord. Les sols azonaux correspondent aux sols alluviaux et constituent plus des quatre cinquièmes du total. Ils se divisent eux-mêmes en lithosols, grossiers et presque uniquement minéraux, et en sols alluviaux proprement dits, plus évolués, qui tapissent les plaines, où ils portent l’essentiel des cultures ; ce sont les plus fertiles. Par contre, les sols intrazonaux, qui reflètent le drainage et la lithologie, sont surtout constitués ici de débris volcaniques, sombres et acides ; ils forment notamment le loam du Kantō (d’apport éolien) et ne sont cultivables qu’en raison des siècles d’amendements dont ils ont fait l’objet.


Un milieu naturel violent

Le caractère foncièrement inhospitalier du milieu naturel résulte de la situation de l’archipel, à la fois sur une des zones d’instabilité de l’écorce terrestre (le « cercle de feu » du Pacifique) et entre deux mers d’où lui viennent moussons et typhons. On peut distinguer ces excès selon leur origine, structurale et tectonique ou climatique, mais aussi selon leur soudaineté. Certains, pour violents qu’ils soient, se présentent chaque année, à date fixe, pourrait-on écrire, ainsi les typhons, l’enneigement, les crues catastrophiques, les glissements de terrain. D’autres, au contraire, arrivent brutalement : séismes et raz de marée, éruptions volcaniques. Leur gravité, enfin, varie considérablement, les plus grands pouvant faire, tel le grand séisme du Kantō (1923), près de 150 000 victimes. Un typhon de moyenne gravité tue de 500 à 1 000 personnes et détruit des milliers d’habitations.


Excès d’origine structurale

Les éruptions volcaniques, prévisibles de nos jours, ne menacent plus la vie humaine, mais occasionnent de lourdes pertes matérielles. Celle du mont Bandai en 1888, qu’on peut citer comme exemple, emporta tout le haut de la montagne et détruisit routes, voies ferrées et constructions dans les vallées d’alentour, ruinant en outre la précieuse architecture des rizières. Elle fit 461 victimes. Les éruptions plus récentes ont été moins violentes (îles d’Izu en septembre 1952 et 1953, mont Aso en 1953). Les séismes sont plus graves, demeurant imprévisibles ; ils frappent surtout la baie de Tōkyō (où la terre tremble 5 000 fois par an) et le littoral pacifique jusqu’à Kyūshū, secondairement les régions de Nagano et de Fukui (celle-ci sur la mer du Japon). C’est le feu qui les accompagne souvent (par la chute des cloisons de papier sur le foyer de la cuisine) qui les rend meurtriers ; l’essentiel des victimes de 1923 et des 3 895 morts que fit le séisme de Fukui en juin 1948 lui est dû. Les raz de marée, causés par des séismes qui se produisent au large, occasionnent également de lourds dégâts.