Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

italo-éthiopiennes (guerres) (suite)

1935-1936

Près de quarante ans plus tard, Mussolini, sous le signe de la grandeur de l’Italie fasciste, entend effacer le désastre d’Adoua. L’occasion lui en est fournie par l’incident frontalier d’Oual-Oual, où le 5 décembre 1934 périssent 60 askaris italiens. Le Duce prend toutefois son temps. Tout en commençant aussitôt secrètement le rassemblement en Érythrée des moyens nécessaires à l’attaque de l’Éthiopie, il croit s’assurer la neutralité de la France et de l’Angleterre, inquiètes du réarmement allemand, en signant avec elles les accords de Stresa (14 avr. 1935), qui font suite au pacte d’amitié franco-italien du 7 janvier 1935. Entendant profiter de ce climat, il prépare méthodiquement son intervention. Au début de 1935, près de 100 000 ouvriers aménagent les ports de Massaoua et de Mogadiscio, précédant un corps expéditionnaire qui compte en août 200 000 combattants (effectif porté à 400 000 hommes en mars 1936). En face, l’Empire abyssin, miné par de graves dissensions intérieures, ne peut compter, en dehors de la solide garde du négus Hailé Sélassié Ier* (4 000 hommes), que sur un ensemble hétérogène de troupes régionales semi-permanentes, d’un effectif global voisin de 400 000 hommes très médiocrement armés.

Soutenues par 10 groupements blindés et 11 escadrilles aériennes, les forces italiennes, aux ordres du général Emilio De Bono (1866-1944), entrent en Éthiopie sans déclaration de guerre le 3 octobre 1935. Cependant, l’opinion britannique s’insurge violemment contre l’agression italienne ; la Société des Nations, qui a été saisie de l’affaire par l’Éthiopie en mars, condamne l’Italie pour violation du pacte les 7 et 11 octobre, et décide, le 18 novembre, des sanctions économiques interdisant toute exportation de matériel ou de produits stratégiques en Italie, sanctions qu’elle sera incapable de faire appliquer. Aussi Mussolini veut-il frapper vite et fort, car il tient à mettre la S. D. N. devant le fait accompli et à éviter toute complication internationale dans cette entreprise, dont le régime fasciste ne supporterait pas l’échec.


La campagne

Le Duce décide donc d’accélérer le rythme des opérations, dont il confie la direction dès novembre 1935 à un véritable chef de guerre, le maréchal Badoglio*.

L’effort principal revenant au front d’Érythrée, les troupes débouchant de Somalie, aux ordres du général Graziani (1882-1955), n’auront qu’une mission secondaire et ne mèneront en fait que des opérations de type colonial, sous forme notamment de raids offensifs. Elles s’emparent de Gorrahei (6 nov. 1935) et de Neghelli (20 janv. 1936), avant de marcher en avril sur Harar. Leur progression sera retardée par la résistance opiniâtre des guerriers du ras Nassibou. Mais, en apprenant la fuite du négus de sa capitale, la résistance éthiopienne s’effondrera sur ce front, et les troupes de Graziani, entrant à Harar le 8 mai, feront leur jonction avec celles de Badoglio.

Sur le front nord-ouest, les opérations ont revêtu l’aspect tout différent d’une bataille de rupture, qui bénéficiera de l’immense supériorité italienne en artillerie, en blindés et en aviation. Adoua et la ville sainte d’Aksoum ont été conquises respectivement dès le 6 et le 15 octobre 1935. Le 8 novembre, Maqalié est occupé, mais l’attaque sur le Tembien est par deux fois bloquée par les Éthiopiens, qui réussissent même à reprendre Abbi-Addi (janv.-févr. 1936). Cependant, la bataille d’Enderta (févr.) permettra la prise du Tembien, défendu par le ras Immeroun. Par un ultime effort, le négus, qui rassemble 40 000 hommes, réussit à bousculer les lignes italiennes près du lac Ashangi (Ascianghi), mais ne peut empêcher les forces de Badoglio de marcher sur Quoram (auj. Korem). Toute défense organisée est désormais impossible. Om Ager et Gondar tombent entre les mains du général italien Achille Starace, et la fin de la campagne se réduit à un raid sur Addis-Abeba. Le 1er mai, le négus gagne Djibouti, d’où il s’embarque pour Londres sur un navire anglais. Le 5 mai, les Italiens entrent dans la capitale éthiopienne.

Le 9 mai 1936, Mussolini proclame l’annexion à l’Italie de la totalité du territoire éthiopien, et le roi Victor-Emmanuel III prend officiellement le titre d’empereur d’Éthiopie. Le vieux rêve italien de la création d’un empire d’Afrique orientale est enfin réalisé. Au début de juillet, la S. D. N. décide d’abroger les fameuses sanctions contre l’Italie et scelle ainsi sa propre ruine. Quelques mois plus tôt, l’Allemagne, qui a déjà quitté la S. D. N., a décidé de remilitariser la Rhénanie ; quelques jours plus tard éclate la guerre civile espagnole. La S. D. N. n’a pratiquement plus aucune prise sur les événements, et, après l’Allemagne et le Japon, l’Italie la quittera définitivement le 12 décembre 1937.


1940-41

L’Empire africain italien ne durera toutefois qu’à peine cinq années et s’effondrera dès le début de la Seconde Guerre mondiale. En effet, si le duc d’Aoste (1898-1942), commandant en chef italien en Afrique orientale, occupe en août 1940 la Somalie britannique, évacuée par les Anglais, ces dernier lancent du Kenya en novembre de la même année une offensive sur la Somalie italienne. Les troupes du général anglais sir Alan Gordon Cunningham (né en 1887) sont à Kismayou le 15 février 1941 et à Mogadiscio le 25. De là elles foncent sur Addis-Abeba, abandonné par les Italiens, où elles entrent le 5 avril. Faisant alors leur jonction avec d’autres forces britanniques venant du Soudan et qui, renforcées d’un détachement français, opèrent en Érythrée, elles contraignent le duc d’Aoste, réfugié avec 7 000 hommes sur le plateau d’Amba Alagi, à y capituler le 21 mai 1941. Le 5 mai, le négus Hailé Sélassié rentre dans sa capitale d’Addis-Abeba, et, le 27 novembre, les dernières troupes italiennes sont faites prisonnières dans la région de Gondar.

P.-A. V.

➙ Empire colonial italien / Éthiopie / Hailé Sélassié.