Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (campagne d’) [1943-1945] (suite)

La libération de l’Italie du Nord (avr. 1945)

Si, comme le souhaitait Churchill, l’offensive alliée avait été poursuivie, elle aurait sans doute eu rapidement raison de la résistance allemande. Mais la préparation du débarquement de Provence a entraîné le retrait de moyens importants, dont les divisions du corps expéditionnaire français (21-23 juill. 1944). Toutefois, le 25 août, Alexander lance ses divisions à l’attaque, et, en octobre, la ligne Gothique est, sauf à l’ouest, partout dépassée par les Alliés, qui s’emparent ensuite de Forli (10 nov.), de Ravenne (5 déc.) et de Faenza (18 déc). À la fin de novembre, Alexander, promu commandant en chef interallié en Méditerranée, est remplacé à la tête du 15e groupe d’armées par le général Clark, qui cède lui-même sa place, à la Ve armée, au général Truscott. En face, surtout depuis que la lutte se déroule sur le territoire allemand, les vingt-cinq divisions de la Wehrmacht en Italie, à la tête desquelles Vietinghoff a remplacé Kesselring le 1er avril 1945, ont un moral chancelant, et les six divisions de l’armée républicaine fasciste du général Graziani ne comptent guère. Aussi, quand le 9 avril débouche l’offensive générale des forces de Clark, la défense de la Wehrmacht s’effondre. Le 21, les Alliés entrent à Bologne, puis franchissent le Pô le 25 et enlèvent Vérone le 26. Le même jour éclate l’insurrection de la résistance italienne, qui leur livrera Mantoue, Parme, Gênes et Milan le 29 ; l’avant-veille, Mussolini a été sommairement exécuté près de Côme. Le 1er mai, Turin tombe, tandis que la 1re division française libre, retirée du front d’Alsace après la prise de Colmar, débouche du Mont-Cenis et s’empare de Suse et de Coni. Dès le 29 avril, Vietinghoff avait signé à Caserte la capitulation sans condition des forces allemandes en Italie du Nord, en Autriche, en Styrie et en Carinthie. Elle deviendra effective le 1er mai, jour où les forces alliées du général Clark feront à Monfalcone leur jonction avec les troupes de Tito. Le 4, la Ve armée (Truscott) prend contact au sud du Brenner avec les formations de la VIIe armée du général Patch, venant d’Allemagne.

P.-A. V.

➙ Guerre mondiale (Seconde) / Italie.

 A. Goutard, le Corps expéditionnaire français dans la campagne d’Italie, 1943-1944 (Charles-Lavauzelle, 1947). / M. Carpentier, les Forces alliées en Italie (Berger-Levrault, 1949). / R. Böhmler, Monte Cassino (Munich, 1956 ; trad. fr., Plon, 1961). / Maréchal Juin, Mémoires (Fayard, 1959) ; la Campagne d’Italie (Guy Victor, 1962). / H. Pond, le Débarquement de Salerne (Presses de la Cité, 1963).

Italie (guerres d’)

Ensemble des expéditions dont l’Italie a été l’enjeu de 1494 à 1559.



L’épopée de Charles VIII

Louis XI* ne lègue à son héritier ni son esprit positif, ni son sens aigu des réalités politiques. Le jeune Charles VIII* est un prince faible qui ne rêve que de ressusciter les exploits des héros des romans de chevalerie. Comme il a hérité, à défaut des qualités paternelles, de prétentions sur le royaume de Naples, sur Chypre et Jérusalem, voire sur l’ancien empire de Constantinople, et surtout de bonnes finances et d’une bonne armée — ce qui n’est pas le fait de nombreux princes dans l’Europe d’alors —, il va pouvoir mettre au service de son rêve italien les forces vives d’une nation en pleine prospérité.

La France, dans cette fin du xve s., est riche et bien peuplée. Le pouvoir central, qui a affirmé sa prééminence sur les états généraux de 1484, peut lever des impôts réguliers sans de trop grandes difficultés. En outre, il bénéficie de l’aide des plus grands banquiers, installés à Lyon. Ceux-ci sont tous d’origine italienne, chassés de leur pays à la suite des guerres intestines. Ils sont tout disposés à financer les projets du roi en Italie pour y retrouver par ce moyen leur influence économique et leur influence politique, l’une n’allant pas sans l’autre. Le roi peut leur emprunter des deniers pour lever ses troupes, et il remboursera en leur aliénant les futures levées d’impôts.

L’armée royale est composée des nobles qui doivent le service d’ost et de nombreux mercenaires français et étrangers. Parmi ces derniers, on remarque principalement les Suisses, célèbres depuis les victoires de leur infanterie sur la cavalerie impériale (bataille de Morgarten, 1315) et sur Charles le Téméraire (Grandson et Morat, 1476). Riche en hommes, la Confédération, qui renonce au xvie s. à toute annexion territoriale, va mettre ses soldats au service des princes qui guerroient en Italie, contre argent comptant. Charles VIII en conduira 8 000 à l’assaut du trône napolitain. Un autre avantage de la France, c’est son parc d’artillerie*, constitué au milieu du xve s. par les frères Bureau. C’est elle qui va désormais décider du sort des batailles.

Pour assurer ses arrières, Charles VIII désintéresse le roi d’Angleterre Henri VII au moyen d’une forte somme d’argent (traité d’Etaples, 1492) et Ferdinand d’Aragon en lui rétrocédant les provinces de Cerdagne et de Roussillon, acquises par Louis XI (traité de Barcelone, 1493). L’empereur Maximilien Ier, qui vient de récupérer l’Artois et la Franche-Comté, dot de sa fille Marguerite, après le mariage du roi avec Anne de Bretagne, se voit rendre en outre le Charolais (traité de Senlis, 1493).

Se croyant à l’abri de toute mauvaise surprise, Charles VIII se prépare à conquérir le royaume de Naples. L’Italie, en cette aurore des Temps modernes, reste très morcelée. Des États rivaux s’y font sans cesse la guerre et font fréquemment appel à l’étranger pour vider leurs querelles. Le royaume de Naples s’est scindé en deux à la mort d’Alphonse Ier (V d’Aragon), en 1458 : Sicile et Sardaigne sont revenues à l’Espagne, et la partie péninsulaire à une branche cadette d’Aragon, encore qu’elle soit revendiquée par le roi de France en tant qu’héritier de la maison d’Anjou.