Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

• La redécouverte de la liberté. L’opposition au néo-classicisme du Novecento est d’abord le fait d’un courant expressionniste puissant et volontiers vulgaire, qu’illustrent Lorenzo Viani (1882-1936), Scipione (Gino Bonichi, 1904-1933) et Mario Mafai (1902-1965). Confondu ou confronté avec des influences extérieures, celle de Picasso notamment, il va inspirer le groupe antifasciste Corrente (1938), dont les principaux animateurs sont Renato Birolli (1907-1959), Bruno Cassinari (né en 1912), Renato Guttuso (né en 1912), Ennio Morlotti (né en 1910) et Emilio Vedova (né en 1919). Il convient également de tenir compte, surtout à partir de 1933, à Côme et à Milan, d’une activité allant dans le sens de l’abstraction géométrique. À partir de 1946, c’est un feu d’artifice de manifestes, de groupements, de ruptures, de polémiques, que, bien entendu, les prises de position politiques ne manquent pas d’accentuer jusqu’au moment où, en 1952, un fossé semble se creuser entre le clan des « réalistes » (proches du P. C. I.), dont Guttuso est le drapeau, et celui des « abstraits ». Déjà l’avant-garde se cherche autour de deux grands animateurs, Corrado Cagli (né en 1910) à Rome et surtout Lucio Fontana*, qui, à Milan, a lancé le « spatialisme », bientôt suivi par le « mouvement nucléaire » (1952). Les mêmes courants qui apparaissent alors à New York ou à Paris vont également se manifester en Italie.

• La peinture depuis 1950. L’abstraction s’appuie en Italie sur le style « froid » de quelques valeureux aînés comme Prampolini ou Atanasio Soldati (1896-1953), mais elle ne va pas tarder à s’affirmer plutôt dans la direction lyrique, plus conforme au tempérament national, d’abord avec Afro (A. Basaldella, né en 1912), R. Birolli, Alberto Burri (né en 1915), dont les tableaux en draps déchirés ou en plaques de métal brûlé seront vite célèbres, Giuseppe Capogrossi (1900-1972), aux signes hermétiques, Antonio Corpora (né en 1909), Giuseppe Santomaso (né en 1907), E. Vedova, puis Roberto Crippa (né en 1921), Gianni Bertini (né en 1922) et Gianni Dova (né en 1925), qui se rapprochera des surréalistes dans des toiles d’une grande intensité poétique. À l’exemple de Dova, de nombreux jeunes peintres subiront la contagion du surréalisme — qui, chez les uns, entre en composition avec des penchants expressionnistes (Enrico Baj [né en 1924] et ses « généraux » bardés de vraies médailles, Eugenio Barbieri [né en 1927] et ses sculptures transformables, Guido Biasi [né en 1933], Concetto Pozzatti [né en 1935], Sergio Vacchi [né en 1925]) et qui, chez les autres, se mêle à l’influence du pop’art (Valerio Adami [né en 1935], Lucio Del Pezzo [né en 1933], que l’on dirait attaché à perpétuer le De Chirico des « intérieurs métaphysiques », Milvia Maglione [née en 1934], Graziella Marchi [née en 1932]). Il faut encore signaler, au moins, les meubles surréalistes de Fabio De Sanctis (né en 1931) et d’Ugo Sterpini (né en 1927), les affiches lacérées de Mimmo Rotella (né en 1918), qui relèvent du nouveau réalisme, et les personnages peints sur un miroir par Michelangelo Pistoletto (né en 1933), proches du pop’art.

• La sculpture depuis 1950. À côté de la sculpture d’esprit géométrique, dont Aldo Galli (né en 1908) est le premier représentant en Italie, c’est encore, là aussi, le lyrisme qui l’emporte, soit dans le sens des formes harmonieuses chères à Alberto Viani (né en 1906) et à Carlo Sergio Signori (né en 1906), soit dans celui de la complexité symphonique avec Berto Lardera (né en 1911), Pietro Consagra (né en 1920), Luciano Minguzzi (né en 1911), Francesco Somaini (né en 1926), les frères Pomodoro (Arnaldo, né en 1926 Gio, né en 1930) ou Pierluca (P. degli Innocenti, 1926-1968). La tradition figurative, imprégnée, d’académisme chez Emilio Greco (né en 1913), Pericle Fazzini (né en 1913) ou Giacomo Manzu (né en 1908), tous trois d’une virtuosité déconcertante, prend des accents expressionnistes chez Marino Marini (né en 1901), obsédé par les chevaux, et chez Agenore Fabbri (né en 1911), hanté par la souffrance. Dans cette voie s’inscrivent aujourd’hui une foule de sculpteurs baroques tels qu’Augusto Perez (né en 1929), Raimondo Rimondi (né en 1922), Ermes Meloni (né en 1938), Giuseppe Pirozzi (né en 1934), Valeriano Trubbiani. On pourrait parler de sculpture néo-dada devant les « collages » en métal si pleins d’humour d’Ettore Colla (1899-1968), de sculpture pop à propos des travaux de Mario Ceroli (né en 1938), de Piero Gilardi (né en 1942) et de Pino Pascali (1935-1968).

• Les nouvelles recherches. Le rôle considérable joué par Lucio Fontana de 1946 à 1968 a encouragé l’apparition de nouvelles directions de recherche, au détriment des anciennes catégories bien tranchées d’activités artistiques. Piero Manzoni (1933-1963), qui alla jusqu’à présenter comme œuvres d’art ses propres excréments mis en boîtes, participa efficacement à ce tournant. L’arte povera, comme son nom l’indique, est presque une spécialité de l’Italie, où, par ailleurs, l’art conceptuel* et l’hyperréalisme ne laissent pas les jeunes artistes indifférents. Un important courant englobe les expériences cinétiques et l’op’art, sur les traces du pionnier Bruno Munari (né en 1907) et de Carla Accardi (née en 1924).

C’est en Italie, semble-t-il, que, par rapport au reste de l’Europe, se manifeste aujourd’hui le plus grand intérêt pour les phénomènes artistiques. Milan sera-t-elle demain la nouvelle capitale mondiale de l’art ?

J. P.

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