Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

Vers un développement planifié

L’envers du décor existe aussi. L’Italie du « miracle » ne résout pas des problèmes essentiels. Le Mezzogiorno* est toujours sous-développé, la situation agricole se détériore, la congestion urbaine s’aggrave. L’école souffre de mille maux, la croissance économique n’est pas à l’abri de crises de conjoncture. Dès 1948, un programme économique est esquissé ; il est suivi d’une série de lois instituant des plans partiels pour une région ou un secteur d’activité. En 1954, le « plan Vanoni » est présenté, mais sans modalités concrètes. Pourtant, l’action planificatrice n’a pas été vaine dans trois domaines.

• La « Cassa per il Mezzogiorno ». Ignorée pendant des années, la « question méridionale » est devenue après la Libération un problème politique, un devoir national. La condamnation géographique du Sud, le pessimisme sur son devenir ont fait place à une réflexion constructive. Le Mezzogiorno commence aux portes de Rome ; il représente 41 p. 100 de la superficie nationale et 33 p. 100 de la population, malgré l’anémie démographique qui frappe certaines provinces à la suite de l’exode rural. Le revenu global du Midi a doublé en quinze ans, mais il est encore très inférieur à celui du Nord, et le produit de l’industrie de transformation méridionale ne représente que 13 p. 100 du total national. Mais la situation était pire il y a vingt ans. Les changements sont la conséquence de la création en 1950 de la Caisse du Midi. Organisme public établi pour quinze ans (mais renouvelé pour quinze nouvelles années en 1965), doté d’une large autonomie, possédant un budget pluriannuel, la Caisse a pu mener une action à long terme. Ses orientations ont varié. Jusqu’en 1958, l’effort principal a porté sur la mise en place d’infrastructures et l’amélioration de l’agriculture. Le succès a été indéniable, mais mesuré. Alors, tout en continuant cette première action, la Caisse a voulu développer l’industrialisation. Des dégrèvements fiscaux, des crédits spéciaux, l’obligation faite aux entreprises contrôlées par l’État d’affecter au Sud 40 p. 100 du total de leurs investissements sont quelques-unes des pièces de l’arsenal législatif tendant à attirer les industries vers le Sud. Les capitaux publics précèdent les capitaux privés, plus réticents. Cette politique n’est pas restée sans effets. De grosses usines ont été construites à Tarente, Bari, Brindisi, tandis que Naples diversifie ses productions (création de l’usine de construction automobile Alfa-Sud). Pour l’heure, le retard du Sud n’est pas comblé, le déséquilibre persiste malgré l’accroissement du revenu méridional. Cependant, un nouvel état d’esprit plus favorable aux investissements méridionaux se fait jour. La part du Midi dans la production métallurgique nationale s’est élevée de 5 à 13 p. 100 de 1951 à 1969 (de 10 à 15 p. 100 pour la chimie). Les investissements en installations productrices et en machines représentaient 15 à 17 p. 100 du total national en 1951, mais 33 p. 100 en 1964 et, depuis, entre 28 et 31 p. 100. Quant aux programmes à venir, ils orientent tous une fraction importante de leur montant vers le Sud. Le tourisme y progresse à grands pas. Il semble que la Caisse du Midi recueille désormais les fruits d’une action tenace et souvent décriée injustement.

• La planification. Au moment de la politique d’« ouverture à gauche » et de la nationalisation de l’électricité (1962), la croissance économique marque une pause. Il y a là un aspect politique, mais aussi économique, car les coûts italiens se sont gonflés, l’augmentation de la consommation a limité les exportations, suscité des importations, réduit l’épargne. Tensions inflationnistes et recul du niveau de l’emploi se sont manifestés. En 1966, l’essor reprend, mais l’alerte a montré la nécessité d’une planification souple. Un « programme de développement économique 1966-1970 » est adopté. Il se propose de maintenir le rythme annuel d’accroissement du revenu national à 5 p. 100 (pour maintenir le plein emploi), de fixer de 40 à 45 p. 100 des nouveaux emplois dans le Sud, d’affecter 26 à 27 p. 100 des ressources disponibles de l’État dans des emplois sociaux (écoles, formation professionnelle, habitat social, santé publique, transports, recherche scientifique...). Si les objectifs relatifs aux activités privées ont été tenus, il n’en est pas de même pour ceux qui relèvent des dépenses publiques. Il y a là un échec dont les causes sont triples. Le capitalisme italien s’est montré peu favorable à la planification et, avec les difficultés des années récentes, n’a pas montré une grande confiance dans la monnaie nationale (les sorties de capitaux et la baisse des investissements ont été importantes). L’administration, manquant de moyens réglementaires, s’est trouvée être un instrument peu efficace d’action. Les partis politiques sont très divisés et ne peuvent mener une action cohérente de longue durée. La crise actuelle est une illustration des solutions peu satisfaisantes apportées aux problèmes fondamentaux de l’économie italienne.

• Les régions. La lourdeur de la planification nationale a fait surgir l’idée d’une planification régionale. Mais cela est lié à la mise en place des régions. La Constitution de la République italienne prévoyait une autonomie régionale. Dans un premier temps, seules les régions présentant de forts particularismes économiques ou linguistiques ont été dotées d’un statut spécial. Il s’agit de la Sicile, de la Sardaigne, du Trentin-Haut-Adige, du Frioul-Vénétie Julienne et du Val d’Aoste. Pour le reste, la question a été politisée, car la région est apparue comme un moyen de limiter le pouvoir central ou de conquérir le pouvoir par la périphérie. Jusqu’en 1953, la réforme régionale a été ignorée. Puis, de 1953 à 1970, devant l’action de l’opposition et la crise de l’administration, on a voulu essayer de faire des régions non plus une application du régionalisme politique, mais un simple instrument de décentralisation administrative. Les premiers Conseils régionaux ont été élus en juin 1971. La Constitution prévoit qu’ils ont une compétence législative, administrative, une certaine autonomie financière. Les régions pourront aussi participer à la planification économique en élaborant, dans le respect du plan national, leur propre programme de développement économique et social, en l’adaptant aux exigences de leurs particularismes historiques et culturels, en tenant compte des situations spécifiques nées de l’industrialisation et de l’urbanisation. Cette politique régionale soulève l’espoir d’une vie démocratique au sein d’une société industrielle.