Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Andes (suite)

C’est ainsi que les mines d’étain boliviennes furent au départ et pendant longtemps la propriété de grandes familles étrangères. En 1952, l’État bolivien décida de nationaliser les vingt-quatre grandes mines en exploitation, soit près de 80 p. 100 des réserves d’étain. Actuellement, les mines nationalisées occupent environ les deux tiers des ouvriers mineurs. La misère du mineur est très grande et les conditions de travail extrêmement dures, les mines se situant à une altitude de 3 500, voire 4 000 m.

Au Chili, l’industrie du cuivre a pris le relais de la monoproduction du nitrate, qui s’effectuait non pas dans les Andes elles-mêmes, mais sur la bordure pacifique du désert d’Atacama. La grande industrie minière, fournissant environ 90 p. 100 de la production, fut longtemps (jusqu’en 1970) aux mains de grandes entreprises étrangères (essentiellement nord-américaines) possédant leurs fonderies sur place et exportant le produit du premier traitement.

Entre 1950 et 1965, l’Amérique andine est devenue une zone d’exploitation intensive du minerai de fer. À vrai dire, la grande compagnie nord-américaine Bethlehem Steel possédait depuis longtemps de gros intérêts dans les mines de fer du Chili. Mais, plus récemment, elle s’est implantée au Venezuela et au Pérou, tandis que d’autres grandes compagnies nord-américaines et une compagnie japonaise ont mis en exploitation au Venezuela, au Chili, au Pérou et en Colombie les gisements de minerai de fer à haute teneur nouvellement découverts, dont la qualité intéresse particulièrement les sidérurgies des grands pays industriels.

Ainsi les pays andins demeurent-ils, le plus souvent, des pays d’économie de matières premières, dont les richesses brutes du sous-sol partent vers les grandes villes des pays industriels, les privant ainsi de la prospérité qu’ils pourraient tirer de la transformation de leurs abondantes ressources minières. Certes, une certaine industrie de transformation commence à apparaître, avec quelques tentatives d’industries sidérurgiques pour utiliser le minerai de fer, quelques usines travaillant les autres minerais. Mais toutes ces implantations se font dans les pôles de croissance que sont les grandes villes. Or, celles-ci se situent sur les marges des Andes, dans les plaines bordant le Pacifique, bien plus que dans la montagne andine elle-même, qui reste une zone d’économie archaïque tant en ce qui concerne l’agriculture que l’utilisation des richesses du sous-sol.


Les villes et les transports

Cependant, les Andes sont riches d’une tradition urbaine ancienne, puisqu’elles comptaient déjà à l’époque précolombienne des cités incas comme Cuzco, Quito, Arequipa et que l’époque coloniale y laissa une tradition hispanique de construction des villes avec un plan particulier, comportant notamment une place centrale. Mais quand elles se trouvaient dans les Andes elles-mêmes, ces villes se sont généralement peu développées, et celles du littoral ont pris le commandement de l’organisation moderne de l’espace, incluant la montagne dans leur zone périphérique d’influence. Font exception des centres comme Medellín ou Bogotá en Colombie, Mérida au Venezuela, Quito en Équateur, Arequipa au Pérou, qui, situés au cœur des Andes, demeurent des cités importantes, tandis que La Paz est la capitale de la Bolivie. Pourtant, la plupart de ces centres urbains des Andes, centres administratifs, politiques et culturels de l’époque coloniale, n’ont pas directement participé à l’évolution née de l’économie moderne et du développement du commerce et de l’industrie. Ils restent des villes de résidence des grands propriétaires fonciers ou des centres d’exploitation minière, ou encore, lorsqu’ils se trouvent sur un axe de circulation transandin, des villes de transit ; ils ne constituent jamais les pôles du développement moderne de l’espace régional. Seules Bogotá et Medellín sont vraiment des métropoles importantes et ont une influence sur l’économie de leur espace environnant. La Paz n’est que la capitale politique d’un pays particulièrement pauvre, typiquement andin. Quant aux autres zones de la montagne, elles dépendent surtout de villes périphériques, telles Lima pour le Pérou, Santiago ou Valparaíso pour le Chili, Caracas pour le Venezuela. En Équateur, l’importance économique de Guayaquil est bien plus grande que celle de Quito.

Ces villes littorales sont généralement reliées à la montagne andine par un certain nombre d’axes de transport, axes ferroviaires (malgré les difficultés de construction qu’ils rencontrent) ou routiers. En outre, malgré l’immensité de la barrière qu’elles constituent entre le Pacifique et la partie orientale de l’Amérique du Sud, les Andes sont traversées par quelques axes transandins, comme l’axe ferroviaire permettant de passer d’Argentine au Chili ou la route conduisant de la plaine pacifique péruvienne à la plaine intérieure située à l’est de la barrière montagneuse. Le réseau andin comporte aussi un certain nombre de lignes de chemin de fer plus locales, en particulier dans les Andes de Colombie ; mais il s’agit toujours de moyens d’assez faible capacité, par suite de la raideur des pentes. Quant aux routes, leur état est souvent assez précaire. Aussi est-ce encore l’avion qui franchit le plus souvent les Andes, assurant les relations entre les pays tournés vers l’Atlantique et ceux de la côte pacifique, mais accentuant davantage la marginalité de la montagne.

Ainsi, les Andes sont-elles dans leur ensemble une région de hautes terres qui ont connu une civilisation très originale à l’époque indienne, ont assuré la prospérité espagnole par l’abondance de leurs richesses minières, mais qui sont devenues actuellement des terres d’économie sous-développée, de misère et d’émigration. Il ne faut cependant pas oublier que l’économie andine s’intègre dans les économies nationales, sur lesquelles elle pèse proportionnellement à l’extension même de la montagne à l’intérieur du territoire de chaque État : au Venezuela, où les Andes ne forment qu’une petite partie du pays, au Chili, où, malgré leur extension plus grande, elles offrent des conditions différentes de mise en valeur, elles n’affectent que faiblement l’économie nationale, tandis qu’elles pèsent de tout leur poids en Bolivie, où elles constituent l’essentiel de l’espace habité et mis en valeur. Entre ces deux types de pays, la Colombie, l’Équateur et le Pérou forment des catégories intermédiaires.

M. R.

➙ Amérique latine / Amérique précolombienne / Bolivie / Chili / Colombie / Équateur / Indiens / Pérou / Venezuela.

 UNESCO, la Urbanización en America Andina (Liège, 1962). / P. Cunill, l’Amérique andine (P. U. F., coll. « Magellan », 1966).