Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Iran (suite)

Les bronzes du Luristān

Il y a une quarantaine d’années, le marché des antiquités orientales fut submergé de très nombreux objets en bronze, fort originaux et d’une étonnante diversité. On les disait provenir des montagnes du Luristān (Lorestān), partie des montagnes du Zagros située au sud de Kermānchāh. Les tombes de cette région, pillées par les paysans, fournirent aux musées et aux collections privées des milliers d’objets de toute nature : des armes, dont certaines particulièrement élaborées, des bijoux, pièces de harnachement et « idoles » complexes...

Jusqu’à une date très récente, aucune fouille archéologique dans cette région restée longtemps peu sûre n’avait pu contrôler les groupements d’objets dans les tombes, ni leur rapport avec la céramique. La diversité d’inspiration des bronzes du Luristān, où l’on relevait des traces tantôt mésopotamiennes, tantôt élamites, tantôt assyriennes, donnait libre cours aux interprétations les plus variées et aux datations les plus divergentes. On put enfin entreprendre des fouilles de contrôle dans de nombreuses nécropoles du Luristān (fouilles belges en collaboration avec le Service archéologique iranien).

La diversité des objets appelés bronzes du Luristān rend de plus en plus délicate l’utilisation de ce terme malheureusement consacré par l’usage. Les plus anciens s’apparentent aux objets de Suse du IIIe et du IIe millénaire. À partir du xiiie s., la production locale adopte un style très original, mais qui ne recule pas devant l’utilisation de motifs mésopotamiens, totalement repensés, par exemple le thème du maître des animaux. Le caractère votif ou d’apparat de certains objets est évident : le taillant de nombreuses haches, au lieu d’être parallèle au manche, est perpendiculaire, rendant l’arme inutilisable. L’abondance d’objets de harnachement incite à voir dans les utilisateurs un peuple de cavaliers. Cette civilisation des bronzes tardifs du Luristān s’est étendue sur plusieurs siècles et a subsisté en plein âge du fer, sans doute jusqu’au début du viie s. av. J.-C.

J.-L. H.

 A. Godard, les Bronzes du Luristan (Van Oest, 1932). / P. Calmeyer, Datierbare Bronzen aus Luristan und Kirmanshah (Berlin, 1969).


L’Empire mède (v. 612-550)

Les scribes assyriens se gardant bien de révéler les échecs de leurs rois, nous ignorons tout de l’évolution qui aboutit à l’élimination des Scythes et des Cimmériens et à la réunion des Mèdes en un seul État. Leur roi, Cyaxare (v. 625-585), intervient aux côtés des Babyloniens contre l’Assyrie, à laquelle il porte les coups décisifs en prenant Assour (614) et Ninive (612). Son empire s’étend sur les ruines des États assyrien et ourarthéen, mais on ne sait rien de sa partie iranienne, si ce n’est qu’il a sa capitale à Ecbatane et qu’il domine les petits royaumes perses de Parsoumash (en Elam) et de Parsa (la Perside des Grecs, dans le Fārs actuel), qui est sans doute le point d’aboutissement de la migration perse ; enfin, nous savons que c’est une tribu mède, les Mages, qui adapte et répand en Iran la réforme religieuse de Zarathushtra (viie s. ?), un Iranien de l’Est qui a épuré les croyances et les rites des Aryens.


Le premier Empire perse (v. 550-331)

Il est fondé par le roi d’Anshan (c’est-à-dire de Parsoumash), l’Achéménide Cyrus* II, qui se révolte contre le roi des Mèdes, Astyage, et lui enlève ses domaines. (V. achéménides.) Les autres conquêtes du fondateur de l’empire et de ses premiers successeurs étendent la domination perse sur tout le Proche-Orient, qui, pour la première fois, est regroupé en un seul État. Avec cette construction politique, un nouvel équilibre, qui durera jusqu’au viie s. apr. J.-C., s’est établi dans cette grande zone : aux centres traditionnels des empires — Égypte, Mésopotamie, Anatolie — est substitué ce pays, longtemps plus pauvre et moins évolué, qu’est l’Iran. C’est que les montagnes et les steppes de ce bloc aride fournissent en abondance des cavaliers et des fantassins braves et endurants, très supérieurs aux troupes recrutées dans la masse docile des cultivateurs des pays mieux dotés par la nature. Et l’Iran n’est pas trop excentrique par rapport aux conquêtes réalisées à l’ouest, puisque l’expansion achéménide a atteint les steppes du Turkestan et la partie occidentale du bassin de l’Indus.

Mais le cœur de l’empire reste bien mal connu. Si les inscriptions de Darios* Ier (522-486) à Béhistoun et les Histoires d’Hérodote donnent des listes des pays et des peuples faisant partie de l’empire, on a beaucoup de mal, à l’est de la Mésopotamie, à placer ces noms sur la carte. On peut cependant constater que ces populations, fort variées, ne sont pas toutes aryennes. D’autre part, en dehors de la Perside, où les rois ont laissé des palais, des tombes rupestres et des temples du feu, les fouilles en Iran n’ont livré des vestiges achéménides qu’à Suse, à Ecbatane et aux abords de ces deux capitales. L’absence dans le reste de l’ensemble iranien de constructions monumentales et d’inscriptions remontant à l’époque achéménide semble indiquer qu’en dehors des Perses et des Mèdes, qui avaient tiré profit des conquêtes, les autres populations — agriculteurs ou pasteurs — étaient restées à un niveau culturel et économique assez bas.


La domination séleucide (311-129 av. J.-C.) et l’Empire parthe v. 148 av. J.-C. - 224 apr. J.-C.)

L’immense domaine des Achéménides passe à leur vainqueur, Alexandre* le Grand, qui, après la mort de Darios III (330), occupe l’Iran, ne rencontrant de résistance que dans la Bactriane, où règne un très fort particularisme.

À la mort du grand Macédonien, son empire se morcelle, et le bloc iranien va revenir à la dynastie fondée par Séleucos Ier. (V. Séleucides.) Il constitue alors l’extrémité orientale d’un État démesurément allongé d’ouest en est et dont les rois se tournent de préférence vers le littoral méditerranéen, où se situent les foyers de la civilisation hellénistique*, à laquelle ils se rattachent, et les États des dynasties rivales, fondés par d’autres lieutenants d’Alexandre. Aussi, dès 303, Séleucos Ier abandonne-t-il à l’Indien Candragupta (Chandragupta) l’Afghānistān et le Baloutchistan pakistanais actuel, désormais marches frontières d’une Inde en plein essor. Mais le domaine séleucide est encore trop étendu, et des dissidences se manifestent en Iran, favorisées par la difficulté des communications et suscitées par le particularisme ethnique ou religieux ou le besoin d’une défense locale contre les nomades d’Asie centrale. Ainsi se détachent de la souveraineté séleucide, sans éclat et par étapes, au début du iiie s. : la Médie Atropatène (Azerbaïdjan), dominée par une dynastie perse, au milieu du iiie s. ; la Parthiène (dans l’actuel Khorāsān), tombée aux mains d’un peuple scythe, les Dahes (ou Dahai), qui y fondent le royaume parthe* sous la dynastie arsacide ; la Bactriane, qui passe dans la mouvance grecque ; enfin, la Perside, gouvernée par des indigènes qui semblent les chefs du clergé mazdéen local.