Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Iran (suite)

Le modelé de l’Iran intérieur est caractérisé par des bassins endoréiques. Leur paysage comporte deux aspects contrastés. La zone externe est le dacht de cailloux perméables, qui passe par des cônes d’épandage à la zone interne, le kavir proprement dit à sols humides couverts d’une mince pellicule d’eau en hiver, d’une croûte de sel et surtout de gypse en été. Dans le Lut surtout s’y ajoutent des massifs dunaires, ou des remblaiements argileux découpés par l’érosion hydro-éolienne en longues crêtes (kalut) parallèles à la direction du « vent des 120 jours » et dominant d’une centaine de mètres les couloirs qui les séparent. Les périodes froides et humides du Quaternaire se sont marquées par des phases de sédimentation bien reconnaissables dans les régions marginales, mais dont les effets morphologiques restent encore discutés dans le centre des cuvettes arides.


Les régions biogéographiques et le tapis végétal

Si les contrastes thermiques entre terres froides (sardsir) du haut plateau et terres chaudes (garmsir) des rives du golfe Persique, fondement des rythmes migratoires des nomades, sont vivement ressentis par la conscience populaire, la base des divisions régionales n’en reste pas moins l’opposition entre régions humides et régions arides. L’expression la plus nette en est la limite de la culture pluviale des céréales. En gros, elle englobe toutes les chaînes de l’Iran du Nord, et le Zagros, ainsi que la partie nord-ouest du plateau (Azerbaïdjan), mais à l’exception d’un certain nombre de bassins encastrés dans les hautes terres, comme la cuvette du lac d’Ourmia (ou lac de Rezāyè) et les plaines inférieures de l’Araxe, ou les hauts bassins du Fārs. Inversement, l’Iran oriental et central voit dominer les régions incultivables sans irrigation, à l’exception d’îlots montagneux plus arrosés dans l’extrémité sud-orientale, de plus en plus rétrécie, du Zagros, dans les hauts massifs de l’Iran central au-dessus de Yezd et dans le Kermān.

Cette limite, capitale pour la vie rurale, est également dans l’ensemble celle qui sépare les formations végétales arborées des formations dénudées (steppe sans arbres et désert). Les forêts peuvent se diviser à leur tour en forêts humides (c’est la forêt Caspienne), adaptées à des pluies en toutes saisons, et forêts sèches, adaptées à une sécheresse saisonnière.

Sur le versant nord de l’Elbourz s’est en effet conservée une forêt composite, très riche en espèces, comprenant beaucoup d’essences tropicales qui ont résisté aux glaciations dans cette position privilégiée. Un faciès de basses terres voit prédominer le chêne à feuilles de châtaignier, le charme, l’orme, associés à des arbres caractéristiques comme Parrotia persica et Gleditschia caspica ; la vigne sauvage, le buis et le sureau dominent dans le sous-bois. En altitude, on voit le hêtre se multiplier, d’abord associé au charme entre 300 et 1 200 m, puis presque exclusif, avec des érables, entre 1 200 et 1 800 m. Le chêne macranthère l’emporte enfin dans les étages supérieurs, jusqu’à la limite supérieure de la forêt, qui se situe à 2 100 m à l’ouest, à la frontière soviétique, et aux environs de 2 500 m dans les secteurs centraux et orientaux. Le passage aux versants intérieurs arides est brutal, ce qui explique en partie l’absence à peu près totale de conifères, si l’on excepte des peuplements de cyprès (associés aux oliviers) dans la moyenne vallée du Sefid Rud.

Sur le versant interne de l’Elbourz, c’est une forêt sèche, à base de genévriers, qui constitue la formation climatique, d’ailleurs très ouverte. Sa limite inférieure est une limite d’aridité, qui se relève de 1 000 à 1 200 m à l’ouest jusque vers 1 800 m à l’est à partir du méridien de Téhéran. Dans le Zagros c’est une forêt de chênes qui constitue l’étage montagnard et s’observe jusqu’au méridien de Chirāz, à l’est duquel les chênes disparaissent. Des érables, des frênes et de nombreux buissons déjà xérophiles s’y ajoutent. Au nord-ouest, c’est une formation mixte à chênes et genévriers, adaptée à des hivers plus rudes, qui fait la transition avec les forêts du Taurus oriental. Les limites de l’étage forestier vont approximativement de 800 ou 900 m à 2 200 ou 2 300 m. Il s’agit typiquement de l’étage méditerranéen montagnard.

Dans le centre, l’est et le sud-est de l’Iran, les véritables forêts disparaissent. Les arbres sont cependant encore présents dans des formations steppiques arborées qui font la transition avec les steppes rases. Une formation à pistachiers et amandiers est caractéristique des piémonts caillouteux (dacht) de l’Iran intérieur recevant, selon la nature des sols, de 150 à 300 ou 400 mm de pluies. Elle disparaît dans les sols imperméables. Sa limite inférieure est aux environs de 1 000 m autour du Grand Kavir, aux environs de 1 300 ou 1 500 m autour du Lut et du Sistān. Elle descend jusque vers 600 à 700 m autour de certains bassins fermés du Khorāsān. Elle comprend une forte proportion d’arbres fruitiers, ce qui indique bien son caractère de formation semi-spontanée, à la fois éclaircie et protégée par Faction humaine. C’est une formation à hivers froids. La végétation arborescente du Garmsir à hivers tièdes comprend deux aspects : un étage supérieur à jujubiers et myrtes vers 1 000 à 1 200 m, un étage inférieur à acacias et palmiers nains. Sa limite septentrionale correspond approximativement à celle du palmier dattier. Elle englobe non seulement toute la plaine littorale du golfe Persique, mais également, en faisant une incurvation prononcée vers le nord, tout le Lut jusque vers 1 500 m d’altitude ainsi que la bordure sud du Grand Kavir, où Tabas est la plus septentrionale des oasis à palmiers.

Cette description des principaux types de formations arborées reste très théorique. Un extraordinaire déboisement n’a laissé subsister que des lambeaux souvent infimes des formations primitives, moins de 5 p. 100 de la forêt sèche de genévrier ou de la formation à pistachier et amandier, un dixième au plus de la forêt de chêne du Zagros. Seule la forêt Caspienne, quoique largement dégradée, reste encore étendue à peu près à la moitié de sa surface primitive dans les secteurs montagneux. Sur le versant intérieur de l’Elbourz et dans tout l’Iran à l’exception du versant caspien, la formation de remplacement est une steppe xérophytique rase, où seuls des rubans de peupliers et de saules viennent marquer les inféroflux et les abords des villages.