Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

investissement (suite)

Mais c’est surtout dans le cas de projets d’investissements publics que l’on a estimé que l’efficacité d’un investissement n’était pas liée exclusivement à la rentabilité immédiate, mais aussi à tous les avantages et inconvénients que l’on pouvait attendre de loi. En fonction de ces remarques, on a assisté au développement de l’analyse coût-bénéfice (cost-benefit analysis), appliquée aux investissements décidés par la puissance publique. D’une façon générale, l’analyse coût-bénéfice se propose d’éclairer les éléments propres à fonder les décisions qui doivent être prises dans le cas d’un investissement public : il faut déterminer si la réalisation d’un projet peut être justifiée du point de vue de l’économie prise dans son ensemble ; il faut choisir les meilleurs (c’est-à-dire les plus rentables ou les plus efficaces) parmi une série de projets d’investissement concurrents ; il convient de ne pas oublier que le montant des dépenses publiques est limité, dans la pratique, par le budget*. Une telle méthode d’analyse conduit à prendre en considération non seulement les coûts et bénéfices directs, mais encore les coûts et bénéfices indirects et aussi ceux que l’on appelle les éléments non quantifiables ou intangibles.

• Le coût direct se détermine assez facilement parce qu’il concerne les dépenses engagées pour la réalisation matérielle du projet d’investissement et pour l’exploitation qui en découle. Il en est de même pour le bénéfice direct, puisqu’il s’agit de celui qui revient aux bénéficiaires directs du projet (par exemple, dans le cas de projets d’irrigation, le bénéfice direct est la valeur du blé supplémentaire dû à l’irrigation, diminuée des frais de culture supplémentaires).

• Les coûts indirects soulèvent déjà plus de difficultés dans la mesure où ils se rapportent à des dépenses supportées involontairement par des tiers et dès lors plus difficilement évaluables : ainsi, les eaux usées d’une usine peuvent causer un préjudice à une station thermale ; de même, la construction d’une autoroute peut être à l’origine d’une baisse de revenus des riverains (commerçants) de la route, concurrencée par cette nouvelle liaison routière. Inversement, le bénéfice indirect correspond à l’avantage que retirent des personnes non directement favorisées par le projet, sans pour autant devoir payer pour cela.

• Enfin, le bénéfice intangible réside dans l’embellissement (ou la détérioration, dans le cas du coût) du paysage, dans les possibilités supplémentaires de tourisme créées par la construction d’un barrage. L’estimation de ces coût ou bénéfice ne peut être que très arbitraire, surtout si l’on ne dispose d’aucune valeur de marché comparable. Finalement, l’investissement sera décidé en fonction de tous les éléments entrant dans la comparaison entre le coût et le bénéfice du projet d’investissement public.


Investissement direct et investissement de portefeuille

Dans le domaine de l’économie internationale, la pratique a privilégié, en raison de leur importance par rapport à d’autres investissements (notamment publics), la distinction entre investissements directs et investissements de portefeuille. D’une façon générale, l’investissement peut se faire par voie d’achat de valeurs mobilières sur le marché ou par prise de participation dans le capital d’une société, en vue de disposer d’une filiale de l’entreprise mère. Dans le premier cas, on se trouve en présence d’un investissement de portefeuille, et dans le second cas d’un investissement direct. Il existe des différences remarquables entre ces deux formes de l’investissement privé.

• Au point de vue financier, celui qui achète des valeurs mobilières étrangères pour les détenir en portefeuille n’entend pas réaliser un placement foncièrement différent des autres placements qu’un épargnant a généralement la possibilité d’opérer en achetant les titres émis par des sociétés de son pays. Cela implique en particulier que, au prix d’achat et au taux de rendement correspondants, ce placement lui assure la faculté de pouvoir négocier éventuellement cette participation à des conditions aussi avantageuses que celles qui sont prévues pour les valeurs mobilières émises dans son propre pays. Au contraire, le capitaliste qui prend une participation dans une société étrangère immobilise, le plus souvent, ses avoirs à l’étranger de telle façon qu’il lui sera beaucoup plus difficile, peut-être même impossible, de réaliser son investissement le cas échéant. Mais s’il accepte ce risque, c’est que celui-ci est la contrepartie du contrôle de la société étrangère à laquelle il confie ses capitaux. Les conditions de l’investissement direct se trouveront encore plus purement réunies dans le cas où une société fonde une filiale à l’étranger en vue d’y étendre son activité. En fait, c’est le degré de contrôle auquel l’investisseur étranger parvient qui fonde la distinction. Un investissement direct permet d’obtenir le contrôle d’une affaire, alors qu’un investissement de portefeuille ne l’implique pas souvent.

• Au point de vue économique, un achat de valeurs mobilières dans le cas d’un investissement de portefeuille est une opération de placement qui trouve sa fin en soi. Il n’est donc pas sûr qu’il provoque à l’intérieur du pays récepteur une formation de capital correspondant. Au contraire, dans le cas de l’investissement direct, l’opération de prise de participation se ramène souvent à l’emploi de capital nouveau en biens productifs permettant la réalisation d’un équipement ou d’une série d’équipements bien déterminés.

D’un point de vue théorique et aussi dans la perspective d’un développement économique axé sur le capitalisme, la supériorité de l’investissement direct tend nettement à ressortir de la comparaison entre les deux formes d’investissement privé à l’étranger. Il semblerait que ce jugement ait été ratifié par les faits eux-mêmes : en effet, depuis 1960, on assiste à un essor spectaculaire de l’investissement direct. Cette expansion, que l’on a pu qualifier de spontanée, est très évidente surtout pour les investissements à l’étranger en provenance des États-Unis. La pénétration des capitaux américains dans différents pays du monde a suscité bien des commentaires : certains insistent sur les avantages apportés par ces investissements dans le domaine du développement ; d’autres dénoncent la dépendance dans laquelle se trouvent ou se trouveront placées les économies nationales. Les années 1960 ont marqué un tournant décisif : à partir de cette date, les investissements américains ont augmenté à un rythme extrêmement rapide, si bien que l’on a pu parler pour les années 1970 d’une phase de croissance exponentielle. Cette croissance apparaît très nettement à travers les chiffres : pour un montant d’avoirs à l’étranger de 157 836 millions de dollars au 1er janvier 1970, les avoirs privés à long terme représentaient 96 029 millions (soit 61 p. 100), dont 70 763 millions d’investissements directs des entreprises américaines (45 p. 100). Ce chiffre est impressionnant et sans commune mesure avec les chiffres connus des autres pays investisseurs, notamment ceux de l’Europe occidentale.