Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

‘Abbādides ou Banū ‘Abbād (suite)

La Reconquista et l’intervention des Almoravides

À la fin du xie s., les princes chrétiens deviennent plus menaçants. En 1085, le roi de Castille s’empare de Tolède. Il se montre de plus en plus exigeant vis-à-vis des seigneurs musulmans et réclame à al-Mu‘tamid la cession d’une partie de son royaume.

Menacés, les rois de taifas appellent à leur secours le sultan almoravide Yūsuf ibn Tāchfīn, qui règne au Maghreb. Ce dernier répond à leur appel, inflige en 1086 aux chrétiens la lourde défaite de Zalaca (al-Zallāqa), puis rentre en Afrique. Après son départ, les chrétiens reprennent leurs incursions contre les principautés musulmanes, qui implorent de nouveau l’aide du sultan berbère. Celui-ci accède à leur demande, mais bientôt se retourne contre elles et les annexe à son empire.


La chute des ‘Abbādides

Le royaume de Séville résiste héroïquement aux troupes almoravides. Cependant, à la fin de 1090, l’armée d’ibn Tāchfīn parvient à occuper Tarifa, Cordoue et enfin la capitale, Séville. Fait prisonnier, al-Mu‘tamid est envoyé au Maroc, où il meurt en 1095.

Sous le règne des ‘Abbādides, les lettres et les arts avaient connu un remarquable essor. Al-Mu‘tamid lui-même ainsi que son vizir ibn Zaydūn figurent parmi les grands noms de la poésie arabe.

M. A.

➙ Almoravides / Andalousie / Espagne / Reconquista / Séville / taifas (les royaumes de).

‘Abbās Ier le Grand

(1571 - Māzandarān 1629), chāh de Perse (1587-1629).


Le règne de ce conquérant marque l’apogée de la dynastie des Séfévides.

L’avènement sur le trône de ‘Abbās est précédé de dix années de querelles dynastiques et d’invasions. Après la mort d’Ismā‘īl II (1578), le père de ‘Abbās, Muḥammad Khudābanda devient roi, mais il est déposé en 1587 par le gouverneur de Turbat, auprès duquel vit le jeune ‘Abbās, et ce dernier monte sur le trône : il a seize ans.

La situation du royaume n’est guère brillante alors : la Perse est menacée à l’intérieur par les ambitions des gouverneurs et des émirs locaux, et à l’extérieur par les attaques des Ouzbeks à l’est et par celles des Ottomans à l’ouest. ‘Abbās Ier agit avec vigueur ; s’appuyant sur un corps de cavalerie composé de prisonniers géorgiens chrétiens convertis à l’islamisme, il réprime les révoltes et pacifie les provinces. Il se montrera souvent cruel, fera aveugler son père, deux de ses frères et un de ses fils, et en fera exécuter un autre. À l’extérieur, il doit d’abord rester sur la défensive : par le traité de Constantinople (1590), il renonce temporairement à lutter contre les Ottomans. Il lui faut avant tout réorganiser son armée : deux Anglais, Anthony et Robert Sherley, vont l’y aider. ‘Abbās Ier dotera son artillerie de canons de cuivre et se constituera une forte armée permanente, en partie composée de chrétiens convertis. Il profite de rivalités intestines chez les Ouzbeks pour les attaquer et leur reprendre Mechhed et Harāt (1599). Puis, se tournant contre les Ottomans, il envahit l’Azerbaïdjan et remporte une victoire décisive près de Tabriz (1606) ; en 1623, il occupe Bagdad, mais pour peu de temps, car, dès 1638, le sultan Murad IV récupérera définitivement la Mésopotamie. Au sud de son royaume, ‘Abbās Ier enlève, avec l’aide des Anglais, Ormuz aux Portugais, qui y étaient installés depuis 1507, et fonde en face le port de Bandar ‘Abbās ; mais, au nord-est de la Perse, il ne parvient pas à s’assurer la possession définitive de la Géorgie. En 1621, il reprend Kandahar au Grand Moghol.

Cet empire qu’il agrandit et sur lequel il fait régner une autorité sans conteste, ‘Abbās Ier cherche à le consolider par une intense activité diplomatique : il envoie de nombreuses ambassades auprès des grandes puissances européennes — qu’il ne parviendra pas, cependant, à engager dans la lutte contre les Ottomans — et se ménage de bonnes relations avec les princes de Moscovie et les khāns tatars de Crimée. Il cherche, d’autre part, à relier les diverses régions de son empire, construit des routes et des ponts, et réorganise les caravansérails aux étapes.

Grand constructeur, il élève des mosquées et des palais dans plusieurs villes de la Perse, et surtout, sédentarisant la dynastie séfévide, qui était demeurée plus ou moins nomade, il fait d’Ispahan sa capitale. Cette ville avait déjà été la résidence des Seldjoukides au xie et au xiie s., mais c’est à ‘Abbās Ier qu’elle dut son incomparable splendeur : elle devint une cité de 600 000 habitants et s’orna de palais, de mosquées et de jardins magnifiques. Le chāh fit tracer, du nord au sud de la ville, une large promenade agrémentée de jardins et de monuments. Il aménagea, au centre de la cité, la place royale, la bordant d’arcades doubles, surélevant le charmant pavillon de l’‘Alī Qāpu et construisant la mosquée du cheykh Lotfollāh ; sur le côté sud de la place fut édifiée la mosquée royale. Entre la promenade et la place royale, on éleva sur une terrasse le palais des « quarante colonnes », entouré de jardins et précédé d’un miroir d’eau. Aussi Ispahan fut-elle, au dire des voyageurs de l’époque, la plus belle ville du monde. ‘Abbās Ier le Grand mourut dans le Māzandarān en 1629. La médiocrité de ses successeurs allait bientôt entraîner le déclin de son empire. Le Français J. Chardin, qui séjourna en Perse, d’où il nous rapporta un précieux Voyage en Perse et aux Indes orientales (1686), devait écrire : « Quand ce grand prince cessa de vivre, la Perse cessa de prospérer. »

C. D.

➙ Iran / Ispahan / Séfévides.

 L. L. Bellan, Chah Abbas Ier, sa vie, son histoire (Geuthner, 1933).