Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Inde (suite)

À partir de 1945, l’indépendance de l’Inde était devenue inéluctable. L’arrivée au pouvoir des travaillistes facilita les choses. Seule l’opposition entre Ligue musulmane et Congrès la retarda. Le Congrès, où siégeaient d’ailleurs quelques musulmans, voulait le maintien de l’unité politique du pays. La Ligue musulmane, sous l’impulsion de Muḥammad ‘Alī Jinnah (1876-1948), voulait la création d’un Pākistān regroupant les régions à majorité musulmane. Après l’échec du plan Wawell, visant à réconcilier la Ligue et le Congrès, les rapports se dégradèrent dangereusement entre les deux communautés. Le 16 août 1946 était proclamée journée d’action directe (Direct Action Day) par la Ligue musulmane. Les jours suivants virent se multiplier de véritables émeutes religieuses. À Calcutta, les émeutes firent 5 000 morts. Les troubles furent également très graves au Bihār et au Pendjab. L’intervention de Gāndhī permit de rétablir un certain calme. Toutefois, trop de sang avait été versé, trop de haines accumulées. Un point de non-retour avait été atteint. La partition de l’Inde (le Mahātmā parlait de « vivisection ») était désormais engagée dans un processus irréversible. En juin 1947, le dernier vice-roi des Indes, lord Mountbatten of Burma, annonçait la possibilité, pour les provinces à majorité musulmane, de faire sécession. C’était officialiser la partition. Nehru, Premier ministre du gouvernement provisoire, dut s’y résigner.

Était-ce, comme beaucoup de nationalistes indiens l’ont dit, le « cadeau empoisonné » ou la « flèche du Parthe » des Britanniques ? (V. Pākistān.) Il est difficile de trancher d’une façon catégorique. En juillet, le Parlement britannique votait l’Indian Independence Act, transférant l’autorité britannique à l’Union indienne et au Pākistān. Les réjouissances officielles furent endeuillées par de nombreux massacres dans des régions à fortes minorités religieuses (comme le Pendjab). L’assassinat de Gāndhī le 30 janvier 1948 par un fanatique hindou marquait bien la fin d’une certaine idée de l’Inde, d’une Inde où le problème du communalisme aurait enfin été réglé.


L’Inde indépendante

Ainsi, le 15 août 1947, le pays était libre, mais au prix d’une partition douloureuse. C’est à partir de 1937 que, sous l’impulsion de Muḥammad ‘Alī Jinnah (v. Pākistān), le mouvement pour l’indépendance avait connu un vigoureux essor. Dès 1940, il revendiquait la création d’un État musulman. Les violences de 1946 rendirent la partition inéluctable. Réalisée en fonction de la religion dominante et sur les bases démographiques du census de 1947, l’indépendance aboutit à une double création : l’Union indienne, État de 315 millions d’habitants avec, toutefois, 35 millions de musulmans ; le Pākistān, originalité ou hérésie géographique, puisque constitué de deux pays distants de plus de 1 500 km, la majorité du bassin de l’indus (30 millions d’habitants) et le Bengale oriental (45 millions d’habitants), qui comprenait environ 25 p. 100 d’hindous.

Indépendamment de toute question politique ou religieuse, cette partition allait faire naître de graves difficultés.

Humainement, elle entraîna de nombreux massacres dans toutes les régions — comme le Pendjab, le Bengale — où existaient d’importantes minorités religieuses. De vastes échanges de populations s’ensuivirent : 15 millions d’êtres subirent l’exode dans des conditions dramatiques. L’Union indienne en reçut 9 millions, le Pākistān 6 millions.

Économiquement, le côté artificiel d’un découpage reposant uniquement sur des critères religieux apparut vite. Le Pendjab, ne vivant que grâce à l’irrigation des eaux de l’indus et de ses affluents, en fut la première preuve : faute d’un accord entre les deux pays sur le partage des eaux, la situation serait devenue catastrophique. Ce n’est qu’en 1960 qu’un traité, l’indus Waters Treaty, régla la question, et encore fallut-il, pour aboutir, les pressions de la Banque mondiale. Au Bengale, ce fut bien pis encore. La partie orientale, grande zone productrice de jute, se vit privée des usines qui le traitaient. Pour l’essentiel, ces usines étaient à Calcutta, qui faisait partie de l’Union indienne. La rupture des relations commerciales entre l’Inde et le Pākistān obligea les deux parties à une reconversion coûteuse.

En regard de ces difficultés, l’intégration des États princiers semblait presque facile. Le plan Mountbatten avait prévu que les 562 États pourraient soit rester indépendants, soit demander leur rattachement à l’Inde ou au Pākistān. Un certain nationalisme, l’action énergique du Sardar Patel et le simple réalisme politique amenèrent la plupart des États à proclamer leur rattachement à l’Union indienne. Le 15 août 1947, trois États n’avaient pas encore pris position.

Le Cachemire* allait devenir la pierre d’achoppement des relations indo-pakistanaises.

En février 1948, les 700 000 habitants du Junagadh demandaient par plébiscite leur intégration à l’Union indienne.

Restait le problème de l’État d’Hyderābād (17 millions d’habitants), dont le niẓām, souverain musulman d’une population en majorité hindoue, avait proclamé l’indépendance. De nombreux désordres, des négociations avortées provoquèrent l’intervention de l’armée indienne et l’intégration de l’Hyderābād. Momentanément, le niẓām demeurait gouverneur de son État. Très vite dans le cadre de la réorganisation linguistique des États, la province d’Hyderābād devait être partagée entre quatre nouveaux États : le problème était ainsi réglé.

Ayant ainsi, tant bien que mal, assuré sa base territoriale, l’Inde de 1948 à 1972 dut tenter de résoudre ses problèmes.


La vie politique

La base constitutionnelle. Le 26 janvier 1950, la première Constitution de l’Inde indépendante entrait en vigueur. L’Inde, État républicain, démocratique et laïque, restait volontairement membre du Commonwealth. C’était un État à structure féodale avec, toutefois, de larges compétences dévolues au pouvoir fédéral (Affaires étrangères, Défense nationale, monnaie...) et la possibilité pour New Delhi d’administrer directement en vertu du President’s Rule un État dont la situation intérieure était troublée (cas du Kerala en 1959-60 et du Bengale-Occidental en 1970).