Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Inde (suite)

En 1919, l’Angleterre accordait à l’Inde une Constitution instituant le système de la dyarchie. Au niveau des gouvernements provinciaux, les Indiens pouvaient devenir ministres. Dans les provinces seraient élues au suffrage censitaire des assemblées représentatives. Dans celles-ci seraient sauvegardés les droits des diverses communautés (hindous, musulmans, sikhs...) et catégories sociales (par exemple les intouchables). Enfin, les cinq cents États princiers étaient pour la première fois intégrés à la vie politique nationale grâce à la création d’une Chambre des princes, qui pouvait être consultée sur tout problème important.

L’aile modérée du Congrès et même Gāndhī auraient peut-être joué loyalement le jeu de cette Constitution si celle-ci n’avait été octroyée dans un climat de répression systématique (Rowlatt Act [1919], massacre d’Amritsar... [v. Gāndhī]) et si les Britanniques ne s’étaient pas, en fait, réservé tous les secteurs clés, même dans les gouvernements provinciaux. Finalement, maîtresse des finances, de l’armée, de la police, la Grande-Bretagne n’établissait qu’une parodie de régime parlementaire. Répression aveugle, question du califat, difficultés économiques amenèrent Gāndhī, « plébiscité » par le Congrès, à préparer le lancement d’une grande campagne nationale de résistance non violente. Celle-ci devait être interrompue en 1922, à la suite des incidents de Chauri Chaura.

Les années suivantes jusqu’en 1928 seront marquées par une pause relative du mouvement nationaliste, qui s’inscrit par ailleurs dans le cadre de la légalité constitutionnelle. Décembre 1927 fut un point d’inflexion important : à sa session de Madras, le Congrès ne réclamait plus le svarāj, que l’on pouvait interpréter à la rigueur comme voulant dire « autonomie interne », mais le pūrna svarāj, c’est-à-dire l’indépendance complète ; 1928 devait voir le retour de Gāndhī sur la scène politique, et 1929 la nomination de Jawaharlāl Nehru* comme président du Congrès (1889-1964).

Nehru naquit à Allāhābād dans une caste de brahmanes kāśmīrī ; sa famille, acquise aux idées modernes (son père, Motilal Nehru, était aussi un leader nationaliste connu), l’envoya faire ses études en Angleterre, notamment à Cambridge. Compagnon fidèle et ardent de Gāndhī, il fut amené à la présidence du Congrès sur la recommandation du Mahātmā. Cela ne veut pas dire qu’il ait entièrement partagé les idées de ce dernier. Au contraire, son esprit rationaliste, ses goûts pour ce que nous appellerions aujourd’hui le socialisme démocratique étaient autant de points de divergence.

La lutte nationale prit un nouvel essor. Gāndhī, avec la « marche du sel » de Dandī, relança la désobéissance civile. La situation était rendue difficile par l’opposition du Congrès, de la Ligue musulmane et des princes. Arrêté en mai 1930, le Mahātmā ne fut libéré que pour signer un pacte avec le vice-roi lord Irwin et aller représenter le Congrès à la seconde conférence de la Table ronde à Londres en 1931. Comme la première (1930), tenue en l’absence du Congrès, cette deuxième conférence n’eut aucun résultat à cause des divisions entre Indiens citées plus haut.

En 1935, pour tenter de désamorcer une nouvelle fois la situation, les Britanniques accordèrent une Constitution : le Government of India Act, qui faisait de l’Inde une fédération regroupant les États princiers et les territoires de l’Inde britannique. Pour le reste, la dyarchie établie en 1919 restait largement la règle. Une fois de plus, l’accueil fut très réservé : le Congrès n’y trouvait pas l’indépendance tant souhaitée, les musulmans craignaient d’être étouffés par les hindous, et les princes par l’élément populaire. Néanmoins, à partir de 1937, de nombreux ministres congressistes devaient réaliser, malgré leur compétence limitée à certains domaines (enseignement, santé, travaux publics), une œuvre remarquable.

La Seconde Guerre mondiale allait exacerber l’antagonisme entre Britanniques et nationalistes indiens. Le vice-roi lord Linlithgow ayant, en septembre 1939, déclaré de sa propre autorité l’Inde en état de guerre avec l’Allemagne, le Congrès protesta. Les ministres indiens démissionnèrent des gouvernements provinciaux. Nehru, tout en proclamant l’irréductible hostilité de l’Inde au nazisme, déclara que seule une Inde indépendante pourrait librement participer au combat avec la Grande-Bretagne ; seuls les États princiers coopéreront. Gāndhī ne put alors persuader la majorité du Congrès que la non-violence devait être le seul moyen de lutte contre une éventuelle invasion japonaise. À partir de 1940, il lança une campagne de désobéissance civile.

1942 fut vraiment Tannée décisive.

— Devant le péril japonais, les Britanniques envoyèrent sir Stafford Cripps (1889-1952) en une mission de la dernière chance. Elle échoua, les Anglais ne promettant le statut de dominion qu’après le retour de la paix.

— Sūbhas Chandra Bose (1897-1945), l’un des leaders du Congrès les plus populaires, persuadé que la non-violence et la désobéissance civile ne donneraient rien, passa dans le camp des Japonais, formant en 1943 une armée de l’Inde libre (Azād Hind), qui lutta à leurs côtés sous le nom d’« Indian National Army ».

— En juillet-août, Gāndhī lançait son célèbre Quit India as masters (quittez l’Inde en tant que maîtres) et finissait par admettre la possibilité pour une Inde libre de participer au conflit armé.

Les arrestations massives, dont celle de Gāndhī (le 9 août 1942), et une répression meurtrière ne firent nullement évoluer une situation apparemment sans issue.

— Enfin, d’un intérêt moins immédiat, mais capital pour l’avenir, c’est l’époque où s’amorça un transfert important de propriétés industrielles. Endettée vis-à-vis de l’Inde du fait de la guerre, la Grande-Bretagne commença à vendre les entreprises (plantations, usines...) qu’elle y possédait. C’est à ce moment que le capitalisme indien se développa.