Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Île-de-France (suite)

Le style flamboyant apparaît surtout dans les remaniements subis par beaucoup d’églises à partir du milieu du xve s. La tendance habituelle à l’économie n’est contredite qu’au xvie s. par l’exubérance de certains morceaux de bravoure : le transept de la cathédrale de Senlis, celui de Beauvais et, dans la même ville, le chœur de Saint-Étienne.

Parallèle à celle de l’architecture sacrée, l’évolution du château fort a pour point de départ, au xie et surtout au xiie s., les donjons élevés pour le roi ou pour de turbulents seigneurs à La Roche-Guyon (Val-d’Oise), à Houdan, à Étampes. À partir du règne de Philippe Auguste, l’enceinte tend à assumer le rôle essentiel. Elle dessine un quadrilatère régulier à Dourdan, à Farcheville (Essonne) et à Vincennes, où Charles V la juxtaposa au donjon commencé par Philippe VI. Plus fréquent, le plan irrégulier fut adopté dans les premiers bâtiments de Saint-Germain et de Fontainebleau ou à Coucy, que signalait un énorme donjon cylindrique du xiiie s. Aux environs de 1400, l’éveil du mécénat princier inspira des châteaux plus luxueux, tels ceux de Pierrefonds et de La Ferté-Milon.

Mouvement né de l’initiative des grands, la Renaissance a trouvé autour de Paris un terrain éminemment favorable. L’impulsion décisive fut donnée par François Ier, le roi mécène, revenu de captivité en 1526. Fontainebleau*, la grande entreprise du règne, compte moins pour son architecture que pour la magnificence de sa décoration intérieure. Le château de Madrid s’éleva aux portes de Paris ; les châteaux de Saint-Germain et de Villers-Cotterêts furent reconstruits. Suivant l’exemple royal, le connétable de Montmorency transforma Chantilly, puis fit bâtir Écouen, quadrilatère régulier à pavillons d’angles.

Dès la fin du règne et plus encore sous Henri II, les architectes imposèrent un style plus savant et plus mâle, inspiré de l’antique autant que de l’Italie. Philibert Delorme* commença le « château neuf » de Saint-Germain ; seul Anet, qu’il conçut pour Diane de Poitiers, subsiste encore en partie. Anne de Montmorency fit élever par Jean Bullant (v. 1520-1578) le « petit château » de Chantilly, d’un goût très pur, et peut-être les avant-corps à l’antique d’Écouen, dont Jean Goujon* décora la chapelle.

Nulle autre province française n’est aussi riche en art religieux de la Renaissance. Il s’agit souvent d’embellissements apportés à des édifices de structure encore gothique : tombeaux royaux de Saint-Denis ; vitraux donnant leur parure colorée à la sainte chapelle de Vincennes et à tant d’églises, notamment Saint-Étienne de Beauvais. Quant à l’architecture à l’italienne ou à l’antique, on la rencontre surtout au nord de la Seine, habillant façades et portails avec un faste mêlé de fantaisie.

Grand bâtisseur, Henri IV fit reprendre les travaux de Fontainebleau et de Saint-Germain. Au sommeil relatif des chantiers royaux, l’époque Louis XIII oppose l’extraordinaire vitalité de l’architecture privée. Blérancourt (Aisne), élevé par Salomon de Brosse pour Potier de Gesvres et dont il reste le noble frontispice, était le type du château de grand seigneur. Mais la plupart des demeures alors, souvent bâties pour des gens de robe, attestent la vogue de l’architecture en brique et en pierre déjà adoptée auparavant à Fleury-en-Bière (Seine-et-Marne), à Ormesson et à Rosny-sur-Seine, fief de Sully. Louis XIII donnant lui-même l’exemple à Versailles*, c’est selon ce parti, et dans un style habituellement dépouillé, que furent édifiés Grosbois, Bâville (Essonne), Wideville (Yvelines), avec son décor sculpté par Jacques Sarazin* et peint par Simon Vouet*, et Guermantes (Seine-et-Marne).

Sous la minorité de Louis XIV, le seul grand chantier royal s’ouvrit à Vincennes (cour d’honneur). Les deux principales demeures privées de cette époque témoignent, comme lui, du retour à la pierre. Maisons, que F. Mansart* éleva pour René de Longueil, marque l’abandon des ailes en retour d’équerre et s’embellit d’un décor dû aux plus habiles sculpteurs du temps ; à Vaux-le-Vicomte*, Fouquet consacra, en les associant, les talents de Le Vau*, de Le Nôtre* et de Le Brun*.

On ne peut pas dire que Versailles, la création majeure de Louis XIV, ait totalement accaparé l’activité artistique de son règne. Sans négliger Saint-Germain ni Fontainebleau, le souverain lui-même fit œuvre plus personnelle à Marly, où de magnifiques jardins de Le Nôtre accompagnaient les pavillons élevés par J. H.-Mansart* à l’usage du roi et de ses invités. Le temps n’a guère épargné les créations du même architecte à Clagny près de Versailles, à Saint-Cloud, à Meudon, à Chantilly, alors que subsiste Dampierre, qui remet la brique en honneur.

Le règne de Louis XV a apporté des embellissements au décor intérieur de Fontainebleau et de Versailles, mais il ne reste à peu près rien de l’œuvre de J.-A. Gabriel* à Choisy et à Bellevue. Rambouillet, remanié par le comte de Toulouse, a gardé ses jardins et son décor de lambris. À Chantilly, le prince de Condé employa l’architecte Jean Aubert († 1741), auquel on doit le superbe bâtiment des Écuries (1719-1735) et l’appartement du « petit château », où Christophe Huet († 1759) a peint le salon des Singes. À Champs, Jean-Baptiste Bullet de Chamblain (1665-1726) éleva pour un financier, dans les premières années du siècle, un château d’allure sobre qui reçut ensuite un riche décor intérieur. Le château de Champlâtreux (Val-d’Oise), bâti à partir de 1757 pour le président Mathieu Molé, sur les plans de Jean Michel Chevotet (1698-1772), allie la noblesse à l’élégance. On trouve un ton moins solennel à Villarceaux (Val-d’Oise) et surtout à Jossigny (Seine-et-Marne), petit château dans le goût de la rocaille. On connaît aussi de beaux bâtiments monastiques de cette époque, notamment à Saint-Denis.

Gabriel, dès la fin du règne de Louis XV, s’est fait l’inspirateur d’un style particulièrement épuré, dont témoignent la reconstruction de Compiègne et surtout le Petit Trianon à Versailles. On reconnaît son influence au Marais (Essonne), œuvre de l’architecte Barré. De plus en plus marqué par le « retour à l’antique », le style Louis XVI s’affirme au pavillon de Mme du Barry, élevé par Claude Nicolas Ledoux (1736-1806) à Louveciennes, au château des Boulayes (Seine-et-Marne), au palais abbatial de Royaumont. On le retrouve dans les nouveaux appartements des demeures royales, de même qu’à Maisons, où la salle à manger d’été du comte d’Artois, conçue par Bélanger*, offre un beau décor de pierre et de stuc. La vogue des jardins paysagers à l’anglaise date aussi de cette époque. Le modèle proposé dès 1763 à Ermenonville par le marquis de Girardin a été suivi notamment à Chantilly, à Trianon, à Bellevue et à Rambouillet, où le pavillon des Coquillages de la princesse de Lamballe voisine avec la laiterie de Marie-Antoinette.