Ike no Taiga (suite)
Né près de Kyōto d’une famille assez simple, Taiga ne connut jamais l’aisance des « lettrés » chinois. On raconte que, dès son enfance, il aurait exécuté des éventails illustrés pour gagner sa vie. Comme il montre, très jeune, des dons pour la calligraphie, ses parents le confient au monastère du Mampuku-ji pour parfaire son éducation. Cette formation de calligraphe marque toute son œuvre : elle se retrouve dans la ligne nerveuse ou souple qui constitue l’ossature de ses compositions, les calligraphies expressives qui accompagnent bon nombre de ses peintures et la facilité avec laquelle il emploie des techniques différentes.
Taiga commence sa carrière de peintre dans le style Tosa, puis un recueil de peintures de l’époque Ming, le Hasshu Gafu (« les Huit Albums de Peinture »), lui révèle l’idéal esthétique des lettrés. Un des premiers adeptes du mouvement bunjin-ga, Yanagisawa Kien (1704-1758), lui apprend alors la technique chinoise et peut-être aussi la shitō-ga (peinture au doigt très en vogue en Chine sous les Qing [Ts’ing]), qui permet à l’artiste d’exprimer directement, sans pinceau, sa spontanéité profonde.
Cependant, si beaucoup d’œuvres de jeunesse portent la marque du style nan-ga, bien d’autres démentent cette influence et témoignent de la formation extrêmement diverse de Taiga. Dès 1746 et pendant plus de dix ans, celui-ci parcourt le pays et fait l’ascension de montagnes célèbres pour comprendre plus intimement la nature. Ce contact direct lui inspire de nombreuses « vues réelles » (shin-kei) des plus beaux sites du Japon. Ce sont, en fait, des interprétations personnelles où le peintre se détache des paysages à la chinoise et retrouve une émotion lyrique proprement japonaise. D’autres courants l’attirent, comme les effets décoratifs de l’école Sōtatsu*-Kōrin* et même la peinture occidentale, qu’il découvre en 1748. Sous l’influence de celle-ci, Taiga développe son sens de la composition et accentue ses effets de lumière et de profondeur dans les paysages.
Peu avant quarante ans, il éblouit par la vigueur et la souplesse de son style. La paire de paravents sur fond d’or exécutée vers 1760-1770 (Musée national de Tōkyō) fournit un exemple de cette synthèse étonnante des œuvres de la maturité. Toute la fantaisie du peintre apparaît dans le paysage à la chinoise, traité à l’encre, mais rehaussé de couleurs vives.
Le succès de Taiga et de son contemporain et ami Yosa Buson (1716-1783), avec qui il collabora à l’illustration de poèmes chinois, contribua à répandre rapidement le mouvement nan-ga dans tout le Japon.
F. D.
CATALOGUE D’EXPOSITION : 150 Ans de peinture au Japon de Gyokudō à Tessai (xviiie-xixe s.) [Petit Palais, Paris, 1962].