Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Idrīsides (suite)

La chute des Idrīsides

L’unité semble quelque peu rétablie en 905 par un souverain énergique, Yaḥyā IV, lorsque les Fāṭimides d’Ifrīqiya lancent à l’assaut du royaume idrīside une puissante tribu berbère, les Miknāsa, sous la conduite de l’un de ses chefs, Maṣāla. Vaincu en 917, Yaḥyā IV capitule et reconnaît la suzeraineté du mahdī fāṭimide, qui lui laisse le gouvernement de Fès et de sa province, le reste du royaume étant confié à Mūsā, cousin de Maṣāla. Deux ans plus tard, il est définitivement chassé de sa capitale, et sa dynastie est, après une tentative de restauration entre 925 et 927, refoulée dans les montagnes du Nord marocain, plus précisément dans une forteresse de la région de Ceuta surnommée Ḥadjar al-Nasr, ou Rocher de l’Aigle. De là, les Idrīsides assistent impuissants à la montée des Miknāsa ainsi qu’à la rivalité des Omeyyades d’Espagne et des Fāṭimides d’Ifrīqiya. Coincés entre ces deux puissances, ils sont obligés de reconnaître sous la menace, et en fonction du rapport de forces, la suzeraineté de l’un ou l’autre de ces adversaires. Cette situation durera jusqu’en 985, date à laquelle le dernier souverain idrīside, al-Ḥasan ibn al-Qāsim, en exil depuis 974, est assassiné sauvagement sur les ordres de Cordoue.

M. A.

Ieyasu (Tokugawa)

(1542-1616), unificateur du Japon (1603-1616).


Ieyasu était le fils d’un petit seigneur du nom de Matsudaira Hirotada, possédant quelques terres inféodées tantôt aux Imagawa de Suruga, tantôt aux Oda de Owari. Né en des temps troublés, le jeune Takechiyo fut, à partir de l’âge de six ans, considéré comme un otage garantissant la fidélité de son père par l’un ou l’autre de ces deux seigneurs voisins, selon les hasards des guerres.

À dix-neuf ans, il assuma le nom de Matsudaira Motoyasu et combattit (toujours comme otage) pour la famille Imagawa. Celle-ci ayant été vaincue par Oda Nobunaga, il fut libéré de ses liens de vassalité et revint dans ses domaines d’Okazaki, en Mikawa. À partir de ce moment-là (1561), il choisit de se joindre à Nobunaga et prit le nom de Matsudaira Ieyasu. Tout en aidant Oda Nobunaga dans ses conquêtes, il consolidait ses positions dans son fief de Mikawa. Oda Nobunaga, afin de s’assurer le concours définitif de ce vaillant guerrier, donna sa fille en mariage au fils aîné d’Ieyasu, Matsudaira Nobuyasu.

Fort de l’appui de Nobunaga, Ieyasu se libéra de l’emprise de la famille Imagawa, dont il annexa les territoires. Étant devenu un grand daimyō, la cour impériale reconnut son titre et lui permit d’utiliser le patronyme de Tokugawa, nom sous lequel, à partir de 1566, il sera connu. Tout en essayant d’agrandir ses propres territoires, il se montra favorable à la politique d’unification du Japon préconisée par Oda Nobunaga.

À la mort de ce dernier lors de la prise du pouvoir par Hideyoshi (1582), il se garda d’intervenir et ne se posa pas en rival de Hideyoshi, qui lui en sut gré. Son but était d’abord de fortifier sa position dans le Kantō (région de Tōkyō). Aussi bon administrateur que guerrier, Ieyasu étendit peu à peu ses possessions vers l’est et refusa d’intervenir en Corée aux côtés d’Hideyoshi, disant qu’il « préférait chasser sur ses terres ».

Ainsi, alors que les troupes de Hideyoshi étaient décimées en Corée, Ieyasu renforçait à la fois son potentiel militaire et l’administration de ses territoires. Nommé l’un des tuteurs de Hideyori par Hideyoshi, il ne semble pas qu’il ait eu l’intention de prendre le pouvoir à la mort de ce dernier en 1598, mais, des dissensions s’étant produites au sein du Conseil de régence et étant attaqué par d’autres conseillers, il ne vit d’autre solution pour se défendre que de réunir ses fidèles autour de lui. Le désaccord se régla par un affrontement militaire à Sekigahara (près de Gifu) après quelques passes d’armes et prises de châteaux. L’armée de l’Ouest représentait, selon Ishida Mitsunari (qui était assisté par Konishi Ykinaga, Shimazu Yoshihiro et Ukita Hideie), les défenseurs de la légitimité du fils de Hideyoshi et s’opposait aux troupes de l’Est, composées d’Ieyasu et de ses alliés. Le choc se produisit le 21 octobre 1600 : Tokugawa Ieyasu battit complètement l’armée adverse grâce à l’abstention de certains daimyō.

Il châtia vigoureusement les généraux vaincus, puis, devenu sans conteste le daimyō le plus puissant du Japon, récompensa les seigneurs qui avaient combattu de son côté, gardant pour lui une grande partie des terres confisquées.

En 1603, l’empereur, ne pouvant que reconnaître le fait accompli, lui donna le titre de shōgun, ce qui lui permit d’organiser immédiatement son « bakufu », ou gouvernement militaire, « au nom de l’empereur ». Ieyasu fixa sa capitale à Edo (maintenant Tōkyō), au centre de ses États du Kantō, et intronisa son fils Hidetada, en faveur duquel il abdiqua dès 1605 de son titre de shōgun, comme son successeur. Hideyori, le fils de Hideyoshi, fut désormais considéré comme un simple daimyō.

Ieyasu s’occupa lui-même activement de réduire les seigneurs qui ne reconnaissaient pas son autorité, tandis que tous les mécontents, les chrétiens et les rōnin (ou samurai sans maître) se réunissaient à Ōsaka autour de Hideyori. Celui-ci devenant dangereux, il décida de l’éliminer et, à cet effet, mit en 1614 le siège devant le château d’Ōsaka. Durant l’été de 1615, il attaqua celui-ci avec des forces considérables, le prit et l’incendia. Hideyori se suicida.

Ieyasu demeurait le seul maître du Japon, qu’il avait enfin réussi à unifier, réalisant ainsi pour son propre compte les ambitions de ses deux anciens chefs, Oda Nobunaga et Toyotomi Hideyoshi. Un an à peine après la prise du château d’Ōsaka, il mourut, âgé de soixante-quatorze ans, non sans avoir fermement établi son autorité, divisant les daimyō en classes et les faisant se surveiller mutuellement, obligeant les « daimyō extérieurs » (tozama), c’est-à-dire non directement inféodés à Ieyasu, mais « alliés », à résider à Edo une partie de l’année et à y laisser leur famille en otage.