Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Ichtyosaures (suite)

Description

Les Ichtyosaures rappelaient par leur forme les Requins et les Dauphins ; leur corps était hydrodynamique et sans cou, comme chez ces animaux. Chez les Ichtyosaures, les nageoires impaires comprenaient une dorsale et une caudale ; la dorsale devait servir de stabilisateur ; la caudale était verticale — celle des Cétacés est, au contraire, horizontale —, mais, extérieurement, ses deux lobes étaient en général égaux (tandis que, chez les Sélaciens, le lobe supérieur est le plus développé) ; toutefois, la colonne vertébrale ne se poursuivait que dans le lobe inférieur (hétérocercie inverse), et, avant de pénétrer dans celui-ci, sa direction devenait brusquement plus oblique. Les membres pairs étaient transformés dans le sens d’une adaptation étroite à la nage. Les pattes antérieures étaient transformées en véritables palettes natatoires (fig. 1) par multiplication du nombre des phalanges (hyperphalangie) et aussi souvent, mais pas toujours, par multiplication du nombre des doigts (hyperdactylie). De plus, les phalanges avaient souvent une forme raccourcie. Certains Ichtyosaures, dits longipinnates, n’avaient que trois doigts ; les surfaces articulaires des phalanges de ces Ichtyosaures impliquaient une plus grande flexibilité. Au contraire, les membres postérieurs étaient toujours moins développés, et le bassin était isolé dans les chairs, sans contact avec la colonne vertébrale, comme chez les Cétacés et les Siréniens.

La colonne vertébrale comprenait des vertèbres toutes semblables, biconcaves et sans apophyses de connexion ; cette disposition devait conférer au rachis une grande mobilité ; on ne connaît de telles vertèbres biconcaves chez aucun autre Reptile, mais seulement chez certains Poissons.

Les yeux (fig. 2), très développés, étaient chacun emballés dans un gros globe sclérotique. La bouche était un grand piège à Poissons, de nombreuses dents garnissant un long orifice rostral ; ces dents avaient une structure labyrinthodonte, c’est-à-dire qu’elles montraient en coupe transversale de l’ivoire plissé en méandres. Cette structure, qui n’est pas connue chez les autres Reptiles, ne se retrouve que chez les Amphibiens fossiles Stégocéphales. Il est clair, d’ailleurs, que les Ichtyosaures n’ont aucune descendance dans la nature actuelle. Nageurs et plongeurs actifs, ces Reptiles étaient des carnivores dont le régime alimentaire nous est connu grâce à l’analyse de leur contenu stomacal (Poissons, Crustacés, Mollusques).

L’anatomie des Ichtyosaures était assez constante ; toutefois, on observe que les formes les plus récentes avaient une caudale plus fortement hétérocerque, l’angle de la colonne vertébrale à la base de la queue étant plus obtus dans les genres anciens. De même, l’évolution des Ichtyosaures eut lieu dans le sens d’une hyperphalangie de plus en plus marquée.


Reproduction

Comme tous les Reptiles, les Ichtyosaures devaient ou bien se reproduire par des œufs se développant sur le sol — mais on ne comprend pas, dans cette hypothèse, comment ces animaux auraient pu se déplacer sur la terre — ou bien être vivipares. A-t-on quelques preuves en faveur de cette hypothèse ? À l’intérieur de squelettes de grands individus d’Ichtyosaures, on a souvent observé des squelettes de petits spécimens ; ceux-ci peuvent évidemment être des jeunes, mais aussi des proies. Il semble que certains petits individus représentent effectivement des proies, car l’on a compté dans un même grand individu jusqu’à onze petits spécimens ; il est peu vraisemblable que, dans un tel cas, tous ces jeunes représentent des embryons. Mais l’hypothèse de la viviparité est aussi confirmée par d’autres observations : un exemplaire du musée de Stuttgart montre un jeune individu sortant du corps d’un gros, juste à l’endroit où devait se trouver le cloaque (fig. 3) ; il est probable que la naissance, pour ainsi dire fossilisée, avait dû avoir lieu après la mort de la mère ; chez les Cétacés, celle-ci peut, en effet, se poursuivre dans ces conditions.

Les Ichtyosaures disparurent à la fin du Secondaire et furent remplacés alors par les Dauphins et les Cachalots, qui occupent dans la nature une niche écologique comparable.

J.-P. L.

 C. Dechaseaux, « Ichthyopterygia », dans Traité de paléontologie, sous la dir. de J. Piveteau, t. V : Amphibiens, Reptiles, Oiseaux (Masson, 1955). / F. von Huene, « Ichthyosauria », dans Paläontologie und Phylogenie der niederen Tetrapoden, sous la dir. de G. Fischer (Iéna, 1956). / A. S. Romer, Osteology of the Reptiles (Chicago, 1956).

Ichtyostega

Amphibien fossile, considéré comme le premier Vertébré terrestre continental.



Intérêt de la découverte

Ce fossile, qui est le premier Amphibien actuellement connu, a été trouvé dans les couches de vieux grès rouges du Dévonien supérieur du Groenland oriental ; la première description du crâne de cet animal est due au paléontologue suédois G. Säve-Söderbergh et date de 1932. Depuis cette date, de nombreuses expéditions suédo-danoises ont poursuivi des recherches dans cette région du Groenland, et une centaine environ de spécimens plus ou moins complets ont été recueillis ; l’étude du squelette du tronc d’Ichtyostega a été l’œuvre d’un autre paléontologue suédois, le professeur E. Jarvik, de Stockholm. Quel intérêt particulier présente donc le genre Ichtyostega ?

Ichtyostega est le premier Vertébré à avoir possédé des pattes et à avoir vécu sur le continent (du moins d’après nos connaissances). Or, la transformation majeure de l’histoire des Vertébrés est, sans conteste, celle qui a abouti à la sortie des eaux et à la conquête du domaine terrestre ; les Vertébrés apparaissent à l’Ordovicien, il y a environ 450 millions d’années ; ils persistent sous forme d’Agnathes et de Poissons jusqu’au Dévonien inférieur, et c’est seulement alors — c’est-à-dire il y a environ 350 millions d’années — que les Vertébrés commencent à s’adapter à la vie terrestre avec l’apparition d’un premier Amphibien, Ichtyostega.